Georges CARPENTIER, le plus lensois des liévinois
Avant de commencer ce texte, un merci tout particulier à Madame Patricia Noal du service des archives de Vaires-sur-Marne pour tout le temps qu'elle a passé à faire des recherches pour répondre à ms questions.
Georges Benoit Carpentier naît à Liévin le 12 janvier 1894 au n°213 des corons de la fosse 3 de la Compagnie des Mines dans laquelle travaille son père Benoit. Sa mère, Angelina née Lepot 34 ans, reste à la maison pour s’occuper des enfants.
Benoit et Angélina se sont mariés le 27 septembre 1884 à Croisilles, un petit village de l'Arrageois où ils sont nés et ont vécu leur jeunesse. A la fin du XIXe siècle, Benoit, journalier dans les fermes, apprenant que les compagnies minières cherchent du personnel, emmène sa famille à Liévin.
Mais malade, Benoit Carpentier ne peut pas rester mineur. Quelques mois après la naissance de Georges, son troisième enfant, il trouve un emploi de manœuvre dans la brasserie de Paul Sauvage puis de graisseur dans l'entreprise de construction d'Emile Kainscop, rue Thiers à Lens.
La famille habite alors rue Querquemanne (ancien nom de la rue Eugène Bar). Georges est appelé, comme beaucoup d'enfants d'ouvrier à l'époque à devenir mineur. Albert, son frère aîné, est déjà embauché aux Mines de Béthune. Georges a aussi deux sœurs : Blanche, née le 26 mars 1888 à Croisilles et Suzanne, la cadette, née en 1896 à Lens.
Sportif mais de frêle morphologie, Georges fréquente dès l'âge de neuf ans la salle de sports dirigée par François Descamps, directeur de la société de gymnastique 'La Régénatrice' où l'on pratique également la boxe française. Cet homme est un grand sportif. Tout jeune, il avait fait partie de la Société des Compatriotes d'Houplines, son village natal avant de s'engager à 18 ans pour rejoindre le Bataillon de Joinville où il reçut le diplôme de moniteur de sport en 1893.
Désirant devenir professeur de sport, il arrive à Lens et ouvre cette salle de sports rue Querquemanne. De nombreux gamins viennent y exercer la gymnastique, activité très en vogue à l'époque. Descamps raconte : '"Il est évident que les leçons de boxe n'étaient pas à l'usage des tout petits. Mais quand ceux-ci avaient le feu sacré, ils ne se privaient pas de boxer hors de ma présence. Et parmi les plus acharnés à ce jeu, il en était un, Georges. Il remportait d'ailleurs sur ses camarades du même age, de tels succès qu'il fallait mieux le distraire de cette société et lui faire exercer ses talents devant de jeunes gens moins fragiles".
Descamps prend alors le jeune Georges sous sa coupe. Leur collaboration durera jusqu’à la fin de la carrière du champion. "Jamais nous n’avons signé de contrat ensemble, tout n’était que paroles et ni l’un ni l’autre n’avons manqué à la notre", dira Georges Carpentier.
Descamps découvre que le gamin peut faire une brillante carrière dans la boxe. En 1905 le jeune Georges commence à s'entraîner à la boxe française (appelée aussi savate car les coups peuvent être portés autant pas les pieds que par les mains). Après quelques séances, l’entraîneur demande aux parents Carpentier la permission de garder Georges avec lui en permanence. Selon Alfred Bucquet (Lens, son passé, ses houillères), le gamin a trouvé, en attendant d'avoir l'âge de descendre à la mine, un emploi de 'saute-ruisseau' (coursier) chez un notaire de Lens.
L'entraîneur et manager organise des réunions de boxe d'abord à Lens puis dans toute la région. Dès le 4 décembre 1906, il fait disputer à son jeune poulain son premier combat officiel contre le Caporal Legrand, instructeur d'escrime. L'homme pèse 71 kilos contre 35 à Carpentier mais est battu !
L'année suivante, Georges Carpentier devient Champion du Pas-de-Calais à Béthune puis Champion du Monde de boxe française à l'âge de 14 ans. Descamps estime que son poulain est maintenant prêt pour une carrière de boxeur.
Il en discute avec les parents du jeune prodige chez lesquels il est d'ailleurs locataire. Un accord est trouvé, Georges abandonne son emploi pour s'entraîner à plein temps. 'Je pus continuer mon entraînement parce que mon professeur consentit à verser à mes parents, qui étaient pauvres, le fabuleux salaire d'apprenti mineur : vingt sous par jour" avouera t-il plus tard. "Le père Carpentier, ce déraciné de la mine ne pouvait pas comprendre qu'à Lens on puisse vivre en donnant des coups de poings, ajoute François Descamps dans un interview à La Vie Sportive en juin 1913. Ici, tout le monde gagne sa vie en allant à la fosse, le gamin devait être galibot... Enfin, on trouva un compromis : pendant six mois, je garantissais de verser aux parents de Georges le salaire d'un galibot... Ces six mois furent tellement bien employés que le père Carpentier ne parla plus d'envoyer son fils à la fosse". Pour arrondir ses fins de mois, Descamps participe à des spectacles locaux dans lesquels il présente avec son poulain des numéros d'acrobatie et ... d'hypnotisme.
A cette époque, la boxe française n'est qu'un sport confidentiel. La 'vraie' boxe, celle dont on parle beaucoup en ce début de siècle, c'est la boxe anglaise, celle que l'on dispute uniquement avec ses poings. François Descamps, prévoyant un avenir prometteur dans cette discipline pour son poulain, le dirige dans cette direction. Et en plus de s'occuper des autres, il devient lui-même boxeur professionnel.
En 1908, c'est surtout dans les environs de Lens que se produit Georges Carpentier. Ainsi, le 18 avril, le Cercle de boxe Lensois organise une soirée où le combat principal oppose le jeune lensois à Emile Wetinck, le champion du Nord.
L'hebdomadaire de l'époque 'L'Action Syndicale', journal du Jeune Syndicat extrémiste de Benoit Broutchoux, nous apprend que Carpentier, bien que champion de France et du Monde de boxe française n'a jamais été honoré par Emile Basly et la ville de Lens, tout au moins avant la première guerre. Selon un journaliste, c'est parce que 'le camarade Descamps' comme il l'appelle, n'a jamais caché son soutien aux anarchistes opposés au Maire de Lens. Descamps organise d'ailleurs plusieurs galas pugilistiques à la Maison du Peuple, rue de Paris, siège du Jeune Syndicat.
Le 1er novembre 1908, une occasion se présente à Georges Carpentier de disputer son premier combat professionnel. Un jockey britannique nommé Edouard Salmon, doué pour la boxe, lance un défi à tous les boxeurs français de moins de 45 kilos. Descamps saisi l'occasion pour son boxeur. C'est la première fois que Carpentier dispute un combat pour de l'argent. M. Lawrence, l'organisateur et entraîneur hippique, lui signe un contrat de 150 francs.
C'est dans la salle du Café de Paris, sur l'avenue Longueuil de Maisons-Lafitte que le lensois donne ses premiers coups de poings de boxeur professionnel. Il est déclaré vainqueur par disqualification de Salmon pour coup non autorisé. Le lendemain, dans un article du journal 'les Sports' on peut lire : "Carpentier a conquis ses galons de grand sportif car, en vérité, c'est un grand pugiliste que ce petit bout d'homme de 15 ans... D'ici quelques années, Carpentier sera, cela est indiscutable, un champion, un vrai champion qui, à son poids, pourra se mesurer avec n'importe quel boxeur du monde".
En ce début de siècle, les combats peuvent durer vingt rounds de trois minutes et il arrive fréquemment qu'un boxeur dispute deux combats lors de la même soirée afin d'avoir un cachet un peu plus important. François Descamps cite un gala organisé en rencontres de vingt rounds dans lequel lui est Carpentier sont à l'affiche, l'organisateur leur propose 150 francs pour les deux. Une fois retiré les frais de déplacement (par le train en troisième classe) et d'hébergement, il ne leur reste que 30 francs chacun.
La carrière professionnelle de Carpentier continue cependant par deux défaites, l'une lors de la revanche contre Edouard Salmon et l'autre contre un certain Gloria qui le met KO au septième round. Ce sera le dernier KO de Carpentier avant un certain 2 juillet 1921 à Jersey aux Etats Unis.
Dès lors, les victoires s’enchaînent. Le 15 octobre 1909, Georges Carpentier rencontre pour le titre de Champion de France des poids coq le redoutable Paul Thil. Après quinze rounds, les deux boxeurs se séparent sur un match nul qui ne satisfait pas Carpentier puisque le règlement fait que cette décision permet au champion tenant de conserver son titre. Carpentier demande un second combat. Deux mois plus tard, Carpentier envoie Thil au tapis au septième round et devient, à 15 ans, Champion de France professionnel.
En 1910, il boxe à Croisilles, le village de ses parents, contre un adversaire anglais dans la salle du café Godart, situé sur la place du village,
Les titres s'accumulent : à 17 ans, il est Champion de France des poids welter en battant Marcel Moreau puis devient le premier français Champion d'Europe le 23 octobre 1911 en pulvérisant la star anglaise Joseph Young.
C'est le moment où François Descamps et Georges Carpentier quittent Lens pour s’installer à Paris. Il commence à côtoyer les vedettes du monde du spectacle comme Tristan Bernard qui deviendra un ami.
Celui que l'on surnomma 'le galibot de Lens' (bien qu'il n'ait jamais mis les pieds dans une mine) est devenu un 'gentleman'.
Il s'attaque à plus en plus fort. En 1912, il bat l'ancien champion du monde américain Harry Lewis puis le 1er juin 1913, à Gand devant 50000 personnes, il est opposé au géant britannique Billy Wells, surnommé le Bombardier. Carpentier le bat et devient Champion d'Europe des poids lourds. Le britannique veut une revanche à Londres. Mal lui en prend car il est mis KO dès la première reprise.
La boxe fait rapidement de Carpentier (et de son manager) des hommes riches. Si en 1909, ses gains sont de 900 francs puis de 2300 francs en 1910, ils atteignent 22 000 francs en 1911 et bondissent à 180 000 francs en 1912. Carpentier avoue lui même à l'aube de la première guerre posséder plus de 350 000 francs sur son compte bancaire. Mais le garçon reste simple d'après son entourage. Sa fortune naissante lui permet de faire sortir ses parents de la misère : il leur achète un café sur la Place de la République, le bar des Sports.
C'est sa rapide célébrité et sa popularité qui font qu'en 1913, on tourne à Lens un film muet sur sa vie, 'Le Roman de Georges Carpentier' avec comme figurants des mineurs de la fosse 4 heureux de revoir le boxeur dans la ville de sa jeunesse. Il n'a pas encore vingt ans qu'il compte 73 combats professionnels et 67 victoires.
Tous les organisateurs veulent Carpentier quelle que soit la manière de le faire venir. Ainsi, le vendredi 31 octobre 1913, il rencontre à Genève, le champion écossais Jim Lancaster qu'il bat par KO au troisième round. Cette victoire trop facile contre un adversaire annoncé très redoutable conduit des journalistes à enquêter sur ce Lancaster. Et le résultat est surprenant : Jim Lancaster n'a jamais existé ! L'organisateur du combat qui voulait absolument Carpentier a fait signer à Descamps un contrat où il est spécifié que le lensois rencontrera 'le boxeur de la catégorie des poids mi-lours qui lui sera présenté'. Et c'est en réalité un entraîneur de boxe parisien Max Abbat qui s'était fait passé pour un champion écossais virtuel ! Descamps savait-il ? On ne le prouva jamais et ni lui, ni Carpentier ne furent sanctionnés dans cette affaire.
La carrière du lensois semble toute tracée lorsque survient la première guerre mondiale. Georges Carpentier est 'engagé volontaire pour la durée de la guerre' le 8 août 1914. Il effectue son service au centre de Saint-Cyr, dans le 1er groupe d’aviation sous numéro matricule n° 2211.
Breveté pilote le 24 mai 1915, il est nommé caporal le 10 juin 1915 puis sergent le 16 juillet 1915. Là aussi, il prouve sa bravoure en participant notamment à la bataille du fort de Douaumont à Verdun en 1916 aux commandes d'un appareil de liaison et de bombardement. Il est décoré de la Médaille militaire et de la Croix de Guerre avec cette mention : "S’est particulièrement distingué pendant l’attaque du 26 octobre 1916 en survolant les lignes à une très faible altitude pendant près de 4 heures malgré les conditions atmosphériques très défavorables". Blessé, il passe de nombreux mois dans les hôpitaux avant d'être affecté comme moniteur au bataillon de Joinville.
Pendant ce temps, Lens est sous le feu des bombardements. La ville est sur la ligne de front et les dégâts sont considérables. En 1917, les derniers habitants sont évacués. Beaucoup, comme le maire Emile Basly, prennent le chemin de la Belgique. La famille de Georges Carpentier au complet se rapproche du fils qui est alors à Joinville-le-Pont dans ce qu'on appelle alors le bataillon de l'Air et s'installe à 20 km de là, à Vaires-sur-Marne. Albert Carpentier y ouvrira un grand complexe sportif.
A la fin du conflit, habitant Paris au 35 rue de Brunel (17e), Carpentier reprend les compétitions sportives. On le retrouve à Paris dans une équipe de .... rugby ! Il dispute le championnat universitaire pendant une saison au sein du Sporting Club Universitaire de France mais revient rapidement à la boxe.
Le 4 décembre 1919, il bat Joe Beckett au Holborn Stadium de Londres, KO en 74 secondes, pour conserver son titre européen des lourds. Cette année là, l'Académie des Sports lui remet le prix Henry Deutch.
Le Tout-Paris de l'après-guerre idolâtre ce jeune boxeur de 25 ans. Tous veulent être vus avec lui : Mistinguett, Raimu, Tristan Bernard, Maurice Chevalier (avec qui il avait croisé les gants quelques années plus tôt). Est ce toujours pour ses qualités de boxeur ? Rien n'est moins sur.
Le 8 mars 1920, Georges Carpentier épouse Georgette Elsasser, une jeune hollandaise, à la mairie du 8ème arrondissement de Paris. Ses témoins sont F. Descamps et l'humoriste Tristan Bernard. Une foule considérable attend les jeunes mariés à la sortie de l'hôtel de ville. De cette union naîtra une fille, Jacqueline le 21 décembre 1920.
Pour leur voyage de noces, les époux partent aux USA où on leur fait un accueil enthousiaste. Carpentier y fait une tournée d'exhibitions très rémunératrice. Les Américains adorent celui qu'ils surnomment 'l'homme à orchidée' en raison des fleurs qu'il porte toujours au revers de sa veste. Descamps a signé un contrat cinématographique : son boxeur participe au tournage d'une série "The Wonder Man". Il tourne dans huit épisodes. Descamps fait une apparition dans l'un d'entre-eux.
Mais le lensois est là aussi pour signer le contrat relevant le défi qui lui est lancé par Battling Levinski, titre mondial des mi-lourds en jeu. Un bref retour en France du 10 juillet au début septembre lui permet de prendre quelques jours de repos dans sa maison de Dieppe.
Le 12 octobre 1920, au Bowl Park de Jersey City, Barney Lebrowitz dit 'Battling Levinsky', tenant du titre des mi-lourds depuis quatre ans, n'a été mis KO qu'une seule fois en 232 combats... par le redoutable Jack Dempsey.
Au 4e round du combat l'opposant à Carpentier, celui-ci lui assène une terrible série de coups et le met à son tour KO. Ce titre fait de lui le premier français champion du monde de boxe anglaise.
Le 5 novembre 1920, avant d’embarquer sur le bateau du retour, il signe au Claridge Hôtel de New York le contrat pour le 'match du siècle' qui doit l’opposer l'année suivante à Jack Dempsey. Le promoteur Tex Rickard, organisateur du combat, fixe ce choc au 2 juillet 1921 à New Jersey City.
Après une préparation rigoureuse, le 20 mai 1921, Carpentier et sa 'suite' embarquent au Havre sur le transatlantique Savoie. Le Français, qui a laissé Georgette et sa petite fille à Paris, n’a en tête qu’un objectif: mettre KO celui qui est surnommé 'le colosse de Manassa'.
Pour ce combat, Dempsey a reçu 300 000 dollars et Carpentier 200 000. Et ce 2 juillet 1921, 80 183 spectateurs payants laissent aux guichets une recette de près de 1,8 millions de dollars !
Au deuxième round, Carpentier, d'un coup au visage, fait vaciller Dempsey. mais il se casse le pouce en frappant. Ne pouvant résister ainsi à l'américain, le français est mis KO au quatrième round.
De retour en France, le lensois est accueilli en héros. Après un repos bien mérité, il remonte sur le ring pour enchaîner plusieurs victoires à Londres. Mais il veut aussi profiter de sa nouvelle renommée en menant grand train et s’entraîne de moins en moins.
On le rappelle dans les studios de cinéma pour jouer dans le film "The Gypsy Cavalier" de Stuart Blackton avec Mary Clare.
Le 24 septembre 1922, devant 40 000 personnes au stade Buffalo de Montrouge il combat contre un Sénégalais, Louis Mbarick Fall dit Battling Siki, un boxeur largement à sa portée dans le but de conserver facilement son titre mondial des mi-lourds. Le match est arrangé: Siki doit laisser la victoire à un Carpentier hors de forme. Mais la fierté de l'Africain l'empêche t-elle d’obéir ? Dès le quatrième round, il frappe violemment son adversaire. A la sixième reprise, Carpentier vacille et s’écroule, sans forces. Surpris, dans un premier temps, l’arbitre disqualifie le boxeur sénégalais pour coup illicite mais devant la broncha des spectateurs, les juges, après de longs conciliabules annoncent que Battling Siki est déclaré vainqueur par KO et devient ainsi le premier champion du monde africain de boxe.
En 1923, Carpentier gagne quelques combats. Au lendemain d'un gala à Lille, il est de passage à Lens pour les fêtes de Sainte Barbe.
Lens où il revient le 13 avril 1924 avec François Descamps. Il participe à un match-exhibition à la Maison Syndicale lors des fêtes dont la recette ira à la construction du monument aux Morts. Puis il repart aux USA l'été suivant où il est battu, le 24 juillet 1924, par Gene Tunney, en 15 rounds.
Celui que l'on n'ose pas encore appeler 'l'ancien champion' s'éloigne peu à peu des rings, il ne dispute aucune rencontre en 1925. En 1926, il retourne aux USA pour de qui sera la tournée d’adieu d’un boxeur en fin de carrière.
Sa dernière rencontre a lieu le 15 septembre 1926 et se termine par une victoire par KO au troisième round contre Rocco Stramaglia. Georges Carpentier compte alors 109 combats, dont 88 victoires, 5 nuls, 15 défaites et une non-décision.
Fini les rings, Carpentier trouve vite une reconversion qui lui va bien : le show-business. Il habite maintenant dans le 16ème arrondissement de Paris au 55 rue Pergolèse. En 1927, il participe à une revue avec 300 artistes sur la scène du Palace "Très femme, très sport". Celui qui aurait du devenir galibot repart en tournée dans toute l’Europe puis à Hollywood où il s'affiche avec les stars de l'époque. Il tourne trois nouveaux films en 1928 dont 'Toboggan', une comédie-dramatique sur l'histoire d'un champion déchu et vieillissant.
Mais Carpentier a joué beaucoup d'argent en bourse. Il est quasiment ruiné par le crash de Wall Street en octobre 1929. Il a aussi investi dans une entreprise de fabrication de batterie de cuisine 'Paris-Aluminim' Boulevard du Temple à Paris qui a fait rapidement faillite.
En 1933, il revient de nouveau d'Amérique pour assister à la mort de son frère Albert à Vaires sur Marne, Celui ci est, selon 'la Culture Physique, journal référence de l'époque, d'un "surentraînement" (voir plus bas).
Janvier 1934, Georges Carpentier envisage, selon le journal 'La Boxe dans le Nord' de remonter sur le ring. Il se rend chez François Descamps et reprend l'entraînement. Mais quelques jours plus tard, le 25 février, son mentor et ami décède d'une congestion en assistant à une rencontre de football du club de la Guerche dont il était le Président. Cette mort anéantira tout espoir de revoir un jour Carpentier enfiler les gants.
Il dépense ses dernières économies dans l’achat d'un bar à cocktails à Paris, rue du Presbourg, qu'il appelle simplement 'Chez Georges Carpentier' et qu’il inaugure le 15 mars 1935.
Sa popularité est toujours aussi grande, il est l'invité dans de nombreuses manifestations, sportives ou artistiques. On le voit dans toutes les grandes soirées parisiennes où il se présente avec les stars de l'époque celui qui est devenu son ami, Georges Dempsey.
Durant la seconde guerre, Georges Carpentier est de nouveau mobilisé à l'aéroport militaire du Bourget le 15 mai 1939 puis est muté dès le 29 septembre au Bataillon de Joinville, au poste de moniteur-chef d’éducation physique. Il est démobilisé le 25 juin 1940.
Le 7 septembre 1948, il est nommé ambassadeur du sport français à l’étranger et publie en octobre 1954 "Mon match avec la vie" chez Flamarion.
Le 25 octobre 1955, son divorce d'avec Georgette Elsasser est prononcé par le Tribunal Civil de la Seine. Le 23 février 1956 à la mairie du 16ème arrondissement de Paris il se remarie avec une directrice de maison de couture Brigitte Massis (dont le véritable prénom est Huguette) de 30 ans sa cadette.
Georges Carpentier est devenu l'incontournable invité des grandes occasions parisiennes. Le 27 octobre 1957, il participe à la première de '36 Chandelles', l'émis-sion télévisée de Jean Nohain. En 1958, toujours à la télévision, il interprète en duo avec Maurice Chevalier 'Le p'tit Quinquin'. Retour dans les studios en 1964 pour participer au tournage de "La chance et l’amour" de Claude Berri toujours avec son ami Maurice Chevalier.Il est élu en janvier 1965 président d’honneur du comité national de boxe française et sera fait officier de la Légion d’honneur le 30 mars 1972.
Mais il n'oublie par pour autant sa région et ses origines. En avril 1963, il participe à une cérémonie organisée par la mairie de Lens à l'occasion du cente-naire de l'une de ses tantes. Une autre fois, on le rencontre au Stade Bollaert où, en compagnie de MM. Schaffner, Maire de Lens et Michaux, Directeur du groupe Lens-Liévin des HBNPC, il assiste à une rencontre de football. Madame Ginette Haÿ, dans le dossier de Gauheria 'Lens en cartes postales anciennes' nous apprend que peu avant son décès, le 25 mai 1975, Georges Carpentier était encore à Liévin pour donner le départ d'un marathon.
Lors de ses nombreux séjours à Deauville, il assiste aux entraîne-ments de sa fille Jacqueline qui sera une joueuse de golf de niveau national.
C'est chez elle, dans le 17ème arrondissement de Paris que le lundi 28 octobre 1975 Georges Carpentier succombe d'un infarctus à l'âge de 81 ans. Une foule nombreuse de célébrités et d'anonymes assiste à la cérémonie funèbre en l’église de la Madeleine à Paris. Selon sa volonté, Georges Carpentier est inhumé au cimetière de Vaires-sur-Marne dans le caveau familial.
La ville de Lens a honoré le souvenir de Georges Carpentier en donnant son nom à un stade situé dans la cité minière de la fosse 9.
A Liévin, c'est une salle polyvalente rue Ampère qui porte son nom. Dans cette salle, un autre ancien champion de boxe liévinois Guy Caudron entraîne de jeunes gens (et de jeunes filles) au 'noble art' au sein du Boxing Club.
A Paris, Boulevard Massena (XIIIe Arrondissement), une des plus grande salle polyvalente de sport porte le nom de 'halle Georges Carpentier'. Pouvant accueillir plus de 4000 spectateurs, elle est utilisée à la fois pour des compétitions sportives internationales et par les scolaires du quartier. Elle possède dans son hall d'entrée une statue du célèbre boxeur.
Dans son livre 'Mes 80 rounds' (Editions Orban) paru en 1976, Georges Carpentier avait écrit : "Je n'ai pas à me plaindre, ni de la vie, ni de ma vie. Elle aura été magnifique de bout en bout avec ses hauts et ses bas, ses joies et ses tristesses... Je peux partir sans avoir rien à me reprocher, sans avoir rien à regretter".
Georges Carpentier fut, c'est certain, le boxeur français du 20ème siècle le plus célèbre dans le monde .
Albert Carpentier, le grand frère aux multiples idées
Albert Nicolas Auguste Carpentier est né à Croisilles le 2 janvier 1887. Après un passage à Liévin, il suit ses parents lorsqu'ils déménagent pour Lens en 1896.
Il est alors employé comme ouvrier du jour aux Mines de Béthune et s'entraîne, comme son jeune frère, à la boxe dans la salle de François Descamps, rue Eugène Bar.
Il tente également une carrière professionnelle. On le retrouve souvent à l'affiche des soirées organisées par Descamps. Il lui arrive parfois de disputer des matches-exhibition contre son jeune frère comme à Dunkerque le 2 août 1913.
N'ayant pas le talent de son cadet, il abandonne rapidement la carrière de boxeur mais reste dans le milieu sportif en devenant à la fois professeur d'éducation physique, manager, arbitre et organisateur de combats.
Il ouvre de nombreuses salles de spectacles sportifs appelées 'Wonderland' dans le Nord (Lens, Béthune, Lille, Roubaix …) et devient une figure incontournable de la boxe dans la région.
En 1917, la ville de Lens, située sur la ligne de front de la Première Guerre, est totalement évacuée. La famille Carpentier, le père, la mère, Albert et ses deux sœurs, se rapproche de Georges qui est alors au Bataillon de l'Air à Joinville-le-Pont et s’installe à une vingtaine de kilomètres de là, à Vaires-sur-Marne.
Albert sillonne la France pour appliquer ses idées 'révolutionnaires' sur le sport. Professeur d'éducation physique, il enseigne à Paris, à l'école militaire de Saint-Cyr, à Evian, à Dinard, à Biarritz …. Très exigeant, il exige de tous ses élèves le dépassement de soi, les records, les meilleures performances. Dans le même temps, il écrit des articles dans les journaux sportifs dans lesquels il vante ses propres méthodes souvent décriées par la majorité des adeptes du culturisme. Pour lui, tous les jeunes qui veulent faire du sport doivent commencer par de la culture physique, seul moyen de préparer son corps aux difficultés d'un sport de compétition.
Adepte du sport total ''nu et en plein air'' par tous les temps, il écrit en 1923 que ''Les femmes ne sont pas faites pour les exercices de force et de résistance.'' avant de continuer : ''S'il y a des femmes qui accomplissent des performances supérieures à la moyenne des hommes, c'est que ce ne sont pas des femmes !''. Il ajoute par ailleurs qu'il est 'ridicule' pour un homme de plus de 70 ans de faire de la course à pied. (Source ''Vaires-Sur-Marne de 1914 à 1939'' par le Club d'Histoire du Collège René Gosciny aux Editions Amatteis en 1987).
Il se permet aussi de traiter les dirigeants culturistes de l’époque de charlatans.
Au milieu des années 20, il achète une salle de sports à Paris près de la gare de l'Est et faire construire un grand complexe muti-sports à Vaires-sur-Marne, au 56 Boulevard de Lorraine avec un terrain de tennis et une école d'éducation physique destinées aux adultes des deux sexes et aux enfants qui est inaugurée le 9 mai 1926.
Mais est ce pour avoir adopter pour lui-même ces principes extrêmes qu'il tombe malade au début des années 30 ? Certaines journaux l'affirment comme 'La Culture Physique', journal référant en la matière de l'époque : ''Le frère du boxeur est mort, victime du surentraînement, le 31 mars (1933) à 46 ans. Aujourd'hui, le Docteur Rouhet (dont Albert Carpentier avait souvent critiqué les méthodes) est un octogénaire vigoureux et en parfaite santé et l'athlète Carpentier disparaît à la fleur de l'âge''.
Albert est inhumé dans le tombeau familial du vieux cimetière de Vaires-sur-Marne où il est décédé.
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