dimanche 27 octobre 2024
dimanche 29 septembre 2024
10 mars 1906 : la catastrophe de Courrières
Le 10 mars 1906, la plus importante catastrophe minière d’Europe, dite catastrophe de Courrières fit officiellement 1.099 morts.
Alors qu’il y a un mois on nous annonçait la candidature du bassin minier au patrimoine mondial de l’UNESCO, la commémoration de ce triste évènement historique sera peut être sensiblement occultée par des préoccupations d’un futur proche.
Même si Beuvry n’est pas directement lié à ce drame, notre devoir de mémoire doit rester intact envers ces victimes, celles de toutes les autres catastrophes minières, mais aussi pour le sacrifice des mineurs de fond (en particulier sur leur santé).
À 6 h 34, le samedi 10 mars 1906, un terrible bruit sourd et une secousse se font sentir en surface des puits de mines, des nuages de poussières sortent des fosses… Un coup de grisou suivi d’un coup de poussière d’une rare violence ravagent en quelques secondes 110 kilomètres de galeries communes aux trois fosses et situées sur les territoires de Billy-Montigny (fosse n° 2 dite Auguste LAVAURS), Méricourt (fosse n° 3 dite LAVALERESSE ou Charles BOCA), Noyelles-sous-Lens et Sallaumines (fosse n° 4/11 dite Sainte-Barbe ou Charles DEROME). Les trois puits de Mines touchés faisaient partie du groupe minier de la société de courrières.
Quelques mineurs parviennent à remonter et à donner l’alerte. Les secours sont organisés rapidement. La nouvelle d’un coup de grisou se répand dans les corons comme une traînée de poudre. Vers les puits sinistrés, c’est aussitôt la course, la ruée d’épouses, de mères, d’enfants et de parents, de mineurs. Devant le carreau des fosses les grilles sont fermées. La foule s’agite, menace d’envahir le carreau de fosse. Les gendarmes ont peine à la contenir.
Quarante-huit heures après la catastrophe, les sapeurs-pompiers de Paris arrivent sur les lieux, épaulés par les sauveteurs des compagnies de la Ruhr qui sont équipés d’appareils respiratoires d’une conception nouvelle. |
Terrible bilan : 1 099 victimes, des familles entières sont décimées.
L’accident fit officiellement 1 099 morts sur près de 1 800 mineurs descendus ce jour-là.
Mais le bilan réel est probablement supérieur en raison de la présence de travailleurs « irréguliers » dont le décès n’a pas été imputé à cet accident. Pris au piège, la plupart des ouvriers sont morts asphyxiés ou brûlés par les nuées ardentes de gaz toxiques.
En fin de journée, seulement 576 mineurs étaient parvenus à s’échapper de la catastrophe.
Treize rescapés seront remontés le 30 mars du puits N°2 de Billy-Montigny, après 20 jours d’errance au fond de la mine, et un dernier le 4 avril, soit 25 jours après la catastrophe. Il n’y aura pas d’autres rescapés !
À ces pertes il faut ajouter le décès d’au moins seize sauveteurs. |
Pourquoi une telle catastrophe ?
Deux causes essentielles expliqueraient le désastre : le coup de grisou et le coup de poussière.
Le grisou est un gaz composé essentiellement de méthane. Il présente un énorme risque à cause de son caractère explosif au contact d’une étincelle (on a mis en cause l’utilisation des lampes à feu nu).
Le coup de poussière correspond à l’inflammation violente de grandes quantités de poussière de charbon en suspension. Cette combustion très rapide se propage et engendre avec elle une surpression et une explosion.
Cette catastrophe serait due à la combinaison de ces deux phénomènes.
Par ailleurs, la compagnie minière avait pratiqué d’importants travaux pour réaliser l’interconnexion entre ses différents puits. Ce dispositif, sensé permettre l’évacuation des mineurs, entraîna la propagation de l’incendie dans les différentes fosses.
Plus jamais ça !
Cette catastrophe fut suivie de nombreuses polémiques. On accusait la compagnie de Courrières d’avoir poursuivi l’exploitation de la mine alors qu’un incendie, découvert trois jours plus tôt, n’avait pas encore été complètement maîtrisé. La gestion de la crise fut également critiquée, notamment la décision de l’ingénieur en chef des mines, de stopper les recherches d’éventuels rescapés, trois jours seulement après l’explosion. Des manifestations et des grèves, éclatèrent. Ce mouvement social déboucha sur l’instauration du repos hebdomadaire. De plus, la catastrophe a entraîné des actions de prévention avec en particulier des sessions de formation. En 1907, le premier poste central de secours du bassin Nord-Pas-de-Calais est créé à Liévin. On y forme des équipes spécialisées de sauveteurs et on y étudie les risques dus au grisou et au poussier. Les lampes à feu nu sont bannies au profit des lampes dites de sûreté (lampes Davy). |
Les dates marquantes pour le bassin minier Nord-Pas-de-Calais
Le 25 avril 1983 sonne l’arrêt de l’extraction de la houille dans notre région.
Pour compléter l’article sur le passé minier de Beuvry, voici les dates marquantes pour notre région en rapport avec l’exploitation minière.
1662 : On découvre le gisement d’Hardinghem, dans le Boulonnais.
1709 : L’anglais Darby utilise du coke pour produire la fonte.
1712 : Thomas Newcomen met au point une machine à vapeur à piston.
1716 : Le Vicomte Désandrouin et ses associes entament une prospection dans le Hainaut français.
3 février 1720 : découverte dune veine de charbon maigre à Fresnes-sur-Escaut.
24 juin 1734 : découverte d’une veine de charbon gras, apte à différents usages, à Anzin, au lieu dit du Pave de Condé.
1757 : Fondation de la Compagnie d’Anzin.
1774 : Fondation de la Compagnie des mines d’Aniche.
1782 : James Watt met au point la machine à vapeur rotative.
1783 : Création de I’École Royale des Mines.
1801 : Fondation de la Caisse de Secours des Mines d’Aniche.
1803 : Implantation à Lille de la première filature industrielle de coton.
1807 : Le procédé d’éclairage public au gaz de houille, inventé par Philippe Lebon, est appliqué à Londres.
21 avril 1810 : loi sur les concessions minières.
1813 : Le travail de fond est interdit aux enfants de moins de 10 ans.
1820 : Anzin compte 3 860 habitants, Lens 2 380, Aniche 1 733.
9 avril 1823 : un coup de grisou fait 22 victimes à la Cie d’Anzin. Le Préfet du Nord prescrit des mesures de sécurité, rend obligatoires les lampes à huile, interdit de fumer au fond.
1825 : Humphrey Davy met au point la lampe de sécurité à flamme.
1835 : L’un des premiers trains à vapeur circule entre Saint-Waast et Denain, sur la ligne de chemin de fer de la Compagnie d’Anzin.
1841 : Le forage d’un puits d’eau, à Oignies, chez Mme de Clerc permet de repérer le gisement du Pas-de-Calais.
1847 : à Anzin, un cheval assure le transport du charbon dans les galeries.
1878 : Fondation de I’École des Mines de Douai.
1882 : Arthur Lamendin crée, à Lens, la première Chambre syndicale de mineurs dans le Pas-de-Calais. (Celle du Nord est créée en 1883, par Emile Basly).
1885 : Emile Zola publie « Germinal ».
8 juillet 1890 : La loi du 8 juillet institue les délégués mineur, élus, avec mission de surveiller les conditions de sécurité et d’hygiène.
10 mars 1891 : constitution de l’Union des Houillères du Nord et du Pas-de-Calais, première association patronale minière, dans le but notamment d’enrayer les grèves.
1892 : Les travaux du fond sont interdits aux femmes ; elles étaient souvent employées comme hercheuses, c’est-à-dire au roulage. Une commission d’arbitrage est nommée pour régler les différents qui sont à l’origine d’une grève à la Compagnie des mines de Marles. La discussion aboutit à la première convention collective du travail. Les deux syndicats de mineurs, du Nord, et du Pas-de-Calais, créent une fédération régionale basée à Lens.
29 juin 1894 : Loi du 29 juin créant les Caisses de Secours, organismes mutualistes pour la constitution des retraites et l’assurance contre les risques invalidité-maladie. Seuls les mineurs bénéficient d’un tel régime.
1895 : L’usage de l’électricité et de l’air comprimé se développe dans l’industrie et dans les mines.
1897 : Jules Mousseron, le Père de Cafougnette, publie son premier recueil de poèmes en patois.
10 mars 1906 : un coup de grisou provoque la mort de 1.101 mineurs de la Compagnie des Mines de Courrières. Le Comité Central des Houillères installe à Lens une station expérimentale de lutte contre le grisou. On y forme aussi les sauveteurs. Le travail de fond est interdit aux jeunes de moins de 12 ans.
1910 : Journée de huit heures pour les mineurs. Repos hebdomadaire obligatoire. Institution des allocations familiales.
1913 : Le Bassin du Nord et du Pas-de-Calais produit 67 % du charbon national.
25 février 1914: institution de la caisse autonome de retraite des mineurs.
1918 : Durant la première guerre mondiale 103 fosses ont été détruites. Les dégâts représentent 1 milliard de francs-or. Dans les mines de l’Ouest du Bassin l’exploitation est intensifiée.
1920 : Au fond, le marteau-piqueur, appelé « Ie saxophone à pointe », remplace progressivement le pic.
1922 : Georges Claude, aux usines de la Compagnie de Béthune, à Mazingarbe, réussit la synthèse de l’ammoniac à partir de gaz de four ; c’est la naissance de la carbochimie.
1925 : De nombreux Polonais s’installent dans le Bassin minier où l’on recherche la main d’œuvre. Ils seront 200.000 en 1930.
1930 : Le Nord – Pas-de-Calais atteint la production record de 35 millions de tonnes. Une convention, signée à Douai, accorde au personnel minier 3 ou 6 jours de congés payés annuels.
1936 : Grève générale dans les mines. Suite aux accords de Matignon, les mineurs obtiennent deux semaines de congés payés, 38 h 40 de travail hebdomadaire pour le fond, l’institution des délégués du personnel.
En juin 1941: 80 % des mineurs du bassin sont en grève… c’est l’une des premières manifestations de résistance à I’occupant.
13 décembre 1944 : Ordonnance du 13 décembre qui confie l’exploitation aux Houillères Nationales du Nord et du Pas-de-Calais.
1945 : La Bataille du charbon est engagée…
17 mai 1946 : Loi de nationalisation – création des Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais et de Charbonnages de France.
14 juin 1946 : adoption du statut de mineur. La silicose est reconnue maladie professionnelle. Généralisation de la Sécurité Sociale Minière.
1947 : Les HBNPC achètent le Château d’Hagecroft, à la Napoule, qui devient Centre de Congés des mineurs.
1948 : La C.G.T. lance des grèves contre les décrets Lacoste. Les fosses sont occupées ; le Gouvernement appelle la troupe pour les dégager.
1950 : Inauguration du centre de réadaptation fonctionnelle des blessés à Oignies.
1951 : Création de la Communauté Européenne du Charbon et de I’Acier CECA.
1952 : Les HBNPC produisent 29,5 millions de tonnes. La mécanisation améliore les rendements.
1958 : Mise en service des deux premiers groupes de la centrale d’Hornaing.
1959 : Mise en service de l’usine de briques Surschiste, à Hulluch.
1960 : Le plan Jeanneney prévoit et tend à organiser la récession. Le soutènement marchant apparaît au fond. Le siège du 19 de Lens est mis en service.
1961 : Mise en service du 10 d’Oignies, dernier des grands sièges d’exploitation des HBNPC.
Mars-avril 1963 : en grève durant 35 jours, les mineurs manifestent leur inquiétude face a la récession.
1964 : Les centrales thermiques du Bassin produisent 7,3 millions de Kwh, soit 12,5% de la production nationale d’électricité d’origine thermique.
1965 : Lancement du boulet sans fumée « Anthracine 20 » à I’Usine Rousseau.
26 avril 1966 : à Mazingarbe, le Général de Gaulle donne le feu vert a la diversification des activités des HBNPC. Création de I’APEX pour favoriser l’expansion régionale. La SOFIREM est créée pour la réindustrialisation des régions minières.
1968 : Le Plan Bettencourt prévoit la réduction de moitié de la production d’ici 1975, la fin pour 1983.
1969 : Production record dans les cokeries du bassin = 5,4 millions de tonnes.
1970 : Constitution de l’Association des communes minières.
1971 : Les HBNPC entreprennent la rénovation de leur parc immobilier qui compte 115.000 logements.
27 décembre 1974 : à Liévin, un coup de grisou fait 42 victimes.
1978 : L’Association Hospitalière Nord Artois Cliniques AHNAC prend en charge les huit cliniques des HBNPC.
13 mars 1980 : Mise en service de la centrale nucléaire de Gravelines.
1982 : Le Centre Historique Minier est créé à Lewarde (ouverture au public en 1984).
25 avril 1983 : à Lille, François Mitterrand annonce le choix de « la conversion du Bassin », c’est-à-dire le prélude à l’arrêt de l’extraction.
1984 : Création de FINORPA et du F.I.B.M.
1986 : Le plan d’entreprise de Charbonnages de France décide l’application du plan social. Les mineurs trouvent de nouveaux emplois à E.D.F., dans le B.T.P. etc.
1990 : La société holding Filianor regroupe les douze sociétés industrielles issues des HBNPC
26 octobre 1990 : arrêt du 9 de I’Escarpelle, à Roost-Warendin.
21 décembre 1990 : arrêt du dernier puits, le 9 d’Oignies.
: Triste anniversaire
Liévin, 27 décembre 1974 : Triste anniversaire
En tant que fils, petit-fils et arrière petit-fils de mineur, il y a des commémorations historiques qui ne passent pas inaperçues.
Il y a 45 ans, le 27 décembre 1974 a eu lieu la plus grande catastrophe minière en France d’après-guerre.
Hommage à ces 42 victimes de la catastrophe de Liévin et aux milliers d’autres en 3 siècles exploitation minière.
Noël 1974, les mineurs bénéficient de cinq jours sans descendre au fond. Dans les familles, c’est fête, et plus encore dans les familles polonaises, car le 26 c’est la Saint Etienne, la fête nationale.
Vendredi 27 décembre, il faut se remettre au travail. 90 hommes étaient descendus à 710 mètres de profondeur, en ce premier jour de reprise du travail après les fêtes de Noël, afin de préparer le chantier pour l’abattage. Moins d’une cinquantaine d’entre eux remonteront vivants à la surface…
A 6 h 19 , un coup de grisou suivi d’un coup de poussière se produit au fond d’une galerie de la fosse 3, dite Saint-Amé du siège 19 du groupe de Lens-Liévin. À 8 h, la nouvelle se répand dans les corons. Les familles qui accourent se heurtent aux grilles fermées…
Au fil des heures, la liste des victimes s’allonge : 42 morts âgés entre 25 et 52 ans et 8 blessés. Cette tragédie laissera aussi 40 veuves et les 116 orphelins dans la plus grande détresse. Les mineurs employés sur les tailles voisines sont mobilisés pour les secours mais leur aide demeure limitée. Ils sont assaillis par les épouses et les proches des mineurs absents : on donne un nom, on demande des détails, on espère encore que le père, le mari, le fils en a réchappé.
Très vite, la première caméra de télévision est sur les lieux.
Toute une région en deuil
Le 31 décembre à 9h30, des milliers de personnes sont rassemblées sur la place de l’Hotel de Ville de Liévin, pour les obsèques des victimes de cette tragédie.
Le délégué mineur de la fosse 3, parlant au nom de toutes les organisations syndicales du Bassin, s’interroge sur les conditions de sécurité dans les mines :
« La réglementation actuelle est-elle suffisante, les connaissances et les mesures de sécurité sont-elles suffisamment développées ? … Nous devons mobiliser toutes les énergies, toutes les ressources nécessaires pour que ce dur et noble métier de mineur puisse s’accomplir dans le respect absolu de la personne humaine, pour que, plus jamais, les mineurs ne soient victimes de ce que certains appellent la fatalité ».
L’enterrement lieu en présence de Jacques Chirac, premier ministre, qui promet que « toute la lumière sera faite » et « toutes les conséquences tirées ».
Monsieur Darras, député-maire de Liévin déclare « Il ne faut plus que, pour un mineur, gagner sa vie soit aussi affronter la mort … ».
Quelles étaient les conditions de travail des mineurs, en 1974 ?
A la Direction régionale des Houillères, c’est le silence absolu. Dans les médias, rien ne filtre et les élus locaux ne sont pas plus loquaces !
Normalement, le mineur travaille avec des gants spéciaux et porte des chaussures renforcées, ou des bottes, qu’on utilise dans les secteurs où il y a de l’eau. Mais le problème, c’est de s’en procurer ou de les remplacer. Les accidents matériels ne se comptent plus. Les moyens sont quasi inexistants : manque de matériel et de personnel disponible. On nettoie les motrices sans garde-corps, le matériel de soutènement n’est pas toujours livré en quantité suffisante, ni adapté au lieu de travail. On travaille « à découvert »…
Et comme dans Germinal, encore à en 1974, si les mineurs veulent gagner leur vie, ils doivent négliger l’étaiement de la taille, les « prix de tâche » étant peu élevés. Dans une taille, on utilise des explosifs pour faire sauter des roches afin de tenir la cadence et accélérer le rendement. Avant le tir, tous les ouvriers sont censés sortir de la taille… mais pour gagner du temps, on éloigne seulement les ouvriers les plus proches du lieu de l’explosion, et même les installations continuent à fonctionner ! Une rupture de tuyauterie à air comprimé accompagnée d’un dégagement de poussière au moment de l’explosion, et c’est la mort !
Au fond de la mine, des portes dites d’aérage canalisent l’air nécessaire à la respiration des hommes et à l’évacuation de l’air vicié ; elles doivent toujours être dans la position fermée. Malgré tout, les portes sont très souvent ouvertes, là aussi, pour aller plus vite.
Les règles de sécurité apprises au centre d’apprentissage ne peuvent être appliquées au travail. « Ici, tu n’es pas à l’école, tu es à la fosse ! ». Il faut donc travailler « avec les moyens du bord » et obéir aux ordres, quels qu’ils soient, sous peine de sanctions, une amende, une retenue sur la paie, ou un poste plus pénible.
La population réclame la vérité.
Tout d’abord les responsables évoquèrent un coup de poussier. L’utilisation du marteau-piqueur et plus encore des haveuses mécaniques augmentait considérablement la présence de fines particulières de carbone dans les mines. Hautement inflammables, elles favorisaient les explosions dévastatrices.
Mais, très vite, les experts en arrivent à une autre conviction. Les corps remontés du fond sont été autopsiés : les autopsies révèlent la présence de grisou. L’accident est donc lié à un coup de grisou. Bien sûr, comme d’habitude, les responsables des Charbonnages de France évoquent la fatalité.
Du côté des gueules noires, pas question de faire payer les lampistes !
L’instruction judiciaire est finalement confiée au juge d’instruction Henry PASCAL, qui avait défrayé la chronique lors du sordide assassinat d’une adolescente à Bruay-en-Artois le 5 avril 1972. Ce dernier descend dans la fosse habillé en mineur.
Très vite les langues se délient : la surveillance des chantiers aurait laissé à désirer et plus grave encore, les mesures de grisoumétrie n’ont été que partiellement effectuées…
Le jeudi 5 juin, le juge Pascal inculpe le directeur du siège 19 dont dépend la fosse 3 bis. pour « homicide et blessures involontaires ». Inculpé ne veut pas dire coupable ; au directeur de siège de faire disparaître les présomptions de responsabilité qui pèsent sur lui.
Le juge Pascal est rapidement dessaisi. L’affaire est finalement renvoyée devant le tribunal de Béthune le 3 novembre 1980, soit six ans après la catastrophe.
Le 23 janvier 1981, le tribunal de Béthune prononce la « faute inexcusable de l’employeur », la Société des Houillères du Nord et du Pas-de-Calais, qui est déclarée civilement responsable. C’est une première !
Mais la société fera appel, et le jugement définitif qui surviendra en 1984 n’établira finalement pas « la faute inexcusable des Houillères », à la grande colère des familles, et du monde ouvrier.
Le seul à payer sera l’ingénieur responsable de la fosse de Liévin, condamné à 10.000 francs d’amende pour « négligence en hommes et en matériel pour détecter la présence de grisou dans ce puits ».
Tous les ans, la ville de Liévin commémore ses victimes qui sont encore dans tous les esprits, lors d’une cérémonie solennelle, devant la stèle Saint-Amé. Habitants, anciens mineurs, familles des disparus, pompiers, élus et représentant syndicaux se réunissent pour un moment de recueillement.
Les autres catastrophes minières du 20ième siècle
Les autres catastrophes minières du 20ième siècle
Après la catastrophe de Courrières, chaque alerte provoque une inquiétude encore plus forte des familles de mineurs.
En janvier 1907 : Fosse 5 à Calonne Liévin, un coup de grisou emporte 3 mineurs.
Le mardi 3 septembre 1912 : fosse de la Clarence à Divion, une terrible explosion de grisou suivi d’un coup de poussier ravageur se produit en début d’après midi au changement de poste, il y eut 79 morts et 23 blessés.
Le lundi 16 avril 1917 : 256 mineurs se trouvaient au fond du puits numéro 9, ou fosse Warenghien d’Hersin. Ce jour-là, les hommes s’attachaient à extraire le charbon dans la veine Berthe quand survint un coup de poussier dû à une lampe de sécurité à flamme ouverte volontairement. 42 d’entre eux ne reverront jamais le jour.
Le lundi 19 janvier 1920 : 17 mineurs trouvèrent la mort, écrasés après une chute de plus de 50 mètres !
La chute de cage de la fosse de Rœulx à Escaudain était due à la rupture d’un arbre de machine d’extraction défaillant.
Le mercredi 31 juillet 1929 : Fosse 8 à Courcelles les Lens, un coup de grisou fait 8 morts
Le mercredi 21 août 1929 : un éboulement à Auchy-les-Mines emporte 3 vies.
Le vendredi 19 janvier 1940 : La fosse 4 de Noyelles-Godault : 8 morts
Le samedi 28 septembre 1940 : Vers 18 H 15, un avion militaire allemand, lâche 5 bombes au dessus de la fosse dont une provoque un coup de poussier. Ce drame a fait trente-quatre morts sur le coup (ou des suites de leurs blessures), et 16 blessés.
Le mardi 2 mars 1943 : un coup de grisou à la fosse n° 9 fait 16 morts et 6 blessés. Pourtant, la présence de ce gaz n’avait été qu’exceptionnellement constatée dans le secteur. L’accident s’est produit dans une taille au moment d’un tir de mine pour faire tomber le toit.
Le jeudi 23 mars 1944 : fosse 9 d’Oignies vers 15 h 30 une explosion de grisou se produit au pied de la deuxième voie descendante de Ste Michelle. 6 ouvriers moururent des suites de leurs blessures dans les jours qui suivirent.
Le vendredi 21 décembre 1945 : fosse 15 de Loos-en-Gohelle, une taille s’effondre à 432 mètres de profondeur et emporte 9 ouvriers.
Le jeudi 28 mars 1946 : 76 hommes de la veine 16 de la fosse 1 d’Ostricourt sont descendus pour se rendre à leur lieu de travail distant de 2 km du puits. Ils cheminent dans les galeries et voies à 574 mètres sous terre : près de 40 minutes de marche. II est environ 22 h 45 lorsqu’ils se trouvent à pied d’œuvre.
Parmi eux, quelques-uns sont déjà entrés dans la taille quand soudain une explosion éclate. Des bois de soutènement craquent. C’est l’éboulement accompagné d’un nuage de poussières. Le matin on compte 13 morts.
Le 27 août 1947 : au siège 3 d’Hénin-Liétard, une irruption d’eau occasionne un dégagement d’hydrogène sulfuré. 15 ouvriers sont intoxiqués, la plupart seront sauvés.
Un ouvrier ramène, à l’air libre, un galibot et retourne dans le quartier sinistré pour tenter de sauver son chef de poste.
Il tombe à son tour asphyxié. (L’ouvrier Jean-Batiste Lucas fut cité à l’ordre de la Nation).
Le lundi 19 avril 1948 : dans l’après-midi, 365 mineurs travaillent au fond de la mine à Sallaumines. Il est 17 h 35, quand une violente explosion ébranle la ville. Une flamme géante sort du puits 11 suivie d’un nuage de poussières noires. Terrible bilan : 12 morts, 35 blessés.
Le vendredi 10 septembre 1948 : Fosse 7 à Avion, une explosion se produit, 3 galibots et 4 ouvriers mineurs y laissent la vie.
Le mercredi 6 avril 1949 : Fosse 11 de Grenay, une explosion fait 25 blessés et 1 mort.
Juillet 1949 : Fosse 21, Noyelles-sous-Lens, une explosion. 2 morts.
Le mercredi 7 février 1951 : Fosse 5 Bis à Bruay, Il est 9 h 30, 679 mètres sous terre, une formidable explosion retentit. L’explosion n’a pas été perçue dans les autres quartiers de la fosse éloignés de plusieurs centaines de mètres. Dans les installations du jour, on n’a rien ressenti. Bilan : 12 morts.
Le mardi 12 août 1952 : Fosse Schneider de Lourches, suite à un tir de mine, une boule de feu s’engouffre dans la voie, balayant de son souffle brûlant et puissant hommes et matériels sur plusieurs centaines de mètres, ainsi que dans des galeries transversales tue 9 mineurs.
Janvier 1953 : Fosse 7 à Mazingarbe, un éboulement fait 2 morts.
Le dimanche 20 juin 1954 : C’est la ducasse de Divion, on prépare la fête. Le poste de nuit touche à sa fin à la fosse de La Clarence. Soudain, à 4 h 15, une explosion ravage la taille Rosalie. 6 blessés ainsi que les 4 morts remontés, peu après 8 heures. D’autres victimes seront remontées, des blessés décèderons, bilan final : 10 morts, 2 blessés graves.
Le samedi 19 janvier 1957 : Fosse 21 Harnes, à 17h15 veine Cécile 3 des secousses brutales viennent du toit de la taille en exploitation, soudain un énorme bloc de roche de 16,50m de long, 7m de large et haut de 5m se détache, renverse les soutènements et écrase 4 mineurs.
Le mercredi 13 mars 1957 : Fosse 6 bis, Bruay, un éboulement à 851 m sous terre tue 2 mineurs.
Le samedi 16 mars 1957 : Fosse 3 de Liévin, un terrible coup de grisou fait 10 morts et 4 blessés suite à un tir d’explosifs.
Le mardi 11 février 1958 : Fosse 4 sud de Méricourt, l’arbre du treuil d’une cage de « bure » se brise et 11 mineurs s’écrasent 65m. plus bas. Ils ont été tués sur le coup.
Le jeudi 21 juin 1962 : Fosse 13 d’Hulluch, il est environ 20 heures quand le toit craque brutalement dans la petite veine « Elisa » de 17 m de long. C’est l’éboulement dans un vacarme épouvantable : un déluge de charbon, de pierres et de poussières. 6 mineurs de 23 à 28 ans y perde la vie.
Le mercredi 17 juin 1964 : Fosse 5 à Auchel, les 27 ouvriers installés dans la cage descendent dans le puits.Vers le niveau -400, à la vitesse de 8 mètres /seconde, une secousse violente fît osciller la cage sur ses chemins de roulement, la chute de 250 m de la cage suite à l’ouverture d’un volet fait 5 morts.
Le mardi 2 février 1965 : Avion, minuit 30, les chantiers de la fosse 7 ont été ravagés par un « coup de grisou ». 21 victimes laissent 41 orphelins.
Juin 1968 : Fosse 13 de Sains en Gohelle. Accident de tir : 2 morts.
En février 1969 : Fosse 7 d’Avion, un coup de grisou : 16 tués.
Le lundi 24 mars 1969 : Fosse 10 à Leforest, la chute vertigineuse d’une cage fait 5 morts (5 veuves et 16 orphelins).
Le vendredi 28 novembre 1969 : Fosse Barrois à Pecquencourt, à près de 300 m de profondeur un éboulement se produit. 4 hommes disparaissent sous des mètres cubes de charbon et de roches.
Le mercredi 4 février 1970 : Fosse 6/14 à Fouquières, vers 7 heures, une explosion formidable dont le souffle brûlant plaque des hommes au sol, en fracasse d’autres contre les parois de la bowette, détruit le matériel, provoque des éboulements, dégage un nuage de poussières et fait 19 morts.
Le dimanche 14 février 1971 : Fosse 4 de Lens. Chute dans le puits. 5 morts.
Novembre 1971 : Fosse Barois à Douai, un éboulement : 4 tués.
Le mercredi 10 avril 1974 : Fosse Agache, Fenain. Éboulement. 2 morts
Le vendredi 27 décembre 1974 : Il est 6 h 15 du matin lorsqu’une explosion retentit au fond de la fosse 3 de Lens, dite Fosse St Amé (commune de Liévin).
Un coup de grisou et un coup de poussier font 42 morts.
des catastrophes du bassin minier
Liste des catastrophes du bassin minier Nord – Pas-de-Calais
Les débuts de l’exploitation de la houille révèlent une dure réalité : la mine tue.
Vous trouverez ici la liste hélas, beaucoup trop longue, des événements dramatiques qui ont marqué l’activité minière dans la région Nord – Pas de Calais. |
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La découverte du gisement de surface d’Hardinghem dans le Boulonnais en 1662, ou de charbon maigre à Fresnes sur Escaut le 3 février 1720 n’avaient pas donné lieu à une activité minière très intense.
L’exploitation commence réellement avec la découverte de la « charbon gras » au pavé de Condé le 24 juin 1734, peu de temps après, le sous sol régional fait ses premières victimes.
Le vendredi 16 juillet 1756 : la première catastrophe a lieu à la fosse du Gros Caillou de la Compagnie des mines d’Anzin à Vieux-Condé.
11 mineurs périrent dans cet accident sur les 31 occupés sur ce chantier, les vingt autres furent sauvés par leurs camarades, occupés dans d’autres galeries.
À la surface, le sol trembla et un mur s’écroula. Les bâtiments du carreau de la fosse furent ébranlés.
Les catastrophes minières du 19ième siècle
En 1805 : fosse Saint Roch de la Compagnie des mines d’Anzin à Vieux-Condé, un incendie à l’accrochage à 53 mètres de profondeur fit 11 victimes. Cet étage d’extraction fut définitivement fermé. Le cuvelage était tellement en mauvais état que le puits fut remblayé en octobre 1811.
La fosse « La Pensée » de la Compagnie des mines d’Anzin à Abscon ouverte en 1922 a été frappée par deux coups de grisou.
Celui du mercredi 9 avril 1823 dû à une lampe à flamme nue causa la mort de 22 mineurs.
Celui du samedi 26 juin 1824 entraîna la mort de 20 mineurs.
En juillet 1856 : à Vieux Condé, un coup de grisou d’origine inconnue fait 11 morts.
En 1868 : Fosse 2 à Oignies, un coup de grisou d’origine inconnue a tué 4 mineurs.
Le jeudi 18 novembre 1869 : Fosse 1 à Bully : 19 asphyxiés suite à un incendie de boisage.
Le samedi 3 février 1872 : Fosse 1 à Bauvin. La cage retombe dans le puits (les parachutes n’étaient pas encore usités) : 8 morts.
En juin 1873 : Fosse 2 à Auchy-au-Bois, un coup de grisou d’origine inconnue causa la mort de 7 ouvriers.
En janvier 1875 : Fosse 3 de Pont de la Deûle, la chute au fond du puits fit 5 morts.
En 1876 : Fosse Soyez à Roost-Warendin, à cause de la rupture des guides 2 cages se rencontrent dans le puits. 13 morts.
Le dimanche 13 août 1882 : Fosse 3 à Liévin, un coup de grisou d’origine inconnue fait 8 morts.
Le mercredi 24 janvier 1883 : La fosse 7 à Courcelles-les-Lens fit 4 morts.
En Août 1884 : Fosse 2 à Ferfay, un coup de grisou, amplifié par l’explosion d’une dynamitière (lieu de stockage des explosifs) au fond, fait 17 morts.
Le mercredi 14 janvier 1885 : Fosse 1 à Liévin ; 28 morts.
Le dimanche 7 Juin 1885 : Fosse 1 à Nœux, un coup de poussières tue 3 mineurs.
Le vendredi 21 août 1885 : Fosse 7 à Courcelles-les-Lens, un coup de grisou fait 10 morts.
En novembre 1900 : L’explosion de dynamite à la fosse Fénélon d’Aniche tue 21 personnes.
Le dimanche 13 janvier 1901 : La mine emporte 4 personnes à Lourches.
En mars 1901 : Fosse 1 à Hénin-Liétard, un coup de grisou fait 7 morts.
La plus importante catastrophe minière d’Europe
Le samedi 10 mars 1906 à Courrières, un coup de grisou suivi d’un coup de poussier provoque la mort de 1.099 mineurs. Article détaillé