Artiste-mineur: Robert Ibanez
Robert Ibanez est mineur de charbon sur le plateau alpin de la Matheysine, en Isère. Au fil de ses dessins, de ses sculptures et de ses installations, il a donné vie à sa propre représentation d’un monde ouvrier souvent âpre mais toujours tendre. Portrait.Artiste-mineur: Robert Ibanez revendique ce statut. De santé fragile, l’homme n’a pourtant exercé le métier de mineur «au fond» que durant quelques mois avant d’être muté «au jour», exerçant diverses fonctions de manœuvre sur le carreau de la mine. Mais sa vie durant, il restera employé des Houillères et cultivera la solidarité et l’esprit résistant des mineurs, cette aristocratie du monde ouvrier. Robert Ibanez est né en 1931, d’un père d’origine espagnole et d’une mère dauphinoise, dans le bassin minier de la Matheysine, au sud de Grenoble. Un plateau alpin où chaque paysan extrayait du charbon de terre pour son propre chauffage avant que l’État ne réserve les concessions d’exploitation aux grandes compagnies.Son père est mineur. Il ne veut pas que ses enfants le deviennent. Partout et toujours, c’est ainsi. Ce n’est donc qu’après sa mort (il a alors 15 ans) que Robert Ibanez s’engage à la mine. La découverte de son talent de dessinateur est étonnante. Et l’étonne lui-même. Car ce sont ses collègues de travail qui lui commandent ces caricatures si ressemblantes qu’il trace partout, à la craie. Jusqu’à ce qu’on lui conseille de rencontrer le vieux professeur de dessin du collège local, qui l’incite à prendre des cours… par correspondance ! Ce qu’il fait pendant deux ans. Il découvre alors la peinture dite savante et entre pour la première fois dans un musée (celui de Peinture et de Sculpture de Grenoble) où la conservatrice l’encourage à son tour. Mais ce n’est qu’à partir de reproductions qu’il découvre l’œuvre de Van Gogh qui va devenir son maître à peindre et dans lequel il va se reconnaître, jusqu’à revendiquer une « folie » pour expliquer son œuvre. Vlaminck ou Soutine l’inspirent tout autant et il ne cache pas cette parenté.
Critiques et historiens de l’art ont besoin de catégories. Sans doute classeraient-ils l’œuvre de Robert Ibanez dans celles de l’art «brut», ou «singulier», ou «hors-les-normes». Des groupes à la définition bien imprécise qui semblent n’avoir pour fonction que d’isoler leurs auteurs, de se fonder sur l’absence de culture et de références académiques qui les caractérise, sur la forme spontanée de leur expression, sur leur impossibilité de se reconnaître dans des mouvements ou dans des écoles, pour les exclure du monde de l’art. Ceci semble vrai même pour les personnalités qui les ont admirés, tel Jean Dubuffet qui constitue la première grande collection, aujourd’hui exposée au musée de l’Art brut de Lausanne (Suisse).
À défaut de lecture artistique et de toute appréciation comparative, il faut donc essayer de connaître et comprendre la démarche de cet homme, dans sa singularité. (…)
par Jean GUIBAL, (pour la revue L'Alpe)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.