De passage quelques jours à Lens dernièrement, je ne pouvais faire sans aller du côté ‘du 14′, dans les corons de ma jeunesse. Car si aujourd’hui, l’appellation officielle est ‘La Cité 14′, de notre temps, nous disions simplement : ‘J’habite au 14′.
Et qui dit qu’il n’y a rien à Lens ? Rien que pour faire un petit tour du côté du 14, j’ai trouvé une quarantaine de photos à publier tout en ne sélectionnant que les plus intéressantes.
Alors, allons ensemble faire un tour ‘au 14′ avec quelques clichés en noir et blanc d’époques différentes, parfois retouchées, qui raviveront nos souvenirs de jeunesse.
‘Le 14′ se situait sur la côte 70, là où eurent lieu les plus terribles batailles de la Première Guerre Mondiale. Comme quasiment toute la ville de Lens, l’endroit a été entièrement ravagé. Voici notre cité vers 1920, au début de la reconstruction :
Côté ‘ville’, le ’14′ débute au niveau de l’ancienne Maison de Retraite, Route de La Bassée, face à laquelle on trouve les premiers corons au ravalement blanc.
Devant chaque maison, on trouvait un jardin potager remplacé aujourd’hui par un parking.
En continuant vers le nord, on trouve la Place Cauchy où avait lieu la ducasse du 14. Face à la place, le Café Pierru était le siège des supporters du RC Lens, section ‘fosse 14′.
Aujourd’hui, la café-tabac existe toujours, il a été renommé : ‘Le Celtique’.
A l’angle de la Place Cauchy et de la Route de la Bassée, la Coopérative des Mines (où a travaillé ma petite sœur). Cet immeuble abrite maintenant une succursale de la Caisse d’Epargne.
De l’autre côté de la Place, l’ancien dispensaire du 14 semble aujourd’hui abandonné.
Les corons sont de part et d’autre de la place :
A l’extrémité de la place, la rue Galilée qui rappellera des souvenirs à certains …
Nous revenons ensuite sur la Route de la Bassée pour y rencontrer deux édifices bien connus des habitants du 14. D’abord la Chapelle Ste Thérèse. Elle dépendait de la paroisse St Edouard du 12 et a été depuis désacralisée et transformée en appartements mais son clocher original a été conservé.
D’architecture d’avant garde pour l’époque, une messe y été célébrée tous les dimanches dans les années 60.
Tout près de là se trouve toujours l’école maternelle qui a pris le nom de La Fontaine.
Derrière cette école, il y eut pendant quelques années le Collège Jean Zay qui était une annexe de Michelet. Il se situait près de rues typiques de corons blancs comme la rue Leibnitz.
Encore derrière fut construit dans les années 60 , le Lycée Technique qui ne s’appelait pas encore Lycée Auguste Béhal.
De retour sur la Route de la Bassée qui constitue l’axe principal de la cité pour voir que les corons n’ont pas beaucoup changé entre ces deux photos prises à environ 40 ans d’intervalle.
Nous allons laisser sur notre gauche la rue Saint Edouard qui mène à l’église du même nom et à la cité 12…
… pour trouver le lieu où sont installés divers commerces. A notre époque, on pouvait y trouver un primeur, un boulanger (Rogeot, je crois), une boucherie, la CCPM, etc …. Et le seul établissement qui porte toujours aujourd’hui le même nom est le café-bar « Chez Néné ».
Ces commerces précèdent la rue d’accès à l’entrée de la fosse 14 sur le carreau de laquelle a été construit un terrain de football.
Ouverte dès 1904 et appelée aussi Fosse St Émile ou Émile Bigo, elle est ré-ouverte après la première guerre vers 1920. Elle cesse d’extraire dès 1938 et assure alors le service du personnel et du matériel.
Elle est définitivement arrêtée en 1967 et remblayée la même année. Le chevalet est abattu le 20 Février 1974.
Aujourd’hui, de la fosse 14, il ne reste qu’une plaque de métal symbolisant l’endroit où se trouvait le puits avec une épitaphe rappelant seulement les années de naissance et de fin d’activité de la fosse.
Face à l’entrée de la fosse, se trouve toujours la superbe battisse qu’était la maison de l’Ingénieur.
Encore quelques barres de corons de la Route de La Bassée.
Nous tournons ensuite à gauche pour trouver l’endroit qui nous est toujours cher : la Rue Lamennais.
C’était une grande maison de briques rouges avec un immense jardin que notre père entretenait avec passion et amour.
En face de notre maison, se trouvaient d’autres habitations identiques à celles ci-dessous. Elles étaient plus petites (ne comprenant généralement que deux pièces) et étaient destinées aux pensionnés des Mines mais où vivaient surtout des veuves de mineur. Vétustes, elles ont été détruites à la fin du 20ème siècle pour être replacées par des logements locatifs.
On se souvient que notre rue était vivante dans les années 60. Pas par la circulation automobile qui était rare alors mais par l’âme que lui donnaient les habitants au quartier. En citant Daniel Guichard, on peut dire de cette époque : ‘Chez nous, y’avait pas la télé, c’est dehors qu’on allait chercher l’évasion …’.
Qui ne se rappelle les commerçants ambulants ? Lorsque le ‘marchand de beurre’ ou le ‘marchand de bière’ passaient, c’était l’attroupement autour du camion et l’occasion pour tous de se retrouver à nouveau. On attendait aussi le livreur de charbon (SOLECO, route de La Bassée) qui vidait une partie de son camion devant les soupiraux dans une poussière atroce ou le camelot cherchant fortune en criant à tue-tête ‘Peau d’lapin!’ afin de récupérer l’enveloppe de l’animal que le mineur avait tué pour le repas dominical précédent. Mais pour les enfants, la récompense (souvent du dimanche), c’était de voir arriver le ‘marchand de glaces’ avec sa petite carriole !
A l’autre extrémité de la rue Lamennais se trouve le cimetière nord …
… attenant au « Stade du 14″ nommé depuis Stade Debeyre, là où jouait (et joue toujours) le club de l’AS Lens. Dans notre jeunesse, du stade, on voyait la fosse 12 et même les terrils du 11/19.
Voici l’entrée du Stade photographié cette année. Sur la gauche, la Route qui mène à Loos-en-Gohelle et le talus du cavalier du Chemin de Fer des Mines qui allait de la fosse 11/19 à la gare de Vendin.
Cette voie, dont il ne reste aujourd’hui que quelques bouts de rails par-ci par là, enjambait la Rue Brossolette et la Route de La Bassée par des ponts depuis rasés.
L’ancien Chemin Manot continuait sur la droite de l’entrée du cimetière pour rejoindre la Route de La Bassée. Dans cette rue, nommée aujourd’hui Louise Michel, a été construite dans les années 60 une cité de maisons basses que nous appelions ‘les HLM’.
En prenant la rue face à la porte du cimetière, appelée rue Fénélon, on arrivait à une autre succursale de la Coopérative des Mines. En voici une photo-montage qui donne à peu près ce qu’était ce bâtiment. Les enfants que nous étions aimaient aller à la boucherie car le commerçant leur offrait à chaque fois une rondelle de saucisson.
Nous revenions de la ‘coopé’ par la rue Fermat et ses corons blancs d’où on voit aujourd’hui le château d’eau de la Grande Résidence construit au début des années 70.
Un petit tour par la rue Colbert pour y voir d’autres corons qui auraient besoin d’être rénovés.
Puis, nous repartons vers la fosse 12 par la rue Brossolette (qui faisait aussi partie du Chemin Manot) avec sur la droite des maisons de pensionnés datant des années 70.
A gauche, la rue des Marronniers nous emmène aussi jusqu’aux écoles et église du 12. Dans les caniveaux de cette rue ont eu lieux d’innombrables parties de billes (nous, on disait « mappes ») lorsque les élèves que nous étions rentraient de l’école vers 16h30.
C’est dans cette rue que l’Amicale des cités 12 et 14 avaient leurs activités dans ce bâtiment rudimentaire que l’on appelait aussi ‘le Cercle’ ou la salle Saint Laurent.
Voici quelques membres de cette Amicale photographiés pour ‘Notre Mine’ lors de la construction du vestiaire du terrain de basket.
Donnée par les HBNPC à la Ville de Lens, la Salle Saint-Laurent a été remplacée en 1992 par la salle René Houdart…
… qui se situe au même endroit, face à la rue des Fresnes.
Voilà, notre balade ‘au 14′ et dans nos souvenirs se termine par un petit ‘au revoir’ avec cette photo aérienne du carreau de la fosse prise dans les années 50.
Hier soir, devant ma télé, j’étais comme des millions de Français attiré par les images de notre nouveau Président.
Ce que j’ai ressenti ? Pas la même chose qu’en 1981. D’abord, en 81, j’étais au Havre et dans mon entreprise, nous étions en grève depuis plusieurs jours lorsque sont tombés les résultats de l’élection présidentielle du 10 mai. La joie n’avait d’égal que l’espoir que suscitait la victoire de François Mitterand. Bien sur, le plan de ‘restructuration’ envisagé par la Direction et cause de cette grève, a été aussitôt ‘figé’.
Cette fois, j’étais devant mon écran. Je savais bien qu’il n’y aurait pas de foule en délire dans mon petit village normand qui, au 1er tour, avait voté pour le sortant en premier et pour l’extrême-droite en second !!! J’ai partagé ce grand moment avec mon épouse, juste nous deux !
Alors, le sentiment ne pouvait être le même. François n’est pas François. Le premier, celui de 81, je l’avait vu à Lens peu de temps avant les présidentielles de 1975. Mon père m’avait emmené à l’Apollo où Mitterand envisageait déjà le ‘Programme Commun’ et répondait aux questions des travailleurs. Je me souviens avoir entendu un mineur retraité qui, à quelques rangs de nous, apostrophait le futur Président de la République et l’appelant ‘Camarade François’ et en le tutoyant.
C’est grâce à mon père que j’ai commencé à cette époque à m’intéresser à la politique. Lui avait donné déjà. A plus de 70 ans, usé par une vie de travail qui l’avait vu, après une carrière en 3×8 aux Mines, prendre le bus à 4h00 du matin pour aller travailler cinq ans de plus dans une filature lilloise. Il avait été délégué du personnel : défendre les autres et se défendre n’étaient certainement pas des mots en l’air à l’époque. C’est donc lui qui m’apprit ce que veut dire le mot ‘SOCIALISTE’. C’est certainement l’éducation qu’il m’a donnée qui m’a fait devenir bénévole, à m’occuper des autres, à partager.
Il devait aussi aimer la phrase de Léon Blum que nous rappelle Catherine, la descendante du grand socialiste que fut Alfred MAES : » On a cessé d’être Socialiste quand on dit : « Bah c’est dans l’ordre des choses et on y peut rien ! «
En juillet 81, j’ai eu la chance de regarder avec lui, la séance d’ouverture de la première Assemblée Nationale de Gauche de la 5ème République. Dans notre coron de la fosse 14 à Lens, il n’en a pas raté une miette : de l’ouverture de la séance par Marcel Dassault à l’élection du Président Louis Mermaz. Mon père ne commentait pas, il regardait et savourait avec ce petit sourire qui s’inscrivait discrètement sur ses lèvres lorsqu’il était heureux.
Quelques semaines plus tard, il partait sans avoir connu la suite de l’histoire.
Hier, en regardant toute cette jeunesse en liesse sur Place de la Bastille à Paris, j’ai pensé à lui. Et j’aurai pu citer Daniel Guichard :
»En voyant tout ça, j’me dis
« Qu’j'aimerai bien qu’il soit près de moi,
« ….. Papa »
Lundi soir à Bollaert avait lieu un match opposant des lensois à des normands. Le Lensois-Normand ne pouvait raté cette occasion. Même s’il est ‘Normand’ depuis près de 40 ans, il reste ‘Lensois’ de cœur. Je pense que ce blog le prouve !!!
Pour marquer cet évènement, il fallait quelque chose d’original. Alors, le Lensois-Normand, lors d’un voyage éclair, y a emmené son petit fils. Normand de naissance de par sa famille paternelle de la région du Havre, il est devenu en grandissant ‘lensois’ et supporter du RCL.
Et même si le club n’est plus ce qu’il était, aussi bien sportivement qu’administrativement, la fête à été complète puis »nous, les Lensois, on a les a battu, eux les Normands …… ». Alors le Lensois-Normand et le Normand-Lensois sont rentrés en Normandie heureux !
En 1966, le journal des HBNPC, groupe de Lens-Liévin : »Notre Mine- Nuit et Jour », effectue un reportage sur ce site à l’occasion du vingtième anniversaire de l’acquisition du château par les Houillères.
Une manière de rendre hommage, ici, à tous ceux qui, à l’époque, ‘faisaient’ le maximum pour que les mineurs bénéficient au mieux des quelques jours de soleil méditerranéens. Voici un court résumé de l’article consacrés à ces personnes.
Le Directeur du Centre : Monsieur MASSIN et celle que »Notre Mine » présente un peu comme la maîtresse de maison, Mademoiselle MILLE.
Ils sont aidés par les gens du secrétariat : M. LEFEBVRE et Madame LAUTIER à la comptabilité et Madame FOUCAUT, la dactylo.
Mesdemoiselles CATEAU et LEFEBVRE tiennent le bureau de renseignements, centre vital de La Napoule. On peut s’y inscrire pour les excursions, y acheter tabac, pellicules photos ou cartes postales.
Mademoiselle GUIEU, l’infirmière, intervient pour les »petits bobos ». Pour les cas plus graves, on fait appel au médecin local ou à l’hôpital des Broussailles à Cannes et ce sont Mesdames HENNEQUIN et ENAUX qui assurent la garderie des enfants pendant que les parents sont en excursion.
Monsieur VANDENPORTE est chargé de l’économat et au bar, les service est assuré par M. DURANTE avec »un accent qui fleure bon le pastis » précise NOTRE MINE. Il est secondé par Mme GODRY, DECOSTAZ et PINCHEDE.
Pour nourrir tout ce monde, sept cuisiniers préparent les repas sous la direction de Monsieur Joseph MONY. Ce sont MM. BOUREL, MONTARONE, BRANDT, MYJA, ANSELME, MERVILLE et Madame BOUREL. A ces personnes, il faut ajouter le pâtissier M. KMIECIK et le boucher, M. GODRY.
Dans la superbe salle à manger, le service à table est assuré par Madame Brunette CHANOT, la surveillante et Mesdames MOUCHARD, MERVILLE, MOUTON, PAPALARDO, SKALSKY, BOURREZ, VICHERY, RINGEVAL et JYDE.
Et pour que les mineurs dorment en paix, un veilleur, Monsieur FERRERI, »fait des rondes toute la nuit ».
Dans cet article, »Notre Mine » cite aussi MM. COLLET, chef-jardinier, LENGRAND, chef des services généraux et les employés de l’atelier, MM. DUMAS, ROBAUT, PINCHEDE, DELCHOCQ et MALDALA.
Ce reportage avait été réalisé à l’occasion d’une visite des responsables des HBNPC photographiés sur la terrasse : MM. PLANQUE, adjoint à la Direction du Personnel; GARDENT, Directeur général; DELFOSSE, Secrétaire de la Fédération Nationale des Travailleurs du Sous-sol CGT; MORANDAT, Président du Conseil d’Administration, SAUTY, Président de la CFTC; MULLER, Secrétaire de la CGT-FO et DELEGUE, Directeur du Service du Personnel.
Et l’article se termine par les réactions des vacanciers. Tous les mineurs et leur famille se sentent heureux »comme des rois » dans ce centre qui restera très longtemps dans les mémoires et qui, on peut le dire, fait parti intégrante de notre patrimoine minier.
C’est un descendant de l’un des militaires envoyés à Lens par Clemenceau lors des grèves qui ont suivi la catastrophe des Mines de Courrières qui m’a fait parvenir ces deux photos magnifiques.
Sur cette première image, les soldats semblent ‘décontractés’. La photo a t’ elle été prise un matin au réveil ? Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas à ce moment qu’ils vont donner l’assaut. Voir cet article : »les-greves-de-1906-vues-de-lens » et les suivants.
Sur celle ci, les uniformes sont enfilés. On peut y voir que cette partie des troupes était logée à l’hôtel ‘L’Hermitage’ (où était ce ???). Les soldats sont photographiés devant une affiche du ‘Vieux Syndicat’ où Basly lance un appel aux grévistes et aux électeurs.
A remarquer aussi que les militaires ne sont accompagnés pratiquement que de femmes ou d’enfants. Où sont les hommes ? Dans les manifestations certainement.