J’avais lu dans un article de presse des années 70 que le nom de Taradéruze donné au géant de Lens provenait d’une histoire selon laquelle, sa tante Sophie Bouboute l’aurait ainsi prévenu lorsqu’il lui a fait part de son intention de prendre épouse : « Si té fais cha, tchiot, t’aras des ruzes » (Si tu fais ça, mon petit, tu auras des malheurs).
Un autre article parlait d’un roman introuvable de nos jours faisant état d’un mineur qui voulait appeler son fils Taradéruze car il avait lui-même eu des malheurs dans sa vie et qu’il voulait ainsi prévenir son fils des risques à venir.
Hé bien, ce roman introuvable, je l’ai entre les mains grâce à mon ami Richard Pisula, un lensois ‘pur souche’ lui aussi exilé. Ce livre s’intitule ‘Pays Noir’, a été écrit par Jean Pierre Barrou aux éditions de la Lys de Vendin-le-Vieil en 1942. Il raconte la vie des mineurs et de leurs familles dans la première moitié du 20ème siècle dans la région lensoise.
L’un des personnages se nomme Isidore Pochet. Trente ans, fils et petit fils de mineur, Isidore, surnommé par tous « Zidore » est l’époux de Sophie Floquet, également fille de mineur. D’un surnom issu de ses grands parents, cette dame est appelée par tous dans le coron « Sophie Bouboute ». La voici donc notre Sophie Bouboute de la légende !!!
Zidore aimait les bistouilles, les pintes et le canons de rouge. Sophie allait souvent le rechercher à l’estaminet pour le ramener en le tirant par l’oreille ! Cela n’empêcha pas Sophie de se retrouver enceinte.
Zidore, en annonçant la nouvelle aux copains du café ajouta « Je l’appellerai Taradéruze ». Devant l’étonnement de ses partenaires de boisson, il répondit : « Je n’d’ai eu, mi, des ruzes d’pis que j’sus au monte. I n’d’ara aussi. Autant que je l’prévienne tout d’suite ! » (J’en ai eu, moi, des problèmes depuis que je suis venu au monde. Il en aura aussi. Autant que je le prévienne tout de suite).
Sauf que Sophie Bouboute et sa mère Julie, la femme la plus haïe au monde par Zidore, en avaient décidé autrement et que pour elles le gamin ne pourrait porter que le prénom de son grand père maternel : Fernand.
Quelques pages plus tard, l’enfant est né. Zidore se rend à la mairie en compagnie de son copain de chopine Marius non sans faire de nombreuses escales alcoolisées. A l’employé de mairie qui lui demande le prénom choisi, il répond sans hésiter « Taradéruze ». Le fonctionnaire, affirmant que ce prénom n’étant pas dans la liste des patronymes autorisés, demande à Zidore si son épouse n’en a pas choisi un autre. Zidore rétorque « Si, mais j’m’in rappelle pus ! ».
C’est alors qu’intervient Marius qui propose d’appeler l’enfant comme lui. Ce fut donc « Marius Pochet » qui figura sur le registre des naissances.
Apprenant cela lors du retour de son époux bien éméché, Sophie Bouboute se mit dans une colère monstre. Ce fut finalement la belle-mère qui trouva la solution : puisqu’aucun des deux parents ne voulaient prénommer leur fils Marius, Sophie Bouboute l’appellera toujours Fernand et Zidore «Taradéruze».
Voici donc la véritable origine du nom de notre géant lensois. Certainement que l’un des membres du Comité du Centre-ville connaissait ce roman pour en 1956 proposer pour lui le nom devenu aujourd’hui célèbre de TARADERUZE.
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