Mai 1968 a mobilisé les travailleurs et aussi certains élèves du Lensois. La ville de Lens a vécu au rythme du travail arrêté, des grèves, et des manifestations. L’historien Claude Duhoux avait alors 16 ans et était scolarisé au collège Michelet de Lens. Il se souvient n’avoir plus eu cours et être allé manifester avec des lycéens.
Un peu partout dans la région, les élèves se mobilisaient en faveur de la grève. Photo d’illustration Voix du Nord.
À 16 ans, le jeune Claude Duhoux ne s’intéressait pas beaucoup à la politique. Pourtant, il s’est pris au jeu de la manifestation, se souvient-il aujourd’hui. « À cette époque, effectivement je ne m’intéressais pas trop à cela. Mai 68 a démarré sans qu’on s’en rende compte. Mon père était délégué syndical, il suivait un peu la politique, mais nous les jeunes, on ne s’y intéressait pas. Dans les corons, il n’y avait pas d’étudiants. Pour mon père, c’était des gosses de riches, qui s’amusaient à faire la révolution. J’étais scolarisé à Michelet, et ma soeur se trouvait juste à côté, car les garçons et filles étaient encore séparés. J’étais en 3e, elle en 4e. Au lycée Condorcet, les élèves n’allaient plus en cours. Ma soeur n’était pas contente, car nous continuions à aller en cours, et pas eux », se souvient Claude Duhoux, qui, presque du jour au lendemain, s’est mis à prendre part au mouvement.
L’arrêt des cours, avant une manifestation pacifique
« Un beau jour, d’une idée commune spontanée, on n’est pas entrés en classe, on est tous restés assis dans la cour. Ça a duré une après-midi. Dès le lendemain, les profs ne nous faisaient plus classe. On était dehors, on passait nos journées à attendre. Puis, quelque temps après, les élèves de Condorcet ont décidé d’aller manifester devant la mairie. On a décidé d’aller les rejoindre. On l’a proposé à nos profs, on voulait faire comme les autres, il n’y avait pas de connotations politiques pour nous. De toute façon, on n’avait pas cours. Nos profs ont tout de suite accepté. Ils ont voulu y aller pour nous encadrer. Christian Daubresse, un de mes profs, m’avait dit que c’était pour éviter les accidents », se remémore le Lensois, qui allait ainsi participer à sa première manifestation.
« On s’y est rendus en rang. On a manifesté, il n’y avait pas vraiment de slogans. À 16 h 30, on s’est tous dépêchés de rentrer pour pouvoir prendre nos bus. Mon père, ça ne lui plaisait pas qu’on manifeste en ville. Un week-end, on a appris qu’il y avait eu un mort à Paris. À partir de ce moment-là, mon père a décrété que c’était trop dangereux d’aller à l’école. Alors on restait à la maison, on jouait avec les copains dans la rue. » Pour Claude Duhoux, Mai 68 a finalement dans ses souvenirs comme un goût de « vacances ».
À l’usine Finalens, tout le monde était en grève
À l’époque, Bernard Duhoux (Laloux) était plus âgé que son frère de Claude Duhoux, aujourd’hui historien. Il travaillait chez Finalens, une usine chimique, filiale des houillères à Douvrin. Il se souvient avoir joué à la belote dans l’entreprise pendant Mai 68.
« L’usine, comme toutes celles de France, a dû s’arrêter de tourner autour du 20 mai, jusqu’au 4 juin. Je suis approximatif sur le début de la grève car j’étais en congés à partir du 18 mai. Je suis parti en vacances et, au retour, il n’y avait plus de train pour rentrer. On a donc dû trouver une solution dans la famille. Comme beaucoup d’autres, l’usine était occupée, il y avait une surveillance organisée par le personnel 24 h sur 24. Je me souviens d’avoir fait deux postes, après-midi et nuit. Des équipes de surveillance tournaient en permanence dans l’usine. Le reste du temps, c’était discussions et belotte. Nous étions nombreux à chaque prise de poste pour démontrer notre intérêt à la grève. Nous restions une demi-heure, puis on rentrait. »
Lorsque l’on quittait les classes maternelles pour aller ‘à la grande école’, on avait droit pour la première fois au porte-plume qu’il fallait tremper dans l’encrier de porcelaine placé dans un trou de notre bureau.
Ce n’est que quelques années plus tard que l’on pouvait enfin utiliser un stylo-plume. Pour la plus part d’entre nous, il avait été offert à l’occasion de notre communion. La bouteille d’encre ‘Watermann’ accompagnait le cadeau car nos stylos ne possédaient pas encore de cartouches !
Mais l’encre, ça fait des tâches sur le cahier et ça ne sèche pas immédiatement. Au début de l’année scolaire, le maître nous donnait parmi nos fournitures quelques feuilles de papier buvard. Il en fallait plusieurs car nos buvards devenaient vite souillés.
Alors, pour en avoir un peu plus ou pour faire jalouser les petits copains, certains apportaient en classe des buvards publicitaires. Il fallait faire attention parfois à ne pas se faire prendre à les utiliser car certains maîtres les interdisaient formellement. La punition était la confiscation et un mot pour les parents sur le cahier.
Mais bravons cette interdiction pour une fois et souvenons nous des buvards publicitaires des commerçants lensois.
Aujourd’hui lorsque je suis sur la place de la Gare (que je n’arrive toujours pas à appeler place du général De Gaule) à Lens, je ne peux m’empêcher de regarder ce qui reste de l’Apollo : une façade aux fenêtres murées, laide, délabrée, décrépie, triste avec derrière, un terrain vague dont il semble que l’on ne sait pas vraiment quoi faire. Alors, c’est avec nostalgie que je me replonge au tout début des années 70 lorsque le cinéma était la principale distraction dominicale des jeunes lensois que nous étions…
Un dimanche après-midi sur place de la gare de Lens. On arrive de partout, on se regroupe par bande, par amitié, par amour aussi. On discute, on rit, on fume comme des grands que nous pensons être.
Nous sommes devant le cinéma Apollo au tout début des années soixante-dix. Nos copains ne nous ont pas donné rendez-vous mais on savait qu’ils seraient là. Pas besoin de SMS, de mail pour se rejoindre, c’est l’habitude et surtout l’amitié qui nous réunit.
Chacun est venu de son coron : du 4, du 9, du 11, du 12, du 14 et même de Liévin ; parfois en bus, plus souvent à pied car en 1970, quand on a 18 ans et même un peu plus, il n’y a n’a pas de voiture dans notre monde.
Pour nous, l’Apollo c’est notre sortie du dimanche. Un autre cinéma vient d’ouvrir pas loin, rue de Paris, le Colisée. Mais nous, quand on dit ‘’on va au cinéma’’, c’est toujours à l’Apollo, c’est plus populaire. Quant au Cantin de la rue Emile Zola, on n’y pense même pas, ce n’était pas notre quartier.
La séance à l’Apollo va débuter vers dix-huit heures de manière à permettre à ceux qui sont allés ‘’au match’’ d’être à l’heure pour le début. Ce n’est pas loin, Bollaert, mais il y a du monde depuis que notre équipe du Racing est revenue parmi les grandes de deuxième division.
‘’Tout le monde est là ? Untel ne vient pas ? – Non, il travaille cet après-midi’’. Dans notre univers qui semblerait aujourd’hui surréaliste, tout le monde travaille à 18 ans et parfois même le dimanche.
Les études, le BAC, ce n’est pas pour nous, enfants des corons. Les plus chanceux ont eu le BEPC ; les autres sont au boulot depuis déjà plusieurs années. Mais pas à la mine, on n’embauche déjà plus depuis un certain temps. Pourtant, on n’imagine pas Lens sans le charbon bien que des bruits annoncent la fermeture prochaine de la fosse 1, la première construite par les Mines il y a près de 150 ans.
Mais aujourd’hui, ce n’est pas notre préoccupation : de toute manière, du boulot, il y en a partout. Le mot ‘chômage’ n’existe pas en 70 : il n’est pas rare de voir un garçon ou une fille quitter l’école le jour de ses 16 ans pour être au travail le lendemain. Pas besoin d’années de formation ou d’apprentissage, le boulot, il l’apprendra sur-place, dans la boite, avec les anciens.
Mais aujourd’hui, c’est dimanche et le dimanche, nous allons au cinéma.
Cette fois, tout le monde est arrivé. Les grilles s’ouvrent, on entre dans l’immense hall. L’un de nous est désigné, c’est son tour de faire la queue. Chacun lui donne un billet ou une pièce de 5 francs pour régler sa place. Quand il arrive devant la dame enfermée dans sa cage de verre, il peut saliver devant les plateaux de bonbons, cacahuètes et autres friandises présentés bien en évidence.
‘’Dix parterres, s’il vous plait Madame’’. Nous, on prenait des parterres, en bas de la salle pas loin de l’écran, les places les moins chères. D’autres groupes étaient plutôt ‘balcon’. Mais, nous, c’était toujours ‘parterre’. L’Apollo, à la fin des années 60, ce n’était qu’une salle, une grande salle de plus de 2500 places.
On s’installe pour la première partie, une ouvreuse nous a désigné nos places mais on savait déjà où aller : l’Apollo, on connait bien maintenant ! Actualités, court-métrage ou dessin animé et pour finir, les réclames de Jean Mineur avec ce petit bonhomme bien de chez nous qui n’arrivera donc jamais à lancer son pic dans le ‘1000’ de la cible. Encore un clin d’œil à la mine, cette mine présente chaque jour dans notre vie, dans notre quartier, dans nos familles ….
C’est l’entracte. C’est l’heure d’aller allumer une cigarette dans le hall et de profiter de ces friandises vues à la caisse. On choisit ce qui est le moins cher. Certains prennent un ‘ski’, un esquimau en français. Pour d’autres, ce sera le paquet de cacahuètes qu’ils dégusteront pendant le film sans penser aux dames qui demain, devront ramasser toutes les épluchures sous les sièges.
Puis ça recommence : le grand film. Une heure trente à regarder des images en couleur lancées sur l’immense écran par ce faisceau lumineux provenant du fond de la salle. ‘L’enfant sauvage’, ‘Borsalino’, ‘Les Choses de la Vie’, ‘le Boucher’, ‘le Mur de l’Atlantique’ ,’Le Clan des Siciliens’ ou ‘Hibernatus’. Gabin, Jean Yanne, Bourvil, De Funès, Montant, Annie Girardeau, Romy Schneider, Belmondo, Piccoli et j’en passe….
La salle est silencieuse mais parfois des énergumènes poussent des cris ou se chamaillent. Ça ne dure pas longtemps car ils sont rapidement rappelé à l’ordre pas ce monsieur qu’on ne voit pas arriver dans le noir. Son rôle est d’assurer la tranquillité des spectateurs et d’éviter les chahuts. Son attitude force le respect et personne n’osera jamais le provoquer. Le faisceau lumineux de sa lampe s’allume sur le fautif. Un seul regard, un seul mot de lui et le silence revient.
Vingt heures, le film est fini. On sort. Certains repartent à pied, d’autres prennent le bus juste en face. Ceux là croiseront ce brave homme, figure incontournable de la place de la Gare, et auront droit à un chouchou qu’il tirera à l’aide d’une pince de son panier en osier accroché au cou.
En groupe, bras dessus-dessous pour les couples, nous longeons la rue de la Paix puis traversons le Boulevard Basly que nous descendons vers le carrefour Bollaert.
La destination : l’arrêt obligatoire de toute l’équipe au n°118, au ‘Basly’ le café de Monsieur Pénin. Le petit café est toujours plein comme un œuf le dimanche soir.
Menthe à l’eau pour les filles ou même demi-pression comme pour les garçons. Dans l’atmosphère enfumée de nos paquets de Royales Menthol ou de Françaises, certains flirtent, d’autres se disputent des parties de baby-foot ou essayent de ne pas faire ‘tilt’ sur l’assourdissant flipper. Dans le brouhaha, on essaye de se faire entendre au son des tubes de Claude François, de Johnny, des Beatles ou de Polnareff que diffuse un juke-box qu’alimentent nos pièces de vingt centimes.
Puis tout le monde se sépare. Quelques uns achèteront un paquet de frites à la baraque près du carrefour Bollaert pendant que les autres rentreront directement chez eux ou raccompagneront leur copine ou leur fiancée. A pied bien sur ! Ces quelques kilomètres nocturnes les aideront à s’endormir avant de reprendre le boulot le lendemain, chacun de son côté.
Mais déjà ce soir, tous sauront que dimanche prochain, il se retrouveront tous ensemble vers dix-sept heures … devant l’Apollo.
C’était à Lens … au début des années soixante-dix.
En ce lundi 1er septembre 1958, c’est la rentrée des classes à Lens comme partout en France. Pour la première fois, après deux années passées à l’école maternelle du 14, je vais à la ‘grande école’. Je rentre à l’école du 12 qui ne s’appelle pas encore Jean Macé.
Ce matin, je me suis levé plus tôt que d’habitude. J’ai pris mon petit déjeuner sur la grande table de la cuisine, des tartines de beurre trempées dans du Banania. Ensuite, je me suis habillé. Mes vêtements étaient prêts sur une chaise : ma chemisette, mon pull-over, ma culotte courte et mes grandes chaussettes. Puis j’ai enfilé pour la première fois ma blouse. La blouse était obligatoire à l’école primaire, symbole d’une égalité entre tous les enfants des corons.
Enfin voici l’heure tant crainte, l’heure de partir à l’école, l’heure de changer de vie, l’heure de prendre à la main ma ‘carnasse’, cette sacoche encore presque vide ce matin et qui va m’accompagner chaque jour jusqu’en juillet prochain.
Ma carnasse est légère mais ce soir, elle sera alourdie d’une ardoise avec son éponge et ses craies, de cahiers, des livres de lecture et de calcul, d’un plumier comprenant des crayons de bois, une gomme et l’indispensable porte-plume qui, plongé dans l’encrier en porcelaine du bureau, nous fera dessiner les pleins et les déliés sur notre cahier à grandes lignes.
Ce soir, il y aura du travail à la maison pour mes grandes sœurs : couvrir les nouveaux livres, mettre les protège-cahiers, couper les buvards et coller partout ces étiquettes sur lesquelles est inscrit en script : ‘Claude DUHOUX, CP, école de la fosse 12’.
Ce matin, pour la première et unique fois, ma mère m’accompagne pour me faire voir :
… La route, celle qui sera obligatoire : la rue Fermat, la rue des Saules puis la rue des Marronniers, tout autre itinéraire est formellement interdit et jamais nous ne penserons à braver cette interdiction.
… L’école des garçons : l’entrée se trouve sur le Grand Chemin de Loos. Il faut être là tôt, avant l’ouverture de la grande grille par le directeur à 8h20. ‘’Donc t’as pas intérêt à traîner en route si tu ne veux pas être puni !’’ me met en garde ma mère. Chaque jour, à 8h30 précises, la cloche sonnera l’heure de se ranger devant la porte de la classe. Tant pis pour ceux qui seront en retard, ils devront passer par le bureau du directeur avant de rejoindre leur classe.
Ma mère reste avec moi dans la cour jusqu’à ce qu’on nous demande de nous aligner deux par deux … puis elle s’en va. Le reste n’est plus son problème : ça se passe entre l’instituteur et nous, entre l’autorité et l’enfant ; l’autorité du maître que jamais les parents de l’époque ne remettaient en cause.
Je reste seul. Non, pas seul ! Nous sommes une trentaine de gamins du même âge alignés les uns derrière les autres … tous aussi intimidés. J’en reconnais quelques uns qui étaient avec moi en maternelle. Mais ici, c’est plus grand, on est plus nombreux et il y a des grands à qui on n’osera même pas parler sauf pour ceux qui ont la chance d’avoir un grand frère.
Pourtant un grand, il y en a un dans notre rangée. Il est un peu bizarre. Je le connais, il habite dans ma rue, la dernière maison avant le cimetière. Il restera assis au fond dans la classe toute l’année. Pour lui, on a installé un bureau plus grand que le notre. Aujourd’hui, on dirait qu’il est handicapé mental. A l’époque, on disait : ‘’Il n’a pas toute sa tête’’ ou ‘’Il n’est pas normal’’. Jamais il n’arrivera à lire ou à écrire. Il restera en CP jusqu’à ses 14 ans, jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire. Après ….. C’est ainsi que l’on traitait le handicap en 1958 ….
Celui qu’on n’appelle pas encore entre nous ‘ch’maît’ arrive. Il est vieux mais gentil. Il s’appelle Monsieur Legrand. Vêtu de sa blouse grise serrée par une ceinture, les grosses lunettes noires sur le nez, il porte sur la tête un béret incliné sur un côté. On ne le verra jamais dans la cour sans son béret quelque soit le temps.
Comme il habite sur le parvis derrière l’église du 12, nous, ses élèves, ferons souvent un bout de chemin avec lui à la sortie des classes. Lui, ça l’amusera certainement de voir ces gamins qu’il aime tant lui proposer de porter son cartable, sa carnasse ! Nous, ça nous rendra fier de l’accompagner.
Monsieur Legrand a une jambe plus courte que l’autre. Personne ne sait ni ne saura pourquoi. Pour compenser et éviter de boiter trop, il longe toujours le bord des trottoirs, un pied sur celui-ci, l’autre dans le caniveau !
C’est l’heure ! Le maître nous fait entrer. C’est avec appréhension que nous prenons possession de notre classe. Quel changement par rapport à l’école maternelle : finies les grandes tables de huit et les petites chaises à accoudoirs. Là, des bureaux en bois à deux places parfaitement cirés, alignés en trois rangées de part et d’autre du poêle à charbon font face à l’estrade où est perché le bureau du maître. Derrière sa chaise, un grand tableau noir et une carte de France. Cette carte de France où figurent les 90 départements et leurs chefs-lieux que nous saurons réciter par cœur dans quelques années ainsi que les fleuves et leurs affluents, les montagnes avec le point culminant du pays, le Mont Blanc dont on apprendra qu’il est haut de 4810 mètres.
On ne s’assoit pas où on veut. Le maître nous appelle par ordre alphabétique et nous désigne notre place. On pose sa carnasse le long au pied du bureau, on s’assoit et on croise les bras.
Première règle : pour parler en classe, il faudra lever le doigt et attendre que le maître nous y autorise. Et le maitre, on l’appellera toujours ‘Monsieur’ en le vouvoyant. En 1958, il est hors de question d’appeler l’instituteur par son prénom et de le tutoyer. On n’appelle pas ça du respect ou du savoir-vivre : c’est comme ça, c’est tout.
Cette fois, c’est parti pour une année ! Année au cours de laquelle, chaque jour de la semaine sauf les jeudis et dimanches, nous allons apprendre à lire, à compter mais aussi à vivre ensemble dans le respect les uns des autres.
Chaque matin, au début de la classe, il y aura la leçon de morale que nous copierons sur notre ‘cahier du jour’. La phrase quotidienne qui nous apprendra comment nous comporter en ce monde restera inscrite à la craie au tableau jusqu’à la fin de la journée juste sous la date : En CP, c’est par exemple : ‘’Je prendrai soin de mes affaires’’, ‘’J’écouterai toujours le maître’’, ‘’Je serai un élève attentif’’ ….
La récompense du travail bien fait : un petit bout de carton de couleur que l’on appelle un ‘bon-point’ ; et au bout de dix bons-points, une image ! Quelle fierté d’en avoir une de plus que son voisin. Mais il faut aussi faire attention au ‘classement’. Si sur la double page cartonnée qu’il ramènera à la maison chaque mois, les notes et les appréciations du maître et du directeur seront bonnes, l’élève aura droit au billet d’honneur pour sa bonne conduite et son application au travail.
Mais pour mériter cela, il faudra bien travailler. ‘’Pour avoir un beau métier’’ nous disait-on. ‘‘Pour ne pas être mineur’’ nous précisait-on. Pour bien travailler, certains iront ‘à l’étude’. L’étude, c’est une heure supplémentaire le soir, quatre jours par semaine. Là, contre une minime participation financière, le maître nous conseillera pour faire nos devoirs sur le ‘cahier du soir’.
Les après-midi seront longs pour ceux qui iront ‘à l’étude’ ! Alors, ils emmèneront leur goûter, le plus souvent, une tartine de confiture et un fruit. Mon goûter, je le transportais dans une mallette, un petit sac de toile bleue qu’avait cousu ma mère.
Mais aujourd’hui, c’est la rentrée ! Tout le reste, on l’apprendra au fur et à mesure. Au fur et à mesure que nos maîtres feront des enfants que nous sommes des adolescents. Dans cinq ans, certains iront en sixième au collège ou au lycée, d’autres resteront jusqu’à leurs 14 ans, jusqu’au certificat d’étude. Parmi ces derniers, beaucoup rejoindrons le centre de formation des galibots des mines de Lens.
Voilà donc comment se passait la rentrée des classes à l’école primaire de la fosse 12, à Lens, en 1958.