Depuis le début de l’année 1925, de nombreux vols sont commis à Lens et dans la région. Simples chapardages au départ, ces délits ont pris des proportions plus importantes par la suite avec effractions et menaces à l’aide d’armes à feu.
À Lens, dans la nuit du 4 au 5 avril 1926, les gendarmes De Grave et Chevalier se rendent chez des ouvriers-mineurs de la fosse 12 qui viennent d’être victimes de ces vols à mains armés par trois hommes cagoulés.
Au croisement du Grand Chemin de Loos et de la rue François Coppée, ils aperçoivent deux individus suspects chaussés d’espadrilles et coiffés de bonnets. Les gendarmes les somment de s’arrêter et de décliner leur identité.
Feignant ne pas comprendre, les deux hommes semblent vouloir s’éloigner. Lorsque les représentants de la marée-chaussée tentent de les suivre, ils sont victimes de tirs nourris auxquels ils ripostent.
Dans cet échange de coups de feu, seul le gendarme De Grave est blessé au genou. Pendant que son collègue lui porte secours, les deux individus s’enfuient vers la route de Béthune. De Grave sera transporté à l’hôpital d’Arras et mis en arrêt de travail pour un mois.
Ainsi débute l’histoire du « gang des cagoules de Lens ».
Le lendemain matin, le Maréchal des Logis chef Seyra de la gendarmerie de Lens décide d’une sortie en masse pour retrouver les malfrats. De nombreux habitants de la cité sont interrogés. L’un d’eux déclare que cette nuit vers deux heures du matin, un homme paraissant affolé est venu frapper à sa porte. Après avoir ouvert, l’homme s’excusa en disant s’être trompé de maison. Le témoin affirme avoir reconnu là un de ses voisins qu’il désigne comme étant Jean Polspoël.
Une quinzaine de gendarmes, arme au poing, cernent la maison du voleur rue Alfred de Musset. Ce dernier tente de fuir par le jardin, mais est vite attrapé.
La rue Alfred de Musset aujourd’hui
L’individu désigne aussitôt son voisin Henri Deruwez comme complice. Les gendarmes se rendent ce dernier. Aussitôt, il se met à table et avoue plusieurs vols. Puis il désigne un troisième larron : Arthur Vermeulen que les gendarmes vont aussitôt chercher au Petit Chemin de Loos en emmène tout ce beau monde à la gendarmerie.
Fouillant les maisons, les gendarmes trouvent qu’elles sont devenues de véritables cavernes d’Ali Baba. Beaucoup d’objets de valeur sont cachés sous le carrelage des cuisines qui a été descellé ou derrière des planches fixées aux murs.
Deruwez, qui semble le chef de bande, Polspoël et Vermeulen sont des mineurs de fond travaillant à la fosse 1 de la Société des Mines de Lens. L’enquête dira qu’ils sont plutôt bien appréciés de leurs supérieurs. Les trois épouses sont également arrêtées et accusées de recel : Léonie Deruwez, Yvonne Polspoël et Rosalie Vermeulen. Présentés au juge Dutilleul, les six protagonistes sont inculpés (vols et recels) et incarcérés à la prison de Béthune.
Poursuivant leur enquête, les gendarmes découvrent dans les greniers l’attirail parfait du cambrioleur : trousseau de clés, pince monseigneur, gants, masques, quatre revolvers et trois cagoules.
L’enquête permet de retracer le parcours des trois bandits lensois. Depuis1925, ils possèdent à leur tableau de chasse :vol d’argent et de linges chez les époux Debruyne rue Coppée ; vol de pigeons chez M. Flament, rue Poincaré et de lapins chez M. Duquesnoy, Petit Chemin de Loos ; chez la famille Caron, route de Béthune, du linge ; des bijoux chez M. Laurent et chemin Chevalier, un vélo au café Cochard.
Ils ont aussi visité les ateliers de la fosse 12 d’où ils ont ramené des outils ainsi que plusieurs dépendances des ménages polonais pour y emporter des lapins et des poules.
Pour ces vols qualifiés de simples, ils sont jugés au tribunal correctionnel de Béthune le 30 septembre 1926. Deruwez est condamné à 18 mois de prison ; Vermeulen à un an et Polspoël à six mois. Les trois voleurs sont également punis de 25 francs d’amende chacun. Les épouses, jugées pour recel, bénéficient d’un non-lieu.
Nos loustics du « Gang des cagoules de Lens » tel que les surnomme la presse locale n’en n’ont pas pour autant fini à la justice. Le 16 décembre, ils se présentent devant la Cour d’Assises de Saint-Omer où leur sont reprochés des délits plus graves : vols avec circonstances aggravantes, vols avec armes à feu, violences sur autrui en bande organisée ainsi que l’usage d’armes à feu sur personnes dépositaire de l’autorité publique et coups et blessure sur le gendarme De Grave. Selon la loi, les accusés risquent la peine de mort.
A 12 heures précises, l’audience est ouverte. Le Président de la Cour appelle à la barre le docteur Halberstadt, directeur de l’asile de Saint-Venant. Le témoin déclare qu’à la demande de son avocat, il a effectué une expertise mentale sur Henri Deruwez à la suite de laquelle il peut affirmer que l’accusé est pleinement responsable de ses actes.
Puis se suivent à la barre pas moins de 63 témoins pour finir par le Maréchal des Logis chef Seyra qui relate en détail l’enquête et les faits reprochés aux voyous :
Le 25 janvier 1926 : vol de 3 000 francs chez les époux Debruyne de Lens. Poussant le cynisme au maximum, les auteurs sont retournés ensuite chez leurs victimes en tant que voisins pour les « réconforter ».
– Le 21 mars 1926 : vol à la coopérative de Mazingarbe avec arme à feu et menaces sur Madame Rombeau la gérante, sa fille et sa mère. Devant le sang-froid et le courage de Mme Rombeau,, les voleurs ont pris la fuite avec seulement 150 francs
– Dans la même nuit, les trois énergumènes se sont rendu chez M. Duquesnoy, négociant en vin à Lens où ils ont emporté des bouteilles de vin et de liqueur d’une valeur de 4 500 francs.
On en arrive à cette nuit du 4 au 5 avril 1926, les trois hommes cagoulés pénètrent dans les maisons des mineurs Lambert puis Lefebvre. Sous la menace d’armes, ils emportent divers objets pour une valeur totale de 23 000 francs. Parmi ces objets, il y a deux machines à coudre. C’est ce qui va causer leur perte !
De retour chez Derumez, ils se partagent le butin en présence de leurs épouses. L’une d’elles se plaint de ne pas avoir de machine à coudre. Nos hommes décident alors de repartir à la chasse. C’est lors de cette nouvelle escapade qu’ils croisent les gendarmes. Polspoël réussit à s’esquiver alors Deruwez et Vermeulen participent à l’échange de tirs qui finira par les amener à leur perte.
Au tribunal, le jury se retire à 19 h 00. Deux heures plus tard, les jurés sont de retour et annonce, à la surprise générale, avoir trouvé des circonstances atténuantes aux trois bandits ce qui leur évite la peine de mort.
Henri Deruwez, désigné le chef de bande écope de 20 ans de travaux forcés ; Arthur Vermeulen de 15 ans tandis que Jean Polspoël effectuera une peine de 10 ans de prison.
Ainsi se termine l’histoire du « gang des cagoules de Lens » et la cité de la fosse 12 retrouve son calme.
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