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mardi 13 février 2024

Les polonais dans le bassin minier conférence mineurs du monde

 

Les polonais dans le bassin minier conférence mineurs du monde

L’IMMIGRATION POLONAISE DANS LE BASSIN MINIER DU NPDC

L’EXEMPLE DE LA CITÉ QUÉNEHEM DE CALONNE - RICOUART

Conférence d’Henri DUDZINSKI 04 / 09/ 15 CALONNE - RICOUART

Cette conférence d’Henri DUDZINSKI, Consul honoraire de Pologne bien connu dans la région, clôture la série de manifestations organisées par la Municipalité de CALONNE-RICOUART pour le quarantenaire de la catastrophe de l’explosion du terril de la fosse 6 (26 août 1975). Le Maire, Ludovic GUYOT, ouvre la soirée en remerciant le public nombreux constitué principalement d’anciens de la cité Quénehem et de quelques personnalités (Bertrand COCQ, Simon COLLIER, Bernard BECLIN, comédiens patoisants) ; il rappelle tout ce que son équipe municipale a concocté pour cet anniversaire funeste qui a été finalement l’occasion de rappeler tout ce qui s’est passé dans ce quartier si typique de la ville qu’on appelait ̎la Petite Pologne ̎.

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La Salle des Fêtes au 1er étage de l’Hôtel de Ville est bien remplie. Photo GT

L’arrivée de la famille d’Henri DUDZINSKI à CALONNE-RICOUART

Henri DUDZINSKI, journaliste à la Voix du Nord, est le Consul honoraire de Pologne depuis 2013, date à laquelle l’Ambassade de Pologne a fermé son Consulat de LILLE situé Boulevard Carnot. La fonction est passionnante et très prenante car les descendants des ‘’polaks’’ sont encore très nombreux dans le Bassin minier et il faut sans arrêt raviver la flamme pour que l’épopée de leurs aïeuls (parents, grands-parents, arrière-grands-parents) ne tombe pas dans l’oubli. Henri commence son exposé en rappelant ses origines calonnoises. Ceux qui deviendront ses grands-parents maternels arrivent séparément à Quénehem en 1922, une cité minière dont la construction commencée en 1920 n’est pas terminée : son futur grand-père, né en 1902 en Allemagne, habite rue d’Arras (il sera tué à la mine en 1942) et sa future grand-mère, née en 1908, emménage rue de Béthune, la rue en dessous, c’est la rue des commerçants du bas de la cité. A l’époque, la moitié-est du Bassin Minier (de LIÉVIN à VALENCIENNES) est encore dévastée à la suite de la Grande Guerre mais les nombreuses fosses de la moitié-ouest (d’AUCHEL à GRENAY) qui sont intactes sont exploitées au maximum (en 1923, la fosse 6 de CALONNE-RICOUART ouverte depuis 1908 est l’une des plus importantes d’Europe). Il faut plus de main d’œuvre pour la Mine et la Compagnie de MARLES, en vertu de la convention franco-allemande du 9 septembre 1919, est autorisée à aller démarcher les mineurs ̎polonais ̎ de Westphalie ; ce sont des ouvriers déjà qualifiés et rompus au dur métier du fond. La France leur est présentée comme le pays des Lumières, de la Liberté et des Droits de l’Homme ; on leur dit qu’ils seront plus respectés qu’en Allemagne où on leur interdisait notamment de parler polonais dans la rue. La nouvelle cité Quénehem est envahie par les Polonais (95% des 1600 habitants), les rares familles françaises qui complètent la population se sentent un peu étrangères et elles comprennent vite que c’est à elles de s’intégrer dans cette nouvelle communauté qui compte bien garder ses habitudes de vie, ses coutumes, ses fêtes, sa cuisine, ses musiques, … Ce quartier-est de la ville de CALONNE-RICOUART devient pour quelques décennies ̎la Petite Pologne ̎!

La Cité Quénehem entre les terrils du 6 (au centre) et du 2 (en arrière-plan). Au premier plan, la Cité du 6 ; on voit le puits 6 à droite au centre et les puits 6 bis et 6 ter à la base du terril. Le siège 2 qui sera rénové en 1956 se trouve sur la gauche devant la rue de Béthune (c’est la plus longue de Quénehem).

Quelques rappels concernant les immigrations polonaises

1) Les trois partages de la Pologne

L’histoire de la Pologne est parsemée de luttes incessantes avec ses voisins (Autriche, Prusse, Russie, Suède, Turquie). Après une occupation russe au début du XVIIIème siècle, le royaume est partagé une première fois en 1772 entre la Russie, la Prusse et l’Autriche, une seconde fois en 1793 et il est finalement rayé de la carte en 1795. La Pologne n’existe plus à cette date. La partie occidentale du pays avec POSEN (aujourd’hui POZNAN), DANTZIG (aujourd’hui GDANSK) et BRESLAU (aujourd’hui WROCLAW) devient prussienne, la partie méridionale avec VARSOVIE et CRACOVIE autrichienne et la partie orientale avec MINSK, LEMBERG (LVOV, aujourd’hui LVIV) et VILNA (aujourd’hui VILNIUS) russe. Voici d’ailleurs une anecdote macabre : la très célèbre Sissi (1837-1895), épouse de l’Empereur d’Autriche François-Joseph, Impératrice d’Autriche, Reine de Hongrie et de Bohême, fera construire une caserne des lanciers à OSWIECIM ; celle-ci deviendra en 1940 AUSCHWITZ 1 Stammlager (le camp de concentration qui sera complété en 1941 par AUSCHWITZ 2 Birkenau, le camp d’extermination, et AUSCHWITZ 3 Monowitz, le camp de travail).

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1772 source wikipédia Maciej Szczepanczyk

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1793 source wikipedia Halibutt

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1795 source wikipedia Halibutt-Sneecs

2) Les polonais arrivés dans le Nord/Pas-de-Calais avant la première guerre mondiale

De 1870 à 1914, beaucoup de jeunes polonais qui ne supportent plus le partage du grand pays de leurs ancêtres quittent les anciens territoires ; c’est ainsi que 4.500.000 d’entre eux émigrent pendant cette période, principalement vers les USA (60%), vers l’Europe de l’Ouest (France, Angleterre, Belgique) mais aussi vers le Canada, l’Australie et l’ Amérique du Sud. Un peu plus de 600 familles arrivent dans le Bassin Minier du Nord/Pas-de-Calais à BARLIN (Pas-de-Calais) en 1909 et à LALLAING, GUESNAIN et WALLERS (Nord) en 1910 ; en 1914, la communauté polonaise dans le Nord compte 4000 personnes dont 1400 à LALLAING. D’autres s’installeront dans les régions charbonnières de la Loire et du Midi, des ouvriers agricoles se feront embaucher dans nos campagnes et quelques intellectuels viendront vivre à PARIS.

Parmi les mineurs polonais du Nord, il convient de citer l’un d’entre eux qui a eu un destin hors du commun : il s’agit de Tomasz OLSZANSKI, d’origine autrichienne, qui arrive en France en 1909 à AUBOUÉ (Meurthe et Moselle) pour travailler dans les mines de fer. Il adhère à la CGT au Parti Socialiste. Il part à LALLAING avant le début de la guerre et il rejoint le Jeune Syndicat des Mineurs de BROUTCHOUX (anarchiste opposé au Vieux Syndicat de BASLY). Il se battra dans l’armée française pendant le premier conflit mondial. Après le fameux Congrès de TOURS en 1920, il rejoint le Parti Communiste. En 1922, il prend la nationalité française et devient permanent syndical l’année suivante. Reconnu responsable de troubles et de complots en tout genre contre le patronat des Mines, il sera arrêté, jugé, dénaturalisé et expulsé de France vers la Pologne avec sa femme et ses cinq enfants en 1934 en même temps qu’Edouard GIEREK qui deviendra Premier Secrétaire du Parti Ouvrier Unifié polonais (équivalent de 1er Ministre) de 1970 à 1980.

3) Les polonais se battent dans les deux camps pendant la première guerre mondiale

Dès le début de la 1ère Guerre Mondiale, de nombreux ressortissants polonais de France (ouvriers, intellectuels, commerçants) et quelques volontaires étrangers affluent chez nous pour se battre au côté des Alliés ; on les rassemble dans le 1er Régiment de marche de la Légion Étrangère, on les appelait ‘’les Bayonnais’’ (Bajończycy) car ils ont effectué leur instruction à BAYONNE. La plupart d’entre eux trouveront la mort le 9 mai 1915 dans les combats autour de NEUVILLE-ST VAAST où il y a un lieu du souvenir, le Monument des Bayonnais, où se fera une réconciliation officielle entre la Pologne et l’Allemagne le 9 mai 2015 (centenaire de la bataille) ; c’est l’une des plus grandes fiertés d’Henri DUDZINSKI qui a même obtenu de BERLIN l’entretien de la nécropole polonaise qui est à trois kilomètres au nord du grand cimetière allemand de NEUVILLE-ST VAAST. Il est à noter aussi que des Polonais de l’armée française se sont battus contre des Polonais enrôlés dans l’armée allemande en 1914 en Champagne et en 1915 en Artois. Entre 300000 et 500000 soldats sont ainsi tués dans les deux camps au cours du conflit sur les fronts occidentaux et orientaux, on peut affirmer que leur mort n’a pas été inutile puisqu’elle a aidé à la création du nouvel état le 11 novembre 1918. La Pologne a gagné le droit de renaître grâce au sang de ses fils disparus.

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La nécropole polonaise de NEUVILLE-ST VAAST. Photo GT

4) La naissance de la Pologne et la Polonia vers la France

Le nouvel état polonais naît le 11 novembre 1918, le jour du Traité de VERSAILLES. La Pologne devient (pour seulement vingt ans, hélas, jusqu’au traumatisme de 1939…) un état souverain, ses habitants sont enfin libres mais les temps sont durs ; il est difficile de nourrir tout le monde et le Gouvernement ne retient pas les jeunes Galiciens et Silésiens qui veulent aller travailler dans les Mines de France, ils arriveront en même temps que les Westphaliens. La Polonia (immigration polonaise massive) vers la France commence donc en 1921, elle s’échelonnera sur plusieurs années. L’entrée sur le territoire, la sélection et la répartition dans les régions se font à TOUL (Meurthe et Moselle). Depuis 1909, les Préfectures concernées connaissent la valeur et le courage des mineurs polonais, l’intégration devrait donc se faire rapidement. Il est prévu dans les accords signés avec la France que les familles seront accueillies dans des cités minières (existantes, en construction ou temporaires), qu’on leur proposera d’emblée un apprentissage de la langue française et qu’elles pourront créer un tissu associatif spécifique (c’était interdit en Allemagne). Il est sous-entendu que la communauté sera particulièrement surveillée par les gardes des Mines qui devront signaler au Patronat les noms des fauteurs de trouble éventuels. Bien accueillis dans leur pays-hôte, bien logés, normalement aussi bien payés que les Français, rassemblés en communautés, autorisés à garder leurs habitudes de vie (c’est ce que pensent les Compagnies…), les Polonais sont alors invités à faire leurs preuves au travail… et c’est ce qu’ils feront pendant des décennies forçant souvent l’admiration de leurs collègues français.

L’installation des familles polonaises dans le Bassin Minier

1-C’est la révolution dans les corons !

Des bataillons de Polonais débarquent subitement dans les cités prévues pour les accueillir et cela crée d’emblée une sacrée animation. Ceux qui viennent de Westphalie arrivent avec leurs meubles, ceux qui arrivent de Silésie et de Galicie n’ont que leurs violons et leurs bandonéons. On arrive à Quénehem à pied après être descendus de la micheline en gare de VIS À MARLES, le défilé ininterrompu affole les rares familles françaises déjà présentes. La nouvelle communauté s’installe, on est venu ses artisans (coiffeurs, tailleurs, boulangers, bouchers, charcutiers, …), avec ses commerçants (beaucoup de juifs…), ses instituteurs et ses curés payés par les Compagnies. Tout ce petit monde s’organise rapidement : on est libre, on a du boulot, on nous laisse maintenir nos traditions car on est presque entre nous, que demande le peuple ? Les Français découvrent très vite de nouveaux plats (la kapusta ou choucroute au vinaigre, les kluski ou petites faluches à réchauffer à la vapeur, les pierogi ou ravioles de chou et de champignons, les plenze ou galettes de pommes de terre, …), une charcuterie vraiment appétissante (la metka ou saucisse fumée, la melona ou saucisse cuite, la krakowska ou saucisson fumé, la szynkowa ou saucisson au jambon, les sossiskis, la leberka ou pâté de foie fin en boyau, le smalec ou saindoux aux lardons frits, la kiszka ou boudin noir, …), des produits vinaigrés (les rollmops de hareng, les ogórki kiszone ou gros cornichons salés) et bien sûr une pâtisserie pour le moins bourrative qui n’a rien à voir avoir ce qu’ils connaissaient déjà (le placek ou gâteau aux pommes recouvert de cramble, les pączki ou beignets frits remplis de marmelade de pruneau, les chrusciki ou gâteaux secs torsadés cuits à la friture, le makocz ou gâteau roulé aux graines de pavot, etc...).

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Appétissant, le makocz, mais déconseillé pour les régimes !

Source wikipedia Bartekbas

Bataillons de bouchers-charcutiers et de serveuses chez Stanislaw BUDZYNSKI,

Boulevard Gambetta à MARLES-LES-MINES. Photo fournie par Bertrand C.

2-Les relations avec les Français dans les cités minières à majorité polonaise

On communique comme on peut au début avec les Français qui apprennent à leurs hôtes le patois local en échange de quelques grossièretés ( ̎cholera ̎et ̎kurwa mać ̎ entre autres…) qui fusent lors des disputes. La plupart des Polonais apprennent vite la langue de leur pays d’accueil à part certains qui espèrent retourner au pays après quelques années dans les Mines et qui préfèrent mettre leurs enfants dans les écoles polonaises plutôt que françaises. On reconnaît à l’accent les familles qui viennent d’Allemagne car elles parlent un mélange germano-polonais et celles qui viennent de Silésie ou de Galicie, les querelles entre elles ne sont pas rares. Avec les Français minoritaires, tout se passe bien mais ces derniers se sentent quelquefois en milieu étranger dans les magasins qui foisonnent autour des cités et où on ne parle pas leur langue. Il y a beaucoup de familles nombreuses chez les mineurs, rien d’étonnant de voir les amourettes se multiplier dans les corons mais les mariages franco-polonais sont rares dans les premiers temps, il faudra attendre au moins une génération pour en voir quelques-uns. Au fond de la mine, on crée des équipes de Polonais habitant dans le même quartier et encadrés par des porions Polonais (c’est un souhait des autorités religieuses et du Consulat de LILLE créé en 1925) et c’est donc la langue maternelle qu’on parle dans les tailles. Leurs rendements sont bons (trop bons parfois pour leurs collègues français…), ils ne se plaignent pas et ne militent pas trop dans les syndicats à obédience communiste comme la CGT, certains préfèrent la CFTC catholique et moins radicale.

3-Intégration sociale de la communauté polonaise dans la ville L’isolement de la communauté polonaise dans les cités qui lui sont attribuées l’empêche de nouer des liens avec les habitants des autres quartiers de la ville. La cité polonaise est un ̎ghetto ̎ où on vit en vase clos. Dans son rapport du 11/10/29 écrit au Ministre de l’Intérieur, le Préfet du Pas-de-Calais s’en inquiète :

̎Les Polonais travaillant aux mines, vivant en groupe, n’ont que peu ou pas de rapports avec nos ressortissants. Loin de les rechercher, ils s’efforcent de vivre uniquement entre eux, encouragés en cela par leurs ministres du culte et par leurs autorités consulaires elles-mêmes […] Quelle est l’aptitude de l’immigrant polonais à s’assimiler ? La réponse est nette : aucune, quant au présent du moins ; j’ai dit plus haut que le Polonais ne recherchait pas la compagnie de l’ouvrier français. Cette observation se vérifie même durant les heures de travail. Au fond de la mine comme sur le carreau ou à l’atelier, un mur invisible les sépare. Un bref salut, et c'est tout ! À l’issue de la journée, chacun s’en va de son côté. L’estaminet ne les rapproche même pas, non plus que le sport ; les sociétés polonaises, nombreuses pourtant, n'organisent jamais de matches ou de rencontres avec les sociétés françaises. Et si, d'aventure, un Polonais épouse une Française ou vice versa, le jeune couple sera tenu discrètement à l'écart. En ce qui concerne les enfants, il faut bien constater un phénomène identique. Les récréations ne les réunissent pas. Polonais et Français forment des jeux séparés et notre langue elle-même que les jeunes Polonais apprennent si facilement est impuissante à opérer un rapprochement. ̎

Ce tableau est un peu trop noir car la communauté ne pose pas beaucoup de problèmes au reste de la population. Les Polonais travaillent bien, ils sont courageux, ils apprennent vite le français, ils sont propres et leurs enfants sont bien élevés et très sérieux à l’école. Cependant, lorsque la grande crise mondiale partie des Etats Unis arrive en France au début des années 30 et que le chômage grimpe en flèche créant misère et désolation dans le monde ouvrier, un climat de xénophobie et de nationalisme s’instaure et les Polonais sont montrés du doigt : ils apparaissent comme ̎des concurrents pour les travailleurs français ̎, les Polaks deviennent indésirables et affublés de tous les défauts (délinquants, alcooliques, suppôts des curés, briseurs de grève, …). Le nombre d’immigrés nouveaux passe de 86000 en 1930 à 8000 en 1932. La crise économique s’aggravant, le Chef de l’Etat, Albert LEBRUN, désigne l’ancien Président de la République, Gaston DOUMERGUE, pour créer un gouvernement d’union nationale qui ne fera pas dans la dentelle en menant une politique d’austérité et de répression ; beaucoup de Polonais dénoncés comme des agitateurs sont expulsés manu militari par trains entiers vers la Pologne. Ce n’est qu’en 1936 avec l’arrivée au pouvoir du Front Populaire que ces exactions punitives cesseront.

4-La religion

La plupart des Polonais sont très catholiques et fréquentent assidûment leurs chapelles (cette pratique religieuse contraste avec celle des mineurs français qui sont plutôt laïcs pour ne pas dire ̎anticléricaux ̎).

Les curés polonais sont arrivés en même temps qu’eux et ils sont payés par les Compagnies minières (les mauvaises langues diront que c’est ce qui explique leur soumission aux Directeurs des fosses…). Les offices sont célébrés en latin et en polonais, les messes sont des moments de recueillement pour tous les fidèles qui connaissent les chants religieux par cœur. Dans les chapelles, on célèbre les obsèques, les baptêmes, les communions mais aussi les mariages. Ces derniers sont grandioses, les festivités durent une semaine : on chante et on danse dans les maisons, dans les rues, dans les jardins et les musiciens (violon, bandonéon) s’en donnent à cœur joie ; bien entendu, la vodka coule à flot mais comme il n’y a pas de voitures et qu’on couche sur place, ce n’est pas très grave ! Le curé est bien sûr invité aux festivités le premier jour, sa bénédiction est la certitude que le mariage sera heureux ! Les enfants doivent aller au catéchisme quatre années durant au cours desquelles on commente l’Evangile tout en donnant une éducation religieuse : à la fin de la troisième, ils passent leur Confirmation et à la fin de la quatrième, à 12 ans, c’est la Communion solennelle, un moment merveilleux pour les jeunes dont le principal cadeau est la première montre mécanique offerte par le parrain et dont on est très fier. Les passages réguliers au confessionnal sont indispensables pour se purifier des péchés accomplis en récitant quelques ̎Ojcze nasz (Notre Père) ̎ et ̎Zdrowaś Maryjo (Je vous salue, Marie) ̎. Pour les grands-mères (ce sont les plus assidues aux messes), c’est une grande fierté de reconnaître un petit-fils dans les enfants de chœur. Pour ces derniers, ce n’est pas de la rigolade car il faut être à l’heure pour ̎se déguiser ̎en enfilant une aube longue ridicule, servir le vin du prêtre, lui apporter le grand livre, agiter la crécelle à des moments bien déterminés, porter les récipients en laiton qui contiennent l’encens pour les bénédictions et les hosties pour les pêcheurs repentis, faire les quêtes, … et on se fait enguirlander par le curé au moindre écart car il faut que tous ces rituels soient accomplis dans les règles, il ne faut surtout pas décevoir les fidèles…

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L’église St Stanislas de MARLES-CALONNE-RICOUART en 2015. Photo GT

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Les communiants polonais de MARLES-LES-MINES et de CALONNE- RICOUART le jour de la Pentecôte 1964 sur les marches de l’église St Stanislas qui se trouve juste sur la limite entre les deux communes. Au premier rang, ̎les petits anges ̎ du curé. Photo GT

5-Les fêtes catholiques polonaises

En plus des fêtes religieuses classiques, il faut signaler le Dyngus (Śmigus Dyngus ou le Lundi Mouillé) ; c’est un rituel obligatoire qui a lieu après la messe du Lundi de Pâques et qui crée des moments de franche rigolade attendus toute l’année : tout le monde se guette et s’asperge avec de l’eau contenue dans des bouteilles ou des casseroles, il est préférable d’être bien équipé (bottes, parapluies, imperméables) quand on sort dans le coron ce jour-là ! Comme en Pologne, on célèbre la Sainte Barbara (Sainte Barbe) des mineurs de charbon et parfois la Sainte Kinga (Sainte Cunégonde) des mineurs de sel.

6-Les associations chrétiennes

La plupart des Polonais militent dans des associations la plupart du temps catholiques donc sous le contrôle du curé. Ce sont des groupes folkloriques (chorales et danseurs en habits de pays avec leurs musiciens) ou des associations de jeunes comme les Scouts, les Sokols (ou les Faucons, clubs de gymnastique) ou les Jeunesses Catholiques (KSMP). Leur objectif est bien sûr de maintenir les traditions mais aussi de faire voyager leurs membres : représentations, rassemblements de jeunes, compétitions sportives amicales, pèlerinages à LISIEUX ou à LOURDES, universités d’été appelées ̎Week-end’y ̎organisées par Edouard PAPALSKI (Président national des KSMP qui habitait dans la Cité du Rond-Point à MARLES-LES-MINES …).

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Les KSMP DE MARLES en représentation à AUCHEL le 10/06/45. Photo GT

Sokols de Noyelles ous Lens

source wikipedia ivanP

Scouts de Quénehem CALONNE-RICOUART en 1958. Photo ZHP France

Au milieu des années 60, les Oblats polonais de VAUDRICOURT (prêtres missionnaires qui ont fondé là l’Institution St Joseph et qui officient dans les chapelles du Bassin Minier) achètent 5 ha de dunes à STELLA-PLAGE avec leurs primes de démobilisation et commencent à y faire bâtir un village de vacances qu’ils ont appelé ̎Stella Maris ̎(l’étoile de la mer). Tout commence avec des tentes de l’armée américaine et des baraquements construits par les bénévoles polonais (mineurs, Scouts, KSMP, Sokols, …). Au début des années 70, il faut bâtir des bâtiments en dur pour accueillir les vacanciers de plus en plus nombreux. Animations le jour, cuisine polonaise et bal tous les soirs sont les raisons de ce succès. Stella Maris existe encore aujourd’hui, il s’est bien modernisé et accueille toujours de nombreux touristes. 

L’entrée de Stella Maris en 2007. Photo GT

7-La musique polonaise et les salles de bal

Qui ne connaît pas Stéphane KUBIAK et François KMIECIK ? Ils en ont eu des disques d’or !!! Le premier était spécialisé dans la musique que certains ont appelée ̎CHTISKI ̎ (airs polonais traditionnels bien rythmés sur lesquels Stéphane écrivait des paroles décrivant des situations de tous les jours souvent comiques comme do La Bassée, Jasiu moj (Mon Jean), Maryna gotuj pierogi (Marie, cuis les pierogi), Wiwat wesele (Vive mariage) ou Sto lat (cent ans) ou des situations mélancoliques chantées en franco-polonais (Ma mélodie d’amour, Marie la Polonaise, La paloma adieu…). François KMIECIK, c’était plutôt une musique bien léchée souvent instrumentale avec un bandonéon qui donnait le rythme, des violons qui pleuraient et des cuivres qui déchiraient la nuit. Ces deux groupes ont eu un succès phénoménal. Après le décès de Stéphane en 2007, le groupe KUBIAK a été repris par son fils Christian qui a modernisé un peu le répertoire en gardant les succès polonais d’antan ; le bandonéon de François s’est arrêté de battre la mesure un jour de 1992 neuf ans avant sa mort, ses musiciens se sont alors dispersés dans d’autres orchestres.

L’orchestre Kubiak dans les années 60. Scan de pochette col GT

L’orchestre Kmiecik dans les années 70. Scan de pochette col GT

D’autres groupes ont aussi eu beaucoup ce succès : Iskra Bruay (les créateurs d’Annie), Boleslaw NOWAK, Boleslaw ADAM, Rudy KRAKOWSKI, Edek KWIATKOWSKI, Frank MARCY(NIAK), Claude MUSZCZYNSKI, Jerzy Mak pour ne citer que les plus connus. Lucy ADAM, fille de Boleslaw, a été la voix polonaise de Radio Lille, une voix chaude et langoureuse ; elle chante encore de temps en temps dans les églises polonaises ou à Stella Maris à plus de quatre-vingts ans. Tous les groupes se produisaient dans des salles mythiques et y drainaient des centaines de danseurs. Citons-en quelques-unes : Salle Polonia à CALONNE-RICOUART, Salle Écho à Quénehem, Salle Lys à MARLES-LES-MINES, Salle Paloma à BRUAY-EN-ARTOIS, Salle Pawlak à BULLY-LES-MINES, Salle de l’Espérance à CALONNE-LIÉVIN, L’ Alcazar à HARNES, salle de la fosse 2 d’OIGNIES, Salle du patronage de la cité Bruno à DOURGES, L’ Alcazar à LOURCHES, … Chaque communauté polonaise avait sa propre salle de bal qui était remplie tous les week-ends.

8-La presse polonaise

Narodowiec est un journal qui a été créé en 1909 par Michel KWIATKOWSKI à HERNE (Bassin de la Ruhr en Allemagne) pour les familles des mineurs polonais. Il est arrivé en France avec les immigrants un peu après 1921. Le journal a été tiré à l’imprimerie de LENS (101 rue Emile Zola) de 1924 à 1989. Au seuil de la guerre 39/45, il se vend à 40000 exemplaires par jour. Pendant le conflit, le tirage est suspendu mais il reprend de plus belle à la Libération où on atteint 60000 exemplaires (2ème rang régional après la Voix du Nord). Le journal se veut apolitique et chrétien mais beaucoup d’articles dénotent un anticommunisme profond. Les parents lisent les informations régionales et celles qui concernent la communauté polonaise mais les enfants dévorent les aventures et les facéties de Rafal Pigulka (Professeur Nimbus). D’autres journaux concurrents ont moins de succès : ̎Wiarus Polski ̎(Le vaillant combattant polonais) lié au Parti Ouvrier nationaliste polonais et ̎Glos Wychodzcy ̎ (La Voix de l’Emigré) qui n’a pas duré longtemps. Il est à noter que ̎la Tribune ̎, l’hebdomadaire parisien de la CGT, a sa rubrique consacrée aux ouvriers polonais. Avec la récession minière et une clientèle qui ne se renouvelle pas (les jeunes lisent plutôt les journaux français), les ventes de Narodowiec baissent sans cesse et le dernier numéro paraîtra le 18 juillet 1989.

Anecdote : dans chaque cité polonaise, il y avait des commères qui savaient tout sur tout (les petits potins sans intérêt, les amourettes des jeunes, les conflits familiaux, …), on les surnommait ̎les Narodowiec ̎!

A gauche, le n°1 de Narodowiec en Allemagne. A droite, le fameux Pigulka.

Images Henri DUDZINSKI

9-Les sportifs polonais

Beaucoup de très bons footballeurs polonais sont arrivés en France au moment de l’immigration. Certains étaient titulaires dans les clubs allemands de Westphalie (Rot Weiss ESSEN, SCHALKE 04, Borussia DORTMUND, FC COLOGNE…) et ils deviennent les joueurs de base des équipes qui vont se constituer en France. Le niveau sportif est donc très bon. Les clubs polonais ne peuvent affronter les Français dans un même championnat car la FFF (Fédération Française de Football) ne tolère pas les équipes qui contiennent plus de trois joueurs étrangers. Les rencontres sont donc amicales, un club comme le KS Pogons AUCHEL bat en 1925 des grands clubs nordistes comme l’Olympique Lillois (qui sera le premier champion de France en 1932-1933) et l’US BOULOGNE, fait match nul avec le RC LENS et l’US DUNKERQUE et domine les Grasshoppers de ZÜRICH par deux fois. La PZPN (Fédération Polonaise de football en France) est créée en 1927. Un championnat rassemblant les meilleures équipes est organisé, il durera jusqu’au milieu des années 50. Citons quelques clubs : Pogons AUCHEL, Océan CALONNE-RICOUART, Wicher HOUDAIN, Unia BRUAY EN ARTOIS, Olympia DIVION, Fortuna HAILLICOURT, Wiktorja BARLIN, Urania NOEUX-LES-MINES, WISLA HERSIN-COUPIGNY, Fortuna BETHUNE, Rapid OSTRICOURT, Ruch CARVIN, Gwiazda LENS, Polonia WAZIERS… La plupart de ces clubs seront dissous en 1952, certains intégreront la FSGT (sport ouvrier) ou la FFF. Les deux grands clubs semi-professionnels (les joueurs étaient salariés aux Houillères) du Nord/Pas-de-Calais sont le RC LENS et l’US VALENCIENNES-ANZIN ; les meilleurs clubs amateurs du Bassin Minier pendant l’épopée charbonnière ont été l’US AUCHEL (champion de France en 1946, finaliste en 1936 et 1950), le Stade Béthunois (champion de France en 1938 et 1949), l’US BRUAY-EN-ARTOIS (Finaliste en 1939 et 1955). Voici les footballeurs d’origine polonaise du Nord/Pas-de-Calais qui sont devenus internationaux :

NOMS

SURNOMS

CLUBS FORMATEURS

SÉLECTIONS

PÉRIODES

KOPASZEWSKI Raymond

KOPA

US NŒUX-LES-MINES

45

1952-1962

LECH Georges

Carabiniers BILLY-MONTIGNY

35

1963-1973

WISNIEWSKI Maryan

US AUCHEL

33

1955-1963

SYNAKOWSKI Maryan

MARYAN

US AUCHEL

13

1961-1965

BUDZYNSKI Robert

US AUCHEL

11

1965-1967

STACHOWICZ Édouard

STAKO

SC ANICHE

3

1959-1964

JADREJAK Joseph

Wicher HOUDAIN

3

1946-1947

SZKUDLAPSKI Théodore

THEO

CS AVION

2

1962-1963

KOZAKIEWICZ Casimir

KOZA

RC LENS

1

1961-1962

KRAWCZYK Richard

ES BULLY-LES-MINES

1

1967-1968

Mais il n’y a pas que des footballeurs qui se sont distingués au niveau international. Dans d’autres sports populaires (athlétisme, cyclisme, boxe, hand-ball, basket-ball, boxe,…), il y a eu de nombreux exploits réalisés par des jeunes issus de l’immigration polonaise du Bassin Minier du Nord/Pas-de-Calais. La liste serait trop longue pour les nommer tous. Citons quand même deux immenses champions :

  • Michel JAZY (athlétisme, coureur de demi-fond) formé à l’Étoile OIGNIES : neuf records du Monde (mile, 2000 m, 2 miles, 3000 m, 4 x 1500 m), médaille d’argent aux JO 1960 au 1500 m, champion d’Europe du 1500 m en 1962, champion d’Europe du 5000 m en 1966.

  • Jean STABLINSKI (cyclisme) : Champion du Monde 1962, Champion de France 1960, 1962, 1963, 1964, Tour d’Espagne 1958, Tour de Belgique 1965, Paris-Bruxelles 1963, Amstel Gold Race 1966, Grand Prix d’Isbergues 1966, etc… Une stèle a été érigée en son honneur en 2008 dans la trouée de WALLERS-ARENBERG (passage obligé de la célèbre classique PARIS-ROUBAIX).

Les débuts de KOPA à REIMS en 1952. Article Equettes

Palmarès de KOPA :

ballon d’or européen 1958,

trois Coupes d’Europe des clubs champions (1957-1958-1959) avec le Réal MADRID,

champion de France avec le Stade de REIMS (1953-1955-1960-1962),

champion d’Espagne 1957-1958 avec le Réal MADRID,

45 sélections en équipe de France, 18 buts, 23 passes décisives.

Michel JAZY en 1965. Photo wikipédia 

Dutch National Archives, The Hague, Fotocollectie Algemeen Nederlands Persbureau (ANeFo)

Jean STABLINSKI (1932-2007). Photo wikipédia

www.nationaalarchief.nl

10-La seconde guerre mondiale

Dès le 1er septembre 1939 (jour de l’attaque nazie sur la Pologne), l’ambassade de Pologne essaie de mobiliser les 130000 jeunes Polonais résidant en France qui pourraient prendre les armes. Au bout de trois semaines, la Pologne est vaincue et n’existe plus, partagée une nouvelle fois entre l’Allemagne et l’URSS. 50000 soldats seront finalement mobilisés. Une première division est formée à COËTQUIDAN en Bretagne puis une seconde à PARTHENAY, on retrouve de nombreux volontaires du Bassin Minier dans ces deux unités qui constituent l’Armée Polonaise en exil sous les ordres du Général PISKORSKI. Celle-ci se battra aux côtés des Français et des Anglais dans la Campagne de Norvège à NARVIK où un Corps expéditionnaire a été envoyé pour barrer la route du fer suédois de KIRUNA aux Allemands car c’est des ports de cette région que partait le minerai vers l’Allemagne pour devenir de l’acier dans les immenses usines de la Ruhr. La campagne (avril-mai 1940) fut un succès mais cette première victoire remportée contre les Nazis se révèlera inutile. Le Corps expéditionnaire doit être rapatrié pour se battre en France à la suite de l’effondrement du front dans les Ardennes. Après la défaite de juin 1940, les divisions polonaises sont dissoutes ; le Général PISKORSKI part pour LONDRES où il commence à reconstruire une armée avec les soldats qui l’ont suivi et d’autres volontaires, celle-ci atteindra 100000 hommes qui combattront sur plusieurs fronts : Armée ANDERS en Afrique du Nord (TOBROUK) et en Italie (MONTE CASSINO), Division blindée MACZEK au sein de l’Armée canadienne en Normandie (FALAISE), dans les Flandres (HESDIN, ST OMER, CASSEL, STEENVOORDE, Mont des Cats, YPRES), en Hollande (BREDA) et en Allemagne (WILHELMSHAVEN).

Mémorial polonais de la poche de FALAISE où fut encerclée la VIIème Armée allemande (août 1944). Photos GT

A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, très peu de ces glorieux combattants dont beaucoup venaient du Bassin Minier du Nord/Pas-de-Calais retourneront au pays car la Pologne qui a retrouvé son intégrité doit faire partie du Bloc de l’Est et passer sous tutelle soviétique. C’est une nouvelle occupation qui commence et que ne supportent pas des hommes qui se sont battus à l’extérieur pendant cinq ans, celle-ci va durer quelques décennies.

En marge des combats, il convient de rappeler un évènement sinistre qui s’est passé à LENS : la rafle des Juifs du 11/09/42. En 1940, la communauté du Bassin Minier compte environ 1000 membres qui sont venus presque tous de Pologne dans l’entre-deux guerres. Au moment de l’invasion, beaucoup passent en Zone Libre car ils savent ce qui les attend (ils connaissent le sort qui a été réservé aux Juifs de Pologne) ; il en reste à peine une petite moitié quand les Allemands arrivent. Comme dans toutes les zones occupées par les nazis, les lois antisémites sont appliquées illico et de façon implacable. Les biens des juifs sont spoliés et confisqués et leurs libertés considérablement réduites car c’est une race considérée comme inférieure. A partir de juin 1942, tous doivent porter le brassard avec l’étoile jaune. Le 11 septembre 1942, à peine deux mois après la rafle du Vel d’Hiv à PARIS où 13000 juifs ont été arrêtés et déportés, c’est le tour de la communauté du Bassin Minier. 467 personnes sont rassemblées à LENS, elles finiront par être envoyées à AUSCHWITZ, seulement 18 d’entre elles en reviendront

11-Les descendants des immigrants polonais

Dans les années 20, environ 700000 Polonais émigrent vers la France. Certains repartent au bout de quelques années et d’autres ont été expulsés au milieu des années 30 ; en 1936, il en reste 508000 en 1931 et 423000 en 1936. Les immigrants sont principalement des ouvriers agricoles ou des mineurs westphaliens. On estime en tout à 185000 le nombre de travailleurs Polonais dans le Nord/Pas-de-Calais en 1931: 110000 dans le Pas-de-Calais (dont 90000 dans le Béthunois-Bruaysis) et 75000 dans le Nord. Cela représente, en comptant les épouses et les enfants, plus de 500000 personnes dans le Bassin Minier. Dans la première génération, peu se sont fait naturaliser mais leurs descendants nés en France acquièrent automatiquement la nationalité française. Aujourd’hui, il y a encore beaucoup d’habitants dans la région qui ont un nom d’origine polonaise. Cependant, la disparition progressive des premières générations et la multiplication des mariages mixtes avec les Français ont fait que les traditions se sont perdues et qu’on ne parle plus guère le polonais dans les chaumières. Les jeunes se soucient peu de leurs origines car ils n’ont pas (ou très peu) vécu l’épopée du charbon qui s’est arrêtée à OIGNIES en décembre 1990. Il semble qu’il y ait une prise de conscience parmi les descendants qui ont plus de soixante ans car ils sentent bien qu’ils sont les derniers témoins d’une époque révolue et qu’après leur départ, on ne parlera plus beaucoup de l’immigration polonaise dans le Bassin Minier du Nord/Pas-de-Calais, ce ne sera qu’un détail de l’histoire de la région…

Un grand merci à Henri DUDZINSKI pour cette conférence très intéressante mais aussi très émouvante.

A la fin de la conférence, Wanda PATERNOGA, une Remis à Henri DUDZINSKI le drapeau de la Société de Tir de Calonne-Ricouart fich

Les polonais

 

Les polonais

L'immigration polonaise, généralités

La première vague d’immigration remonte à 1906 et 1913. Ces mineurs arrivent pour la plupart de la région industrielle d’Allemagne : la Westphalie. Ils fuient alors la répression prussienne.

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La vague d’arrivée la plus importante remonte à 1920.  A l’époque la main d’œuvre est manquante à cause de la première guerre mondiale, de ses morts et de ses invalides. Le 3 septembre 1919 une convention est signée entre la Pologne et la France. Un commission française étudie les dossiers des candidats à l’arrivée en France, fuyant le chômage important en Pologne.

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Photographie d'embauche Mines de Lens

L’état physique des émigrés était étudié : les femmes enceintes étaient refusées par exemple. Une  fois les candidatures acceptées les polonais arrivaient par voie ferrée vers Toul ou par la mer dans les ports du Havre et de Dunkerque. 400000 polonais arriveront. Les conditions de vie d’immigrés étaient très dures. Ils arrivaient sans le sou, souvent sans famille et étaient logés par les mines dans des maisons où se trouvaient déjà quatre ou six autres familles. Les Houillères apportaient un maigre mobilier retenu sur leur salaire. Les commerçants dépendant des Houillères avaient ordre de faire crédit.

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Camps polonais à Marles les Mines

Mais l’accueil de ces polonais a très délicat avec un sentiment anti-polonais très fort dû à la notion « d’étranger » arrivant en masse avec des coutumes différentes de la population locale mais aussi une extrême pauvreté sources de divers excès souvent mal perçus par les habitants. Ironie de l’histoire c’est maintenant certains descendants de ces immigrés qui soutiennent l’électorat nationaliste.

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Expulsion de familles polonaises suite à un mouvement de grève 1934 Leforest

Très rapidement, les immigrés se sont réunis pour défendre leurs intérêts et leurs habitudes. Des paroisses polonaises se créent autour de 46 prêtres polonais qui les avaient accompagnés. Ce fut ensuite le tour d’associations religieuses, d’assistances sociales et  culturelles. Les commerces ont enfin trouvé leur place dans les villes. La grande majorité des polonais, venant au départ pour assurer un petit pécule, sont restés après avoir fondé famille : seulement 60000 sont repartis.

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Immigration Belge

 

Immigration Belge

L’IMMIGRATION DES MINEURS BELGES DANS LE NORD/PAS-DE-CALAIS

Pendant près de trois siècles, le Bassin Minier a connu plusieurs grandes vagues d’immigration d’hommes venant du monde entier ; on a dénombré environ 30 nationalités différentes. Celles qui furent les plus importantes concernent les Belges et les Algériens (français jusqu’en 1962) avant la première Guerre Mondiale, les Polonais dans l’entre-deux guerres, les Italiens à la Libération et les Marocains jusqu’à la fin de l’exploitation. Tous ces immigrés se sont installés dans le Nord/Pas-de-Calais pour répondre aux besoins incessants de main d’œuvre pour l’exploitation du charbon. Pour beaucoup de ces ouvriers étrangers généralement issus des milieux ruraux, la région a représenté l’espoir d’une vie meilleure et pour les autres, une terre d’asile car, persécutés ou chassés, ils ont dû fuir leur pays d’origine. En ce qui concerne les travailleurs belges, le trajet de l’exode n’était pas bien long, ils n’ont fait que traverser la frontière pour venir dans les usines textiles de la Métropole lilloise (LILLE-ROUBAIX-TOURCOING-ARMENTIÈRES) ou dans les fosses du Bassin Minier.

Rappel historique : la naissance de la Belgique (1830)

Jusqu’en 1609, les Pays Bas constituent un ensemble de 17 provinces qui englobent la Hollande, la Belgique et le Luxembourg actuels mais aussi le futur département du Nord et une partie du Pas-de-Calais. Les territoires appartiennent au Grand-Duc de Bourgogne qui est aussi Roi d’Espagne et Empereur du St Empire Romain Germanique (une grande partie de l’actuelle Allemagne), voici la situation au temps de Charles Quint (1500-1558). Fatigué après une vie épuisante parsemée de combats contre la France, de luttes religieuses contre les Luthériens, de révoltes un peu partout dans l’Empire et de conflits familiaux, celui-ci abdique le 25 octobre 1555 et cède à son frère Ferdinand les duchés autrichiens du St Empire et à son fils Philippe la Bourgogne et les Pays-Bas.

Au cours du XVIIème siècle, les guerres franco-espagnoles incessantes et les différentes paix signées bouleversent les frontières : le Traité de Westphalie en 1648 met fin à la Guerre de Trente Ans qui a mis toute l’Europe à feu et à sang ; lors du Traité des Pyrénées en 1659, la France récupère l’Artois et quelques places-fortes des Flandres. Néanmoins, jusqu’en 1713, les Pays Bas restent espagnols. Pendant cette période, on appelle Belgica Foederata les sept provinces fédérées du Nord et Belgica Regia les dix provinces du Sud (actuelle Belgique amputée de la Principauté de LIÈGE autonome depuis 985).

La Guerre de Succession pour le trône d’Espagne (Charles II n’a pas d’enfants) qui a débuté en 1701 se traduit par un conflit entre la France de Louis XIV contre le reste de l’Europe. La victoire française in extremis à DENAIN en 1712 à la suite d’une série de défaites permet à la France de négocier un bon Traité d’UTRECHT en 1713. L’Espagne a un nouveau roi, Philippe V (petit-fils de Louis XIV). La France sauve la face, elle maintient ses conquêtes et ses colonies mais elle perd une partie des Pays-Bas du Sud (COURTRAI, BINCHE, CHARLEROI et les Mines de charbon du Hainaut belge) qui passent en totalité des Habsbourg espagnols aux Habsbourg autrichiens.

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Pertes des territoires du Sud par la France en 1713.

Centre Historique Minier Lewarde

La Révolution Française en 1789 va de nouveau bouleverser la région. Les guerres de la 1ère République avec les Autrichiens de Joseph II ainsi que la révolte brabançonne contre ces derniers et celle de la Principauté de Liège contre son souverain vont provoquer une invasion des Français qui se traduira par un rattachement de toutes les Provinces du Sud à la France puis à l’Empire de Napoléon 1er. En 1815, à la suite de la défaite de celui-ci à WATERLOO et après le Congrès de VIENNE, elles repassent sous la coupe du Royaume Uni des Pays-Bas (Guillaume 1er d’Orange).

La frontière avec la France est définie par le Traité des Limites signé le 28 mars 1820 à COURTRAI entre Louis XVIII et Guillaume 1er : celui-ci stipule que ̎dans l'intérêt des deux pays, aucune construction ne pourra être élevée à l’avenir ni aucune clôture être établie à moins de dix mètres de la ligne frontière ou de cinq mètres d'un chemin lorsque ce chemin est mitoyen et que son axe forme limite. ̎ Pour les autorités douanières françaises, ̎ Le maintien de cette bande de dix mètres trouve sa justification pour le fonctionnement de la police des frontières".

En 1830, les Provinces du Sud du Royaume des Pays Bas se révoltent contre Guillaume Ier qui souhaite régner en despote éclairé (monarque de droit divin qui s’inspire des doctrines philosophiques de l’époque pour gouverner sans se préoccuper des problèmes financiers, politiques ou culturels). En fait, le roi est le seul maître à bord, ses Ministres ne sont que des sous-fifres qui n’ont de comptes à rendre qu’à lui seul, pas au peuple. Les causes de ces révoltes sont nombreuses :

  • la sous-représentation des Belges (62% de la population) dans les Etats Généraux et les Ministères ;

  • les conflits incessants entre les deux religions d’État : les Hollandais et le Roi sont protestants, les Belges sont catholiques ; Guillaume 1er veut la mainmise sur les nominations du clergé catholique (opposition au Pape Léon XII) ;

  • la liberté de la presse,

  • la prédominance de la langue néerlandaise dans tout le pays donc dans les Provinces du Sud dont plus de la moitié des habitants sont francophones (à partir de 1829, beaucoup de documents rédigés en français sont déclarés caducs) ;

  • le favoritisme à l’égard des Provinces du Nord pour les échanges commerciaux avec l’étranger.

L’implication des nations voisines et notamment de la France qui vient de faire sa propre révolution pour chasser Charles X et le remplacer par le roi bourgeois Louis-Philippe renforce l’ardeur des agitateurs nationalistes dans les Provinces du Sud qui chantent la Marseillaise et hissent le drapeau bleu, blanc, rouge quand ils chargent les troupes hollandaises mais ce n’est que de la provocation car on veut créer un état belge. Conscient que ses armées ne pourront à venir à bout des barricades dressées par les révolutionnaires du Sud, le Roi est obligé de lâcher du lest et il ne peut empêcher la scission du Royaume en deux États. Le 24 septembre 1830, l’indépendance de la Belgique est proclamée par le Gouvernement provisoire mais un certain nombre de grands bourgeois restent fidèles au Roi Guillaume 1er (les Orangistes).

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Le jeune État est cependant fragile et ses puissants voisins ne sont pas prêts à le laisser vivre en paix, souhaitant même le ̎dépecer ̎. TALLEYRAND, Ambassadeur français à LONDRES, propose un découpage en trois secteurs : la Wallonie et un morceau de la Flandre jusqu’à l’Escaut pour la France, l’ouest jusqu’à la Mer du Nord pour l’Angleterre et la Province de LIÈGE aux Prussiens. Des menaces d’insurrection générale sont annoncées un peu partout en cas d’invasions par les armées des trois puissances et finalement, celles-ci reconnaissent le tout jeune État belge le 20 janvier 1831 à la condition que celui-ci devienne un royaume et non une république. Le 21 juillet 1831, la Belgique a un Roi, Léopold 1er , c’est le prince allemand Léopold de Saxe (oncle de la future Reine Victoria), et elle inaugure un nouvel hymne national : la Brabançonne.

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Les trois zones belges aujourd’hui. Image Atlas EDI3. Annotations GT.

L’évolution de la situation économique de la Belgique au cours du XIXème siècle

Avant la création de l’État belge, la Wallonie était déjà depuis longtemps une grande région industrielle (charbon, acier, textiles) alors que la Flandre était surtout agricole. La première Révolution industrielle commencée en Angleterre, celle du charbon comme source d’énergie, de la vapeur comme source de mouvement et du télégraphe comme vecteur des informations, se caractérise par le passage d’une société à dominante agricole et artisanale à une société industrielle et commerciale. Cette transformation radicale a été provoquée par la science qui est devenue plus que jamais technique.

L’avènement de la machine à vapeur vers 1840 a créé un ̎boom ̎ phénoménal dans tous les domaines : industriel, agricole, sociétal, politique et environnemental. Les Houillères servent de base à la constitution d'empires bancaires, miniers ou industriels. De puissantes entreprises se sont développées comme SA Cockerill à SERAING (à côté de LIÈGE) avec ses cinq divisions (mines de charbon, mines de fer, fonderies, aciéries, ateliers de construction). Au milieu du XIXème siècle, la jeune Belgique est la deuxième puissance industrielle mondiale après l’Angleterre grâce à son charbon, son acier et à son réseau de voies ferrées. Grâce à ce dernier et aux faibles tarifs des transports ferroviaires, de nombreux Flamands (plus de 100000/jour) viennent travailler dans les mines et dans les usines de Wallonie.

Les régions charbonnières belges sont au nombre de cinq, les voici avec les pourcentages de la production nationale après la 1ère Guerre mondiale :

  • le Bassin du Borinage (autour de MONS) environ 14 %,

  • le Bassin du Centre (autour de LA LOUVIERE), environ 12 %,

  • le Bassin de CHARLEROI-NAMUR : environ 24%,

  • le Bassin de LIEGE : environ 15%,

  • le Bassin de la Campine (autour de GENK) : environ 35%.


 

Année

Belgique (millions de t)

NPdC (millions de t)

France (millions de t)

1860

9,6

2,2

8,3

1870

13,6

6,2

13,3

1880

16,8

8,5

19,4

1890

20,3

14,2

26,1

1900

23,4

19,9

33,4

1913

22,8

27,4

40,8


 

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Les régions charbonnières belges. Image Atlas EDI3. Annotations GT

Le charbon est la source d’énergie des industries locales mais il approvisionne également la France. Vers 1860, il sera concurrencé par les charbons anglais puis par les charbons allemands et les ventes vers l’Hexagone vont diminuer. La production est néanmoins en augmentation constante grâce à la modernisation des équipements mais la découverte de la houille dans le Pas-de-Calais et l’ouverture de nouveaux puits monopolise les capitaux français qui n’arrivent donc plus en Belgique. En 1870, la production du Nord/Pas-de-Calais égale celle de la Belgique avec 13 millions de t mais elle la dépasse en 1913, année au cours de laquelle les 130 000 mineurs nordistes produisent 27,4 millions de t alors que les 145000 Belges n’extraient que 22,8 millions de t.

La concurrence effrénée dans toute l’Europe de l’Ouest entre les compagnies charbonnières et entre les sociétés qui fabriquent de l’acier fait qu’il faut toujours produire davantage et moderniser sans cesse. Les patrons belges confrontés à une crise économique sévère ne font pas toujours les bons choix d’investissements pour acquérir des appareillages très onéreux et les industries lourdes de Wallonie bien qu’encore très puissantes sont en récession au profit de concurrents flamands qui profitent de la montée en puissance du port d’ANVERS pour les échanges internationaux maritimes.

De l’autre côté de la frontière, dans le Nord/Pas-de-Calais, la Révolution industrielle est aussi des plus intenses tant dans le Pôle LILLE-ROUBAIX-TOURCOING et le long de la frontière jusqu’aux Ardennes  pour le textile (dans cette zone, se concentrent 100 % de la production nationale de lin, 100 % du jute, 100 % du chanvre, 75% de la laine et 50% du coton) que dans le Bassin Minier où la découverte du gisement houiller du Pas-de-Calais multiplie par 5 la production de charbon entre 1860 et 1900, ce qui engendre un essor considérable de la sidérurgie.

A partir du début des années 1870, les anciens clients que sont la France et la Prusse rejoignent le cercle des pays industrialisés, leurs produits inondent un marché international saturé et les prix chutent. Les sociétés belges, notamment les Charbonnages et les usines sidérurgiques, subissent la crise de plein fouet, ce qui n’est pas le cas de leurs nouveaux concurrents français qui s’enrichissent. Les surproductions industrielles mais aussi agricoles contraignent les entreprises à ralentir leur activité, ce qui crée du chômage et donc une ̎surpopulation ̎. Cette récession économique mais aussi la crise frumentaire de 1846 à 1851 (le prix du blé flambe puis s’effondre) ainsi que la maladie de la pomme de terre (mildiou) qui a causé la mort de faim de près de 50000 belges à partir de 1846 (contre 10000 en France) ne sont sans doute pas étrangères à l’exode massif des classes défavorisées belges vers la France.

Le Nord/Pas-de-Calais est, lui, en pleine expansion et il a besoin de bras alors que la Belgique est en récession et ne parvient pas à nourrir tous ses travailleurs. C’est le ̎̎système push-pull ̎ qu’on retrouve à chaque exode vers l’étranger : le pays en difficulté pousse dehors ses ̎indésirables ̎et le pays en besoin les attire. Pour Judith RAINHORN, ‘’Ce différentiel important entre les situations démographique et économique de part et d’autre de la frontière explique une grande part des migrations frontalières. ̎

Les mouvements migratoires des ouvriers belges vers le Bassin Minier au XIXème siècle

Même avant les nombreuses guerres qui ont eu lieu sur le territoire du nouvel État belge, il y a toujours eu des petits exodes frontaliers dans les deux sens auxquels le tracé désormais définitif des frontières en 1831 n’a pas mis fin. Ce sont d’ailleurs des mineurs belges expérimentés du Hainaut perdu par la France en 1713 qui viennent vers 1720 démarrer les fosses du côté de FRESNES-SUR-ESCAUT. Ils s’installent sur place et apportent leur savoir-faire, ils deviendront les premiers cadres de la Compagnie d’ANZIN qui restera longtemps l’une des plus importantes de l’Hexagone. Les patrons des fosses apprécient beaucoup cette main d’œuvre courageuse, peu exigeante et qui n’est pas déracinée car elle n’a parcouru que quelques dizaines de km pour venir et surtout qui parle la même langue. Cette première immigration faiblira un peu dès que les mineurs français auront acquis suffisamment d’expérience pour qu’il soit devenu inutile de faire appel à des travailleurs étrangers.

La découverte du charbon dans le Pas-de-Calais et la crise belge dans les années 1850 vont donner un second souffle à une immigration belge de type ̎pendulaire ̎car ce sont des Mineurs frontaliers du Borinage résidant en Belgique qui vont venir travailler en train dans les fosses d’ANZIN mais qui repartent chez eux après leur poste. On assiste au même phénomène dans le textile où ce sont des paysans du Hainaut qui traversent la frontière. On ne peut donc pas qualifier ̎d’immigrants ̎ au sens propre du terme ces hommes qui viennent travailler en France pour la journée sans leurs familles.

Si les Wallons choisissent en priorité le Nord, les Flamands, eux, s’installent dans le Pas-de-Calais (DROCOURT, LENS, LIÉVIN, NŒUX voire BRUAY-EN-ARTOIS). Ces villes voient leur population croître de façon exponentielle grâce aux Belges sédentarisés. Tous ces ouvriers qui ne sont plus attendus comme les messies de la première génération ne sont pas toujours respectés par leurs collègues français et ils doivent accepter les tâches les plus pénibles pour des salaires peu motivants. En 1884, lors de la grande grève dans la Compagnie d’ANZIN, la Direction embauche des Mineurs belges pour suppléer les grévistes. Les ouvriers français les accueillent aux cris de ̎À mort les étrangers, à mort les Borains ! Nous voulons être les maîtres chez nous! ̎ , ZOLA en parle dans Germinal. Les cas de xénophobie envers les Belges sont alors fréquents, ce que de nombreux documents des Archives Nationales confirment ( ̎Xénophobie, racisme et attitudes envers les immigrants en France au XIXème siècle – Série BB 18 Correspondance – du n° 1822 au n° 2190 ̎) :

  • Rixe entre habitants et ouvriers belges, Nord, 1890 ;

  • Scènes de désordres contre ouvriers belges, BÉTHUNE, 1892 ;

  • Rixe entre ouvriers français et belges, RAISMES, 1892 ;

  • Logements flamands dévastés à LIÉVIN, 1892 (902 Belges de la région quittent le pays) ;

  • Rapport du Procureur général sur des violences contre des ouvriers belges, DOUAI, 1893 ;

  • Manifestation contre les ouvriers belges, DOUAI, 1897 ;

  • Rixe entre ouvriers belges et français, DOUAI, 1897 ;

  • Grèves et manifestations contre l’embauche d’ouvriers belges, DROCOURT, 1898 ;

  • Rixe entre mineurs français et belges, LENS, 1901 ; etc…

Même Emile BASLY, Responsable du Syndicat des Mineurs du Pas-de-Calais, se met à ̎ne plus tolérer que les étrangers viennent prendre la place et manger le pain des Français ̎ et pour lui, c’est ̎Les Français d’abord, les Belges ensuite ! ̎ ; cela lui vaudra d’être exclu du Congrès International des Mineurs à CHARLEROI en mai 1893. Dans ces conditions, la France n’attire plus de nouveaux mineurs belges et leur nombre diminue partout jusqu’en 1914 sauf dans certaines fosses frontalières comme Arenberg (WALLERS), Cuvinot (ONNAING-VICQ) et Chabaud de la Tour (CONDÉ SUR L’ESCAUT) où ils sont encore nombreux (787 en tout en 1913). Au seuil de la Grande Guerre, ils ne sont plus que 926 à travailler dans tout le Bassin Minier. Quelques centaines resteront en France.

On voit que, contrairement à des clichés un peu trop répandus, l’intégration d’ouvriers en provenance d’un pays voisin donc proches culturellement de leurs collègues locaux se termine souvent dans la douleur. C’est le cas pour les Belges à la fin du XIXème siècle dans le Nord/Pas-de-Calais ; d’abord accueillis comme des sauveurs, ils subiront finalement des violences xénophobes quand la situation économique se dégradera. La virulence envers ceux qui choisiront de rester cessera après 1920 dès lors que d’autres ̎envahisseurs ̎ (Polonais et Italiens) viendront à leur tour essayer de trouver une nouvelle vie dans le Bassin Minier. On observera le même phénomène à l’arrivée des Marocains dans les années 1960. L’histoire se répète inlassablement pour les immigrés ; c’est à croire que notre pays, le pays des Droits de l’Homme, n’a pas toujours été aussi accueillant que certains de nos Politiques l’affirment dans leurs interventions.

Quelques chiffres

  • En 1911, on compte 260000 étrangers travaillant en France, 189000 sont Belges.

  • En 1931, les Belges et les Polonais constituent environ 90% des étrangers installés dans le Nord/Pas-de-Calais et les Italiens seulement 5% alors qu’ils sont le premier groupe d’immigrés au niveau national.

  • En 1999, les Belges sont encore les immigrés les plus nombreux dans le Nord/Pas-de-Calais.

Origine

Nombre

% naturalisés

BELGIQUE

18471

45,7

ITALIE

15339

37,3

POLOGNE

15029

73,3

PORTUGAL

13296

20,2

ALLEMAGNE

8705

69,0

ESPAGNE

4229

37,9

ROYAUME UNI

2034

20,8

ex YOUGOSLAVIE

1647

60,3

AUTRES PAYS EUROPÉENS

2978

-

Source INSEE

Le Consulat de Belgique à LILLE

Il a été créé le 19 janvier 1934, il est situé au n°10 de la rue du Maréchal de Tassigny à LILLE. Sa juridiction s'étend aux départements du Nord, du Pas-de-Calais, de l'Aisne, de la Somme, des Ardennes et de la Marne. Voici ses principales missions :

  • défendre les intérêts (problèmes administratifs, état civil, documents officiels divers, etc…) des résidents de nationalité belge (plus de 30.000) dans sa juridiction,
  • promouvoir le commerce avec le Nord de la France dont la Belgique est (de très loin) le premier partenaire commercial (la Flandre, la Wallonie et Bruxelles-capitale disposent chacune, à cette fin, d'une représentation au sein du Consulat,

  • promouvoir les multiples aspects de la coopération transfrontalière en étroite collaboration avec les différentes autorités françaises compétentes.

L'immigration italienne

 

L'immigration italienne

L’IMMIGRATION DES MINEURS ITALIENS DANS LE NORD/PAS-DE-CALAIS

Dès la découverte du charbon dans le Nord de la France, la région attire des flux de travailleurs de différents pays. Ce sont d’abord les Belges qui envahissent le Bassin Minier à la fin du siècle dernier puis les Polonais après la 1ère Guerre Mondiale, les Italiens après la Libération en 1946 et enfin les Maghrébins (principalement des Marocains) jusqu’à la fin de l’exploitation. Ces flux migratoires de travailleurs étrangers sont indispensables car la main d’œuvre locale est devenue insuffisante, surtout celle chargée d’accomplir les tâches les plus pénibles. L’objet de cet article est d’expliquer les raisons qui ont poussé tant de jeunes Italiens à venir en France pour essayer de trouver un monde meilleur.

Rappel historique : la fondation de l’état italien

Pays ancien, l’Italie n’en est pas moins une jeune nation, elle n’est devenue un état unifié qu’entre 1860 et 1870. Avant 1796, la péninsule est un ensemble de royaumes et de principautés aux frontières très fragiles qui s’unissent ou se désunissent au rythme des mariages entre les nobles familles ou des petites guerres locales incessantes.

A la même époque, la Révolution française qui a amené le peuple au pouvoir bat son plein et les Nationalistes italiens de tous bords commencent à s’agiter un peu partout pour essayer de mettre en place localement des systèmes démocratiques du même type mais toutes les révoltes sont réprimées sans pitié par les pouvoirs en place.

La France qui souhaite étendre son modèle démocratique aux nations voisines vient en aide à ces révolutionnaires. Dès 1796, elle lance la Campagne d’Italie qui a vite fait de renverser les faibles royaumes et les petites principautés du nord et du centre du pays et elle les réunit au sein d’une république dont Napoléon Bonaparte est le premier Président en 1802. En 1805, celui-ci sacré Empereur l’année précédente devient aussi Roi d’Italie.

La défaite française de 1815 à WATERLOO restaure en grande partie les petits États. Pour METTERNICH, Diplomate et Prince autrichien, Duc de NAPLES, Duc du Royaume des deux Siciles et Grand d’Espagne, l’Italie n’est qu’une ̎simple expression géographique ̎.

Jusqu’en 1848, on trouve dans la péninsule : le Royaume de Sardaigne, le Royaume de Lombardie-Vénétie, le Duché de Parme, le Duché de Modène, les États pontificaux, le Grand-Duché de Toscane et le Royaume des deux Siciles. Il ne faut pas moins de trois guerres d’indépendance provoquées par les Nationalistes contre les ‘’petits Souverains ‘’ et contre l’Empire autrichien pour entrevoir la naissance d’une nouvelle nation :

- 1848 / 1849 : sous la houlette de GARIBALDI et MAZZINI,

- 1859 / 1861 : grâce à CAVOUR (1er Ministre du Roi du Piémont, état qui n’est pas sous le contrôle autrichien) et à Victor-Emmanuel qui devient le Roi du nouvel État italien,

- 1866 / 1870 : la jeune Italie soutenue par la France et alliée à la Prusse en guerre avec l’Autriche-Hongrie (défaite à SADOWA) récupère la Vénétie. Entre temps, les provinces du Sud ont été annexées et en 1870, le Royaume d’Italie avec Rome comme capitale a quasiment la même forme que la république actuelle.

Les différentes vagues d’émigration des Italiens

La fondation de l’État italien a lieu en pleine révolution industrielle de ses voisins lui faisant prendre un retard considérable dans le développement technologique à cause des conflits incessants de toutes sortes dans toute la péninsule. Si le niveau de vie des classes miséreuses s’accroît de façon significative au cours de cette période dans les grands pays comme la France, la Grande Bretagne, la Prusse et surtout les Etats Unis, ce n’est pas le cas en Italie. Ceci provoque un exode migratoire très important (27 millions de personnes) qui durera presqu’un siècle car la Grande Guerre puis la période de fascisme à partir de 1922 et enfin la Seconde Guerre Mondiale dans le camp des vaincus n’arrangeront rien.

1-Premier exode massif (1870-1914)

Entre 1870 et 1914, plus de dix millions d’Italiens, ouvriers agricoles désœuvrés pour la plupart, fuient la misère et les épidémies (malaria, pellagre) ; ils émigrent avec leurs familles pour une vie meilleure vers des pays comme la France ou l’Algérie (Piémontais, Génois) mais aussi et surtout vers des contrées plus lointaines comme les Etats-Unis (4,5 millions), le Brésil ou l’Argentine (Italiens du Sud, Siciliens, Sardes).

  • A peu près partout où ils débarquent, ils acceptent les travaux les plus pénibles pour des salaires très bas. Ces mauvaises conditions d’accueil font qu’ils se sentent humiliés et le rêve s’écroule. Ils se regroupent alors en communautés dans des quartiers malfamés comme à NEW YORK, par exemple. Beaucoup ne s’adaptent pas à cause de la langue et du climat de haine à leur égard et retournent au pays. Pour ceux qui restent aux Etats Unis, la situation s’arrange un peu au début du XXème siècle car l’industrialisation à outrance (sidérurgie, bâtiments publics, voies ferrées, …) et la mise en œuvre du taylorisme dans les usines nécessite une main d’œuvre peu qualifiée et bon marché.

2-Deuxième exode (1920-1930)

A la fin de la Première Guerre mondiale où l’Italie était dans le camp des Alliés, c’est de nouveau la misère et beaucoup de ceux qui étaient revenus au pays pour se battre sont de nouveau candidats au départ vers les mêmes destinations où, cette fois, ils peuvent être accueillis par les migrants de la première vague. Pour éviter un trop gros afflux sur leurs territoires, les Etats Unis (vote du Quota Act par le Congrès) et le Brésil ferment leurs frontières. Les Italiens concentrent dès lors leurs départs vers l’Argentine et la France. Ceux qui arrivent chez nous sont embauchés dans les zones industrielles (Nord, Lorraine) qui sont à reconstruire mais aussi dans les campagnes du Midi de la France où ils occupent des emplois d’ouvriers agricoles.

L’avènement du fascisme en Italie en 1922 diminue dans un premier temps l’exode vers l’étranger. MUSSOLINI instaure une politique de naissances, contrôle le nombre de départs qui baisse et prône le retour au pays des émigrés. Malgré ses efforts pour développer l’industrie (mécanisation, armement), il ne réussit pas à stopper l’émigration et 2,6 millions de personnes (principalement des opposants politiques : antifascistes, communistes, anarchistes) quittent encore le pays. 15000 à 20000 hommes jeunes (18 à 40 ans) en provenance des provinces du Nord-Est (Vénétie, Trentin, Frioul) arrivent dans le Nord/Pas-de-Calais, ils vivent en célibataires dans des logements provisoires et travaillent dans le bâtiment (remise en état des villes qui étaient sur le front), dans la sidérurgie et dans les mines de charbon (reconstruction des puits de mine et des installations de surface dynamités par les Allemands). Les conditions d’hébergement médiocres (baraquements ou demi-lunes), le travail très pénible et très mal payé mais aussi le handicap de la langue (comment apprendre le français quand on a un niveau d’instruction très faible ?) font que l’insertion de ces ouvriers dans la société française est très difficile. Mais rester en France, c’est toujours mieux que vivre en Italie et beaucoup font venir leur femme et leurs enfants malgré les difficultés.

En 1931, il y a quand même 800000 Italiens en France (ouvriers et leurs familles). La grande crise financière venue des Etats Unis provoque alors des licenciements massifs en Europe, notamment en France, et beaucoup d’immigrés montrés du doigt sont contraints de revenir dans la péninsule. Lors de la Seconde Guerre Mondiale, l’Italie est dans le camp de l’Allemagne et elle déclare la guerre à la France. Pour ses hommes émigrés dans le Nord/Pas-de-Calais, c’est le début d’une époque difficile même si ceux-ci dévoilent ouvertement leur antifascisme ou leur communisme, on se méfie d’eux… Pour le Gouvernement italien mais aussi pour les Patrons des Compagnies minières collaborateurs, les agitateurs en France sont des ennemis et des hors-la-loi. Beaucoup entrent alors dans la Résistance française et participent aux sabotages et aux attentats ; le plus célèbre d’entre eux est Eusebio FERRARI, mineur à la fosse Agache (FENAIN), 22 ans, qui a été tué par la Gendarmerie française en 1942 à ANZIN ; citons aussi Guido BRANCADORO, 21 ans, mineur arrêté comme résistant puis fusillé comme otage en 1942. Beaucoup de communistes italiens du Nord/Pas-de-Calais intégrés dans les mouvements de Résistance seront arrêtés, expédiés à LOOS (prison de LILLE) ou à CUINCY (prison de DOUAI), torturés puis transférés en Italie pour y être jugés et emprisonnés (ils seront libérés par les Alliés en 1943 mais certains d’entre eux ont été remis aux alliés allemands un peu avant et envoyés dans les camps de concentration dont ils ne reviendront pas). Ceux du Nord/Pas-de-Calais qui ont la chance de ne pas être arrêtés par la Gestapo forment le Bataillon Ferrari et participent à la libération de LILLE en septembre 1944 avant de s’engager dans la 1ère Armée française ; ils seront démobilisés à FORBACH en 1945 et ils méritent bien la reconnaissance de l’État français. Cependant, ces faits d’armes ne concernent que quelques centaines d’ouvriers italiens ; la plupart sont restés calmes pendant le conflit par peur de l’occupant ou de la Police française et on note même, çà et là, quelques cas de collaboration avec les Nazis pour des fascistes qui fuiront la région avant sa libération pour revenir au pays où ils se fondront dans la masse pour la plupart.

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       La fosse Agache de FENAIN (pas encore rénovée) au moment où Eusebio FERRARI y travaillait.

3-Troisième exode (1946-1960)

En 1944, l’Italie est totalement dévastée ; il n’y a plus de voies ferrées, plus de gares, plus de ponts dans toute la partie centrale et le Sud du pays où ont eu lieu les batailles. Les finances sont exsangues, il y a partout du chômage dans l’industrie, les terres agricoles confisquées par l’État fasciste sont restituées aux grands propriétaires, … Le pays est paralysé, il n’y a pas de travail pour les ouvriers et c’est de nouveau la misère. Toutes les conditions pour créer un nouvel exode sont réunies. L’État italien va cette fois essayer de ̎vendre ̎ ses jeunes aux plus offrants et il y a des amateurs comme les pays de l’Europe de l’Ouest et l’Argentine. Des travailleurs contre du charbon !

L’accord trouvé avec la Belgique le 23 juin 1946 prévoit l’envoi de 50000 travailleurs contre 3 millions de tonnes par an (60 kg/homme). Anna MORELLI, Professeur à l’Université Libre de BRUXELLES, lors de sa conférence pour Mineurs du Monde consacrée à l’immigration des Italiens dans les Charbonnages belges le 9 octobre 2014, parle d’un système push-pull (l’un pousse dehors, l’autre attire) :

  • L’Italie, vaincue et en pleine crise économique veut se débarrasser de ses ouvriers extrémistes (communistes, anarchistes) ;

  • La Belgique attire des immigrés peu exigeants et indésirables dans leur pays pour travailler dans les Charbonnages qui n’intéressent plus ses propres jeunes.

La France, elle, signe pour 150 kg puis 180 kg /homme. Ces marchés conclus entre les États sont très mal perçus par les candidats au départ qui se considèrent comme ̎troqués contre quelques sacs de charbon ̎mais comme ils n’ont ni travail ni avenir en Italie, ̎ils mettent leur honneur dans leur poche ̎.

Des milliers d’Italiens venant cette fois du Sud du pays (Sardaigne, Sicile, Calabre, Basilicate, Pouilles) vont ainsi arriver dans le Bassin Minier du Nord/Pas-de-Calais pour la Bataille du charbon afin de remplacer les nombreux Polonais (entre 50000 et 80000) repartis pour reconstruire la nouvelle Pologne dévastée ; il en vient d’autres dans l’agglomération lilloise (textile), dans la Vallée de la Sambre (sidérurgie) et dans le Dunkerquois (chantiers navals). Pour ceux qui vont devenir mineurs, une consigne (non écrite) est donnée aux médecins-recruteurs pour qu’ils n’éliminent pas les ̎petits ̎ qui seront très utiles pour travailler dans les tailles de faible ouverture très nombreuses dans le Nord/Pas-de-Calais, on pense à tout…

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Les deux grands vagues de l’immigration italienne dans

le Bassin Minier du Nord/Pas-de-Calais. Photo GT

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Groupe de jeunes Italiens embauchés dans les années 60 dans les

Mines du Groupe de DOUAI. Photo Centre Historique de Lewarde

La vie des Mineurs italiens dans les cités minières du Nord/Pas-de-Calais après 1946

L’arrivée dans le Bassin Minier crée un choc important qui bouleverse complètement la vie des immigrants. Pour ces hommes issus de villages campagnards et habitués à déambuler sous la canicule dans de grands espaces agricoles, devoir vivre sous un climat froid et humide dans des baraquements en bois ou dans des demi-lunes en tôle dans un espace confiné autour de la fosse et devoir descendre pour aller s’épuiser à gratter le charbon à des centaines de mètres sous la terre, dans le noir et la poussière, constitue, en tout cas au départ, un sacré traumatisme ; beaucoup ne le supportent pas et retournent au pays rapidement. La solidarité entre ceux qui restent (Italiens entre eux mais aussi et surtout avec leurs collègues français et polonais) permet de vite s’intégrer. On vit bien en France, ce n’est pas le paradis mais c’est tout de même mieux qu’en Italie. Ici, le salaire est correct et il tombe à toutes les quinzaines. Au départ en 1946, on connaît, comme les Français, les tickets de rationnement mais ce n’est rien comparativement à ce qu’on endurerait si on était resté au pays. Les conditions deviennent un peu meilleures quand les femmes et les enfants arrivent d’Italie et elles s’améliorent encore quand on peut avoir un logement confortable dans une véritable cité minière.

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Cité de baraquements à WINGLES sur l’ancien terril des fosses 3-4 de MEURCHIN, elle a servi pour des prisonniers russes de 1941 à 1944 puis pour les prisonniers allemands après 1944 et enfin pour la main d’œuvre immigrée venue travailler dans les Mines du Pas-de-Calais à partir de 1946.

Mineur italien entouré de sa famille. Photo CH Lewarde

L’Ambassadeur d’Italie visite la cité italienne de SIN-LE-NOBLE

(camp du Pescron) en mai 1951. Photo CH Lewarde

Néanmoins, le métier est très dur et la nostalgie du pays est très forte. Pour tenir le coup, il faut maintenir les traditions. Dans chaque cité, les Italiens se regroupent au sein d’associations catholiques (exemple : les Mineurs d’AMICI), de chorales, de clubs sportifs ou de supporters d’équipes du Calcio (football italien). Tout est prétexte à rencontres et à fêtes au cours desquelles on mange les plats traditionnels (pâtes fraîches, pizzas) et on boit du vin du pays (marsala de Sicile en apéritif, chianti de Toscane avec le plat et grappa du Tessin en digestif) en chantant à tue-tête les grands airs napolitains.

Chorale italienne de SIN-LE-NOBLE en mai 1960. Photo CH Lewarde

Boulevard des Italiens à ROUVROY en 2015. Photo GT

Les pizzas italiennes sont les meilleures du monde ! Photo GT

Et que dire des pâtes artisanales confectionnées à la main ? Photo GT

La communauté italienne dans le Nord/Pas-de-Calais aujourd’hui

L’immigration italienne s’arrête en 1962 car c’est la fin de la guerre d’Algérie et les Mineurs français sous les drapeaux reprennent leurs postes mais aussi et surtout parce que l’Allemagne et la Suisse offrent des conditions plus intéressantes (changes plus favorables avec les monnaies de ces pays et salaires plus importants). Quand il faudra terminer l’exploitation du charbon dans le Nord/Pas-de-Calais dans les années 70-80, on ne trouvera que des Mineurs marocains en CDD de dix-huit mois pour venir travailler dans les tailles des derniers sièges en activité.

Si beaucoup d’Italiens sont retournés avec un petit pécule au pays, un bon nombre sont quand même restés en France, surtout les plus anciens qui ont pu profiter de la retraite des Mines et s’offrir un logement. Les mariages mixtes avec les Françaises et la bonne intégration des enfants ont été des facteurs importants de non-retour. Les communautés d’anciens mineurs les plus importantes se trouvent à FENAIN, WAZIERS, SIN-LE-NOBLE- BRUAY-SUR-L’ESCAUT (Nord) et à MÉRICOURT, LIBERCOURT (Pas-de-Calais).

On estime à environ 100000 le nombre de personnes d’origine italienne (immigrés et leurs familles) dans la région, 30000 ont gardé leur nationalité.

Célébrités d’origine italienne vivant ou ayant vécu dans le Bassin Minier du NPdC

1) Personnalités politiques

- Salvatore CASTIGLIONE : maire (sans étiquette) de WALLERS depuis 2008.

- Otello TRONI : Maire (PCF) de BILLY-MONTIGNY (1977-1999), Conseiller Général du PdC (1992-2001).

- Bruno TRONI : Maire (PCF) de BILLY-MONTIGNY (depuis 1999), Conseiller Général du PdC (depuis 2001).

2) Résistants pendant la 2nde Guerre Mondiale

- Eusebio FERRARI (1919-1942), mineur communiste fusillé par les Allemands.

- Guido BRANCADORO (1921-1942), mineur communiste fusillé par les Allemands.

3) Footballeurs professionnels

NOMS

CLUBS

Carrière professionnelle

Sélections en équipe de France

Michel CATALANO

RC LENS, AJ AUXERRE, NÎMES OL

1981-1993

-

Bernard CHIARELLI

US VALENCIENNES-ANZIN, RC LENS, LILLE OSC, UA SEDAN-Torcy, LE HAVRE AC

1952-1964

1 en 1958

Raymond FIORI

RCFC BESANCON, RC LENS,

Girondins BORDEAUX, FC NANTES

1950-1963

-

Lazare GIANESSI

CS AVION, RC LENS, OL ST QUENTIN, CO ROUBAIX-TOURCOING, AS MONACO

1943-1960

14 de 1952

à 1954

Michel LAFRANCHESCHINA

FC GRENOBLE, RC LENS, LILLE OSC, FC SOCHAUX, FC LIMOGES, FC BOURGES

1956-1971

-

Jean-Pierre LAURICELLA

LILLE OSC, US VALENCIENNES-ANZIN, FC ANNECY

1986-1996

-

Louis POLONIA

RC LENS, AS BÉZIERS

1959-1967

-

Serge MASNAGHETTI

US VALENCIENNES-ANZIN

1959-1966

2 en 1963

Jean-Claude PIUMI

US VALENCIENNES-ANZIN, AS MONACO

1959-1972

4 de 1962

à 1967

Louis PROVELLI

US VALENCIENNES-ANZIN

1957-1970

1 en 1967

Enzo ZAMPARINI

LILLE OSC, RC LENS

1955-1965

-

4) Personnalité du spectacle

Joss BASELLI : accordéoniste.

Georges TYRAKOWSKI pour l'APPHIM

Pour en savoir plus :

  • ̎L’Italie au pied des terrils ̎(Michel MARINELLI, éditions LA VOIX 2012)

  • ̎Tous gueules noires : histoire de l’immigration dans le Bassin Minier du Nord/Pas-de-Calais ̎(Marie CEGARRA, Olivier CHAUVAUX, Rudy DAMIANI, Gérard DUMONT, Jean-René GENTY, Janine PONTY, collections Mémoires de la Gaillette, CHM Lewarde 2004).

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  • ̎ Diaspora italienne ̎, article Wikipédia.

  • ̎Mine de mémoires ̎ : c’est le premier film sorti en 2012 d’un jeune réalisateur très doué d’AVION, Doctorant en cinématographie, Florent LE DEMAZEL, et qu’on peut regarder gratuitement sur You Tube. C’est une suite de témoignages d’anciens Mineurs français, italiens et marocains qui ont travaillé à MÉRICOURT. Émotion garantie…

  • ̎Les passagers du charbon ̎ : c’est le second film sorti en 2014 du réalisateur précédent sur le même thème, visionnable également sur You Tube. L’objectif est de faire découvrir au spectateur, plus de 30 ans après la fin de l’épopée du charbon dans la région, ce que les Mineurs (ouvriers, ingénieurs, machinistes, électromécaniciens, …) de toutes origines (française, polonaise, marocaine, italienne) pensaient à l’époque de leurs métiers. Tout aussi émouvant…

Descente dans un cuffat