Comme chacun sait, les puits de la société des mines de Lens furent totalement détruits lors de la première guerre mondiale. D’abord inondés par les Allemands dès leur arrivée en octobre 1914, ils durent subir les tirs d’obus et les premiers bombardements alliés par la suite. Avant leur retraite en 1917, les troupes allemandes entreprirent de n’en faire que des carcasses d’acier et de pierres.
L’occasion aujourd’hui de revenir sur ce que furent les ‘fosses’ des mines de Lens avant et après la Grande Guerre.
L’exploitation de la fosse no 1 débuta en 1853, un an après la constitution de la société. Elle se trouvait alors à l’extérieur de la ville, dans le quartier Saint Laurent le long du Grand Chemin de Béthune à Lens. N’étant plus en service que pour les besoins du personnel et de l’aérage, elle a été fermée en 1971.
La fosse no 2 fut ouverte en 1858. Appelée aussi ‘le Grand Condé’, c’est le puits qui se trouvait le plus proche du centre ville. C’est pourquoi les habitants des corons qui l’entouraient furent surnommés par les autres mineurs ‘les fiers-culs’ ou ‘les bas de soie’. Le chevalet de la fosse 2 a été abattu en 1976.
La fosse 2 bis est plus récente puisqu’elle n’a été mis en service qu’en 1904. Elle disparut également du paysage lensois en 1976. Il y eut également une fosse 2ter sur le territoire de Loison-sous-Lens qui cessa d’être exploité en 1967.
La fosse 3 des mines de Lens faillit se trouver à Eleu-dit-Lauwette. Son forage fut rapidement arrêté à la profondeur de 21 mètres suite à la découverte de vestiges archéologiques. Il ne fut jamais repris et à son emplacement a été construit après la première guerre le Centre de Secours des Mines.
C’est donc au nord de Liévin en direction de Loos-en-Gohelle que l’on creusa la fosse 3 ‘Amé Tilloy‘ en 1860. Une vingtaine d’année plus tard lui fut adjointe la fosse 3bis dont le chevalet est toujours visible aujourd’hui. La fosse 3 restera à jamais le site de la dernière grande catastrophe minière de l’histoire du bassin du Nord-Pas-de-Calais le 27 décembre 1974.
La fosse 4 des mines de Lens a été creusée à partir de 1864 au sud de Lens en direction d’Arras. Elle portait comme particularité par rapport aux constructions antérieures d’avoir son système de descente enfermé dans un bâtiment. C’est dans ce puits que le 31 janvier 1986 des mineurs remontèrent pour la dernière fois sur le territoire de la ville de Lens.
La fosse 5 était sur la commune d’Avion. On pouvait voir dès 1876 son important bâtiment jugé à la pointe de la modernité à l’époque par Elie Reumaux. En 1898, la fosse 5 bis était ouverte à quelques mètres de là et servit toujours de fosse de service jusqu’en 1986. C’est en partie sur les friches ‘du 5’ que fut installé le parc de la Glissoire.
La fosse 6, située à Haisnes possédait la particularité d’être la seule à ne pas avoir été percée par la société des mines de Lens. Lors du début de son exploitation, en 1869, elle était l’unique fosse de la compagnie des mines de Douvrin rachetée en 1873 par celle de Lens.
Les fosses 7 et 7bis étaient jumelées comme des siamoises. Conçues en 1879 à Wingles, elles commencèrent à être exploitées 3 ans plus tard et ce jusqu’en 1960. Les deux beaux chevalets sont détruits en 1977.
Les fosses 8 et 8bis virent le jour en 1879 à Vendin-le-Vieil. Munies d’un seul chevalet avant la première guerre, elles eurent droit à deux différents lors de la reconstruction. Comme pour la fosse 3 à Liévin, l’un des chevalets était en acier, l’autre en béton pour l’aérage. Dès 1958, on ne remontait plus de charbon de la fosse 8 dont les installations disparurent en 1974.
La fosse 9, bien que née en 1886 et détruite en 1983, est certainement aujourd’hui la plus célèbre sur le territoire de la ville de Lens. C’est en effet sur son carreau que l’on trouve aujourd’hui le Louvre-Lens.
Retour à Vendin-le-Vieil pour trouver la fosse 10. Cependant, il fallait avoir le nez fin pour la remarquer. En effet, elle se trouvait parmi les installations de la centrale électrique des mines de Lens. Elle fut la première à cesser son activité dès 1946 mais continua à servir de puits d’aérage jusqu’en 1958. Elle disparut lors de la destruction totale des installations de la centrale vers 1980.
La fosse 11 : son accès était sur Lens mais son carreau sur Loos-en-Gohelle. Exploitée dès 1894, elle eut l’honneur de recevoir la visite du président de la République Félix Faure en 1898 dont la descente dans les galeries fut largement rapportée par la presse de l’époque. Accompagnée du puits 19 depuis 1955, le carreau de la fosse 11, bien que fermé en 1986, est aujourd’hui l’une des vitrines du Bassin minier Nord-Pas de Calais inscrit depuis juin 2012 sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.
Autre puits particulier : celui de la fosse 11bis. Creusé en 1907 à Liévin, il n’a jamais remonté une seule gaillette de charbon ! En effet, il a toujours servi pour l’aérage pour les fosses 11 (située à 875 mètres) et 3 (éloignée de plus de 1300 mètres).
La fosse 12 est aussi particulière : alors que le puits et les installations se trouvent sur le territoire de Loos-en-Gohelle, la cité minière qui en dépend avec ses corons, ses écoles, son église, son dispensaire sont dans le périmètre lensois. Exploitée à partir de 1er janvier 1894, son puits est remblayé en 1980 et le chevalet abattu un an plus tard.
Le chevalet de la fosse 12bis était visible depuis le porche de l’église Saint Edouard. Situé route de Béthune, près du centre de formation des mines de Lens, il fut percé vers 1905 pour servir d’aérage à al fosse 12 jusqu’en 1976. Les installations furent détruites en 1984 pour laisser place à une zone industrielle.
Le forage de la fosse 13 a débuté en 1906 à Hulluch. Elle porte le nom d’Elie Reumaux ancien agent général puis président du conseil d’administration de la compagnie minière lensoise. Devenue un puits de service pour la fosse 18, elle ferma en même temps que celle-ci en 1976 et le chevalet fut détruit en 1983.
Les installations de la fosse 13bis sont toujours visibles à Bénifontaine au chemin du Pont d’Avison. Elles ont été inscrites aux monuments historiques le 23 octobre 2009. Comme le 11bis, le 13bis n’a toujours servi qu’à l’aérage ; d’abord pour la fosse 13 puis pour la fosse 18 jusqu’en 1958. (Aucune photo de la fosse 13 bis en activité).
La fosse 14 est située sur la route de La Bassée au nord-ouest de Lens. Creusée à partir de 1906, la fosse 14 remonta ses premières gaillettes un an plus tard. Dès 1938, elle cessait d’être exploitée pour n’être utilisée qu’au service du personnel et ce, jusqu’ en 1967. C’est avec tristesse que d’anciens mineurs de la cité regardèrent le dynamitage du puits en 1974.
Le 14bis est aussi à Loos-en-Gohelle, visible de la route de La Bassée. Son forage débuta également en 1906 car elle servait à l’aérage de la fosse 14 jusqu’en 1962. A part son chevalet détruit comme la plupart, les installations sont toujours visibles aujourd’hui.
Les fosses 15 et 15bis de Loos-en-Gohelle sont entrées dans l’histoire de la première guerre mondiale en mai 1915. Une invasion anglaise avait permis de reprendre le secteur dit ‘côte 70’ aux allemands mais l’avance fut repoussée quelques jours plus tard. Les anglais surnommaient la structure «Tower Bridge» en raison de sa ressemblance avec le célèbre pont de Londres. Ses deux chevalements jumeaux, hauts de 75 mètres, sont uniques dans le bassin minier. Le puits 15 est remblayé en 1962 mais le 15bis continua d’assurer l’entrée d’air pour le 12 puis pour le 19 jusqu’en 1972. Les installations furent détruites en 1976.
La fosse 16, aussi sur Loos-en-Gohelle, n’était exploitée que depuis 2 ans lorsque la première guerre mondiale éclata. On lui donna le nom d’Albert Motte, l’un des présidents du conseil d’administration de la compagnie. Mise en servie en 1912, la fosse 16 cessa son activité en 1958. Le puits fut remblayé en 1961.
Les deux autres fosses lensoises ont été construites par les HBNPC après la nationalisation de 1946.
La fosse 18 – 18bis fut un grand siège de concentration dès son ouverture en 1954 à Hulluch. Elle était composée de deux puits dont, cas particulier dans la région, les molettes se trouvaient sur le même chevalet. La fosse no 18 – 18bis cessa d’extraire en 1976 et ses puits furent remblayés en 1978. Quelques bâtiments, le château d’eau et une reproduction du chevalet sont encore visibles aujourd’hui.
Enfin, la fosse 19, siège de concentration, fut construite en 1954 et commenca à extraire en 1960. Elle ne possédait pas de chevalet mais une tour en béton haute de 66 mètres. Elle fut la dernière des mines de Lens à fermer le 31 janvier 1986. Le lavoir et le triage ont été détruits mais la majorité des installations furent conservée et rénovée pour en faire aujourd’hui l’un des sites majeurs du bassin minier.
Il semble que la fosse 17 des mines de Lens n’ait jamais existé. Est-ce que, parmi les abonnées à ce blog, quelqu’un pourrait nous en donner l’explication ?
Aujourd’hui, nous quittons Lens. Oh ! Rassurez vous, nous n’allons pas loin : quelques kilomètres en direction d’Arras et nous ne pouvons rater sur notre droite cette construction originale composée de deux grandes colonnes.
Alors, profitons de ce magnifique site pour revenir sur la grande histoire du Monument Canadien de Vimy.
Lors de la première guerre mondiale, les troupes canadiennes arrivent en Europe dès décembre 1914 et servent dans le nord de la France et en Belgique. Elles participent notamment à la seconde bataille d’Ypres d’avril 1915 et à la bataille de la Somme d’avril-mai 1916. Du 9 au 12 avril 1917, après deux tentatives infructueuses des Alliés, les quatre divisions canadiennes, réunies pour la première fois au combat, réussirent à s’emparer de la crête de Vimy, une position densément fortifiée par les Allemands à 145 m d’altitude.
Avant même la fin de la guerre, les militaires canadiens ont érigé sur les sites de bataille des monuments à la mémoire des disparus. Le Monument commémoratif de l’Artillerie canadienne en est un exemple. Construit pendant l’hiver 1917-1918 et inauguré par le général Byng au printemps 1918, il se trouve au carrefour Les Tilleuls à Thélus.
L’idée du gouvernement canadien était que les monuments commémoratifs érigés sur des champs de bataille ne servent pas glorifier la guerre, mais plutôt exprimer le deuil et rendre hommage aux disparus qui avaient donné leur vie pour les vivants. Le nombre de morts canadiens durant la première guerre mondiale est de 60 000 parmi les 625 000 soldats. Environ 7 000 d’entre eux sont enterrés dans une trentaine de cimetières militaires situés dans le Pas-de-Calais.
Dès le mois de mai 1917, la commission impériale des sépultures de guerre (CISG) est créée et a pour but d’enterrer dignement les soldats morts au combat dans des cimetières permanents. Elle est aussi chargée de prévoir la façon dont on pourrait commémorer les morts et les disparus. Réunie à Londres en 1918, elle approuve la construction de cinq mémoriaux ouverts au public.
En 1920, la “Canada Batlefields Memorial Commission” (Comité des monuments commémoratifs canadiens érigés sur des champs de bataille) organise un concours pour désigner les monuments canadiens qui seront érigés sur les différents sites des combats.
En octobre 1921, la CBMC adopte pour l’un de ces sites le projet de Walter Allward qui inclue vingt personnages symboliques associés à la guerre. Ceux-ci sont intégrés à un socle massif en pierre surmonté de deux immenses piliers représentant le Canada et la France. Son projet est présenté sous forme d’une maquette de plâtre.
En 1922, le gouvernement français octroie au Canada le libre usage à perpétuité d’une parcelle d’un hectare 71 située sur le terrain massacré des champs de bataille entre les communes de Vimy et de Givenchy-en-Gohelle. La CBMC décide que la crête de Vimy appelée aussi ‘cote 145’ recevrait le monument d’Allward.
La somme de 1,5 million de dollars investie dans cette construction est obtenue en grande partie par une souscription ouverte au Canada. La “Canada Batlefields Memorial Commission” a utilisé l’excédent de la souscription à la construction du temple protestant de la rue Victor Hugo à Lens.
Le site de Vimy est le point culminant des collines de l’Artois et offre des vues imprenables sur le bassin minier dans un rayon de 35 kilomètres. Le monument est entouré aujourd’hui d’un parc de 110 hectares constitué d’une multitude d’arbres et d’arbustes importés du Canada et plantés chacun par un de ses ressortissants.
Selon bon nombre de gens, le monument commémoratif du Canada à Vimy est l’œuvre la plus remarquable de Walter Allward. Il y a consacré 14 ans de sa vie.
Au moment où il remporte le concours, Allward est un sculpteur déjà bien connu pour ses mémoriaux. Né à Toronto en 1875, il a suivi des cours de sculpture à la New Technical School de cette ville entre 1891 et 1893 et loué son premier atelier en 1894. En 1910, il sculpte le monument commémorant la participation du Canada à la guerre en Afrique du Sud. Il sculpte aussi des bustes et des statues de Canadiens célèbres comme celui de Brantford en l’honneur de Graham Bell, l’inventeur du téléphone.
En 1925, les travaux commencent. Peu à peu, à la pioche et à la pelle, le terrain est creusé, nettoyé des débris de la guerre et aplani. Il a fallu trois ans pour uniquement creuser les fondations et construire la plate-forme.
Allward confectionne au Canada des statues de plâtre de taille réelle à l’aide de moules qu’il a lui-même créés. Il retouche ensuite les statues à la main.
Les œuvres de plâtre sont ensuite expédiées à Vimy pour être reproduites en pierre par des artisans locaux. De vastes hangars sont construits pour abriter les tailleurs de pierre et les sculpteurs.
II faudra onze mille tonnes de béton et de maçonnerie pour ériger la base du monument et cinq mille cinq cents tonnes de pierre, importée de l’île de Brač en Croatie, pour les pylônes et les sculptures.
Les blocs de pierre sont apportés sur le site par une ligne de chemin de fer à voie étroite dont une partie servit à l’approvisionnement des troupes en munitions pendant la guerre. Les wagonnets sont tirés par des chevaux.
Une fois taillés, les blocs sont hissés afin de confectionner les deux colonnes à l’aide de grues également conçues sur-place.
Quand les deux pylônes sont en place, ils sont enfermés dans un abri provisoire afin de protéger les sculpteurs travaillant en hauteur.
Ces deux pylônes représentent le Canada et la France et culminent 40 mètres au-dessus de la base du monument. Ils pèsent près de 6 000 tonnes et le socle plus de 10 000. La figure la plus élevée – l’allégorie de la paix – domine la plaine de Lens d’environ 140 mètres.
Sur le devant du monument, la statue d’une femme voilée, tournée vers l’est, vers l’aube d’un nouveau jour représente la jeune nation canadienne pleurant ses enfants tombés au combat.
Les sculptures au sommet des piliers représentent les vertus universelles que sont la foi, la justice, la paix, l’honneur, la charité, la vérité, la connaissance et l’espoir. Sur la face ouest du mémorial sont sculptées les figures d’un homme et d’une femme représentant les parents des soldats tombés.
Sur chacune des faces du monument ont été gravés au burin les noms des victimes des combats, 11 285 jeunes canadiens qui ont laissé leur vie en France lors des combats du 9 au 12 avril 1917.
Sur son socle, sont gravés dans la pierre, en français et en anglais, les mots suivants :
‘’À LA VAILLANCE DE SES FILS PENDANT LA GRANDE GUERRE, ET EN MÉMOIRE DE SES SOIXANTE MILLE MORTS, LE PEUPLE CANADIEN A ÉLEVÉ CE MONUMENT’’.
Le 26 juillet 1936 à 14 h 15, le monument est inauguré et la figure représentant le Canada dévoilée par le roi du Royaume Uni Édouard VIII en présence du président français Albert Lebrun et du ministre canadien de la Justice Ernest Lapointe. Une foule compacte de Canadiens, de Français et de Britanniques estimée à près de 100 000 personnes s’est rassemblée autour du mémorial.
Une fanfare militaire française et des gardes de la cavalerie algérienne, les spahis, montés sur des chevaux blancs, prennent position en face de la Garde royale canadienne de part et d’autre de la large allée qui mène les dignitaires à la terrasse sur laquelle est érigé le monument.
Parmi les milliers de gens rassemblés pour l’événement, plus de 3 000 anciens combattants venus en pèlerinage organisé par la Légion canadienne occupent fièrement la place d’honneur dans l’amphithéâtre, sous le regard des membres de leur famille installés sur les pentes.
A l’arrivée d’Edouard VIII, la Garde Royale Canadienne exécute le salut royal, et la musique entonne le ‘God Save the King’ puis le ‘Ô Canada’ pendant que le roi passe en revue les militaires avant de descendre vers le tombeau.
Le roi accueille ensuite le président Lebrun alors que les fanfares entament La Marseillaise.
Chacun prononce alors un discours radiodiffusé dans le monde entier et dans lequel ils appellent à la paix dans le monde.
Après son discours, Edouard VIII procède au dévoilement du monument, tandis que les troupes se mettent au garde-à-vous. La sonnerie aux morts se fait alors entendre et est aussitôt suivie d’un moment de silence.
Deux escadrons de l’Aviation royale du Canada survolent alors le monument à basse altitude dans un bruit assourdissant, les pilotes saluent les autorités par quelques figures acrobatiques.
Après le départ des autorités, la cérémonie doit se terminer par des remises de gerbes au pied du monument devant les troupes au garde à vous. Mais la foule est si dense que les soldats peinent à rester immobiles tant ils sont écrasés par les spectateurs et la manifestation doit être écourtée.
Lors de la deuxième guerre mondiale, le mémorial est conservé malgré les craintes que les allemands ne le détruisent. Il reçoit même la visite du feld-maréchal Erwin Rommel puis celle d’Adolf Hitler, Hermann Göring et des membres du siège social du parti nazi le 2 juin 1940.
A proximité du monument, des tranchées reconstituées ainsi qu’une partie des souterrains ayant servi lors de la bataille peuvent être maintenant visités. Les vestiges de tranchées et les cratères laissés par les obus rappellent la violence exceptionnelle des combats.
En face du mémorial, une stèle a été élevée à la mémoire des morts de la division marocaine qui avait pris une première fois la crête en mai 1915 mais avait dû ensuite se replier, faute de renforts.
Ayant fait l’objet d’une importante restauration à partir de 2004, le mémorial est inauguré de nouveau en avril 2007, au cours d’une cérémonie marquant le 90e anniversaire de la bataille de Vimy. La reine Elisabeth II, le Premier ministre canadien Stephen Harper et son homologue français Dominique de Villepin participent à cette manifestation.
Un homme aurait pu participer à cette commémoration : le dernier survivant de la bataille d’avril 1917, John Babcock. Il est mort en février 2010 à l’âge de 109 ans.
Le mémorial de Vimy est l’un des deux seuls sites historiques situés à l’extérieur du territoire canadien à être reconnus par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada. Il figure depuis 2012 sur les billets de banque de 20 dollars.
Les œuvres originales en plâtre confectionnées par Walter Allward sont aujourd’hui exposées au musée canadien de la guerre, salle de la Régénération à Ottawa, la capitale du Canada.
Aujourd’hui encore, des jeunes Canadiens viennent régulièrement passer l’été dans le Pas-de-Calais pour servir de guides sur le mémorial.
Le guide émotionnel du territoire de Lens-Liévin vu et raconté par ses habitants est sorti mercredi dernier. Il a été présenté par M. Sylvain Robert, Président de la CALL et maire de Lens et M. Bertrand Petit, Président de Pas-de-Calais Tourisme.
Géré de main de maître par Mélanie Martini, chargée de projets à la mission Louvre-Lens Tourisme, ce guide est issu d’une idée de la directrice artistique de Strange Cargo, Brigitte Orasinski qui en avait déjà publié un sur la ville de Folkestone.
Initié par la Mission Louvre-Lens, on trouve dans ce recueil près de quatre cents histoires très courtes qui sont autant de témoignages vécus par le passé et reliés à un site connu ou inconnu, important ou minime du territoire de la Communauté d’Agglomérations de Lens-Liévin. Chaque texte est illustré d’une photo d’aujourd’hui de ce même site.
Le lensois normand et quelques amis comme Bernard Ghienne, Christian Vallez, Gérard Tredez Maurice Devos, Muriel Labenda, Serge Barrois ont eu le plaisir de participer à la rédaction de certains textes en compagnie de célébrités locales comme Guy Delcourt ou Daniel Leclercq.
Le guide est disponible à Lens, au musée du Louvre bien sur mais aussi au Furet du Nord, Boulevard Basly et à l’Office de Tourisme de Lens-Liévin, rue de Lille.
1915 : il y a 100 ans, Lens était allemand et ce, depuis octobre 1914. Un rappel en 50 images de ce qu’était Lens cette année là.
La présence des troupes allemandes dans la ville ….
Les officiers réquisitionnent les plus belles demeures….
Et les hommes de troupe au haras du notaire Tacquet
Chaque jour, des concerts dans les rues de Lens….
… et des pillages
L’occupation des carreaux de fosses avant leur destruction
Installation d’artilleries dans les quartiers et en ville
La création d’un cimetière militaire route de Douai ….
Où les morts sont amenés par dizaines chaque jour ….
Puis vinrent les premiers bombardements de la ville
… et dans les cités minières
Où des soldats allemands posent fièrement avec un obus anglais
Tandis que la guerre fait rage aux portes de la ville ….
on assiste au triste passage en ville de prisonniers français
En fin d’année 1915, Lens est une ville déjà bien abimée
Et c’est malheureusement loin d’être fini !
En 1841, au cours d’un forage réalisé chez madame de Clerc à Oignies est découvert le gisement de houille du Pas-de-Calais. En 1852, sont constituées la Société des Mines de Dourges, la Compagnie des Mines de Courrières et la Société des Mines de Lens. Dans la même période d’autres compagnies apparaissent à Béthune, Liévin, Carvin, Marles ou Bruay. Ces compagnies ont des besoins urgents de main-d’œuvre. De nombreux ouvriers, surtout d’origine rurale, arrivent de partout en France afin de trouver dans le bassin minier un emploi garantissant le gîte et le couvert pour toute la famille : les premières cités sont construites dans ce qu’on appellera bientôt les corons.
Au départ, la population minière est formée surtout d’individus déracinés, souvent illettrés, sans tradition de luttes, habitués à subir les évènements avec résignation. Aucune loi, aucune règlementation ne viennent gérer les conditions de travail. Le mineur est entièrement à la disposition de la compagnie tant au travail que dans son logement. Les femmes et les enfants sous-payés sont également exploités, travaillant comme les hommes au fond des galeries. La durée du travail qui est de 11 heures par jour, six jours par semaine depuis la loi de 1848 est rarement appliquée. Les accidents, souvent mortels, sont nombreux.
Pourtant, c’est cette concentration d’hommes qui jouera un rôle essentiel dans la naissance du syndicalisme. Il n’est pas encore question de changer la société mais tout simplement de vivre mieux.
En 1864, une loi proclame la suppression du délit de coalition et le droit de grève est accordé en France mais par manque d’organisation, d’unité chaque mouvement est très fortement réprimandé. L’utilisation de l’armée, à la demande des tout-puissants directeurs des compagnies, est monnaie courante. Les grévistes sont arrêtés et emprisonnés. Les sanctions vont souvent jusqu’au licenciement et l’expulsion de toute la famille des cités minières.
Des idées nouvelles, rapportées par Emile Zola ou Victor Hugo entre autres, apparaissent alors comme le socialisme ou l’anarchisme. Des groupes commencent à se révolter contre l’injustice de la société capitaliste. Pour Karl Marx, les travailleurs doivent se grouper en parti de classe. Ces courants de pensée donnent à la classe ouvrière une base et un idéal de vie qui contribueront à l’essor du syndicalisme dans les années 1880. Les ouvriers qui n’acceptent pas les conditions de travail tentent de s’organiser et de s’opposer à leurs dirigeants.
En septembre 1882, à l’initiative d’Arthur Lamendin, mineur compagnie de Liévin, est créée la première chambre syndicale des mineurs à Lens. Puis le 24 octobre 1883, Émile Basly, le meneur de mineurs d’Anzin fait partie des militants réunis à Saint-Étienne pour fonder une Fédération nationale des Chambres syndicales des Mineurs de France.
En 1884 éclate la grande grève des mineurs d’Anzin qui inspira Emile Zola pour son roman ‘Germinal’. C’est pour la corporation minière un cuisant échec malgré 56 jours de grève. Aucun autre mouvement de grande ampleur ne sera mené pendant les quatre années qui suivent cet échec.
Cependant, cette grève entraîne la promulgation de la loi du 21 mars 1884, dite loi Waldeck-Rousseau, qui accorde aux syndicats un statut légal reconnu. Le 14 septembre, le Syndicat des Mineurs du Pas-de-Calais est fondé, avec Arthur Lamendin comme secrétaire général. Ce dernier en subira les conséquences puisqu’il sera licencié par la compagnie de Liévin.
Il faut attendre 1889 pour revoir les mineurs se mobiliser. Cette année là, la forte croissance industrielle amène une augmentation de la demande et donc du prix du charbon ce qui entraîne pour les compagnies une progression de la production et un besoin de main d’œuvre. Les mineurs se sentant indispensables veulent leur part du gâteau.
Le 10 octobre 1889, une grève se déclenche aux mines de Lens et s’étend rapidement aux autres compagnies du Pas-de-Calais. Dirigé par Lamendin, Basly et les autres leaders du syndicat, ce mouvement, contrairement aux précédents n’est pas marqué par la violence et n’entraîne aucune dérive. Cette attitude est cruciale pour l’évolution du syndicalisme minier. Le 23 novembre, les mineurs redescendent au fond en ayant obtenu une augmentation de salaire de 10% pour tous et la suppression des ‘longues coupes’ (journée de travail prolongée pour bénéficier de primes supplémentaires) et le maintient dans leur logement des veuves de mineurs décédés au travail.
Ce mouvement a attiré l’attention du gouvernement de Sadi Carnot et le 8 juillet 1890 une loi institue les délégués mineur, élus, avec mission de surveiller les conditions de sécurité, ce qui remet en cause la toute puissance patronale.
En 1891, Emile Basly est élu Président du syndicat et Arthur Lamendin est confirmé comme secrétaire général. L’organisation peut alors compter sur 30000 adhérents.
Le 27 novembre 1892, les syndicats des deux départements du bassin s’unissent et forment le ‘Syndicat des Mineurs du Nord et du Pas-de-Calais’ dont le siège est fixé à Lens, dans l’estaminet tenu par l’épouse de Casimir Beugnet, rue Decrombecque.
Cependant l’année 1893 va ramener tout le monde à la raison. Une nouvelle grève est déclenchée le 14 septembre contre l’avis des responsables du syndicat et emmenés par des anarchistes. Elle concerne une nouvelle fois surtout les salaires car les compagnies sont parvenues à raboter l’augmentation de 1889 par l’instauration d’amendes décidées au coup par coup par le chef-porion.
Les directeurs de compagnies ne veulent discuter qu’avec les représentants du syndicat officiel. Ce mouvement sera un désastre : non seulement aucune avancée ne sera obtenue mais les compagnies vont imposer dès la reprise du travail des conditions pénibles. Près de 500 mineurs sont licenciés et doivent quitter leur coron du jour au lendemain avec femmes et enfants.
Le syndicat est tenu pour responsable de l’échec. Lamendin et Basly doivent s’expliquer publiquement, on les accuse d’avoir empêché le mouvement de se développer et d’aller vers la grève générale et surtout de penser plus à leurs places de députés qu’à leurs devoirs envers les mineurs. Le nombre d’adhérents est diminué des deux tiers pour tomber à 10000.
D’autre part, une action est menée par le préfet du Pas-de-Calais Bernard Courtois et le procureur général de la cour d’appel de Douai, E. Chenest en vue de dissoudre le syndicat et d’arrêter ses leaders. Mais, par peur de réactiver le conflit, le Garde des Sceaux Casimir-Perier qui brigue le poste de Président de la République décide de ne pas poursuivre la procédure.
Durant les dernières années du siècle, le syndicat tente de retrouver son influence. Quelques conflits éclatent dans le bassin mais aucun grand mouvement, aucune grève générale n’est constatée. Les responsables du syndicat sont maintenant reconnus tant par les mineurs que par les dirigeants des compagnies. Ils parviennent à éviter certains conflits en privilégiant la négociation à l’affrontement. Les responsables tiennent des conférences à la maison du peuple, rue de Paris à Lens.
Outre Arthur Lamendin et Emile Basly, les responsables de l’organisation sont alors Florent Evrard, Henri Cadot, Casimir Beugnet, Séraphin Cordier, Alfred Maës, Léon Degraux, Charles Goniaux, Uriane Soriaux, Henri Mailly, Jacques Louart ou encore Edgard Sellier.
C’est en 1902 que l’on voit apparaître le nom de ‘vieux syndicat’. Certes, Lamendin a 58 ans et Basly 56 mais ce n’est pas leur âge qui importe. La responsable est la Fédération Syndicale des Mineurs du Pas-de-Calais qui vient d’être créée après le congrès de la CGT de Montpellier qui a placé des militants anarchistes à sa tête. Rassemblés derrière Benoît Broutchoux, l’organisation révolutionnaire prend rapidement le nom de ‘jeune syndicat’.
L’opposition entre les deux fédérations est farouche et virulente. Le jeune syndicat n’hésite pas, par l’intermédiaire de son journal, l’Action Syndicale à critiquer ouvertement les responsables du syndicat des mineurs, les traitants de ‘baslycots’ à la solde du patronat et les accusant de requêter les mineurs pour remplir les caisses du syndicat.
Le 27 septembre 1902, à Commentry en marge du congrès qui donne naissance au Parti Socialiste de France, se tient dans une salle voisine le congrès national des mineurs. En réponse à une nouvelle baisse des salaires, le principe d’un mouvement national est adopté. Le lendemain même, les délégués des mineurs syndiqués du Pas-de-Calais et du Nord se réunissent à Lens au nombre de 140. Une nouvelle fois, c’est contre l’avis de Lamendin, Basly et leurs amis que la grève générale est décidée pour le mois suivant.
Plus de 70 000 mineurs refusent de descendre. Cette puissante grève va marquer l’année 1902 : présence de la troupe, incidents entre grévistes et non grévistes, injures entre militants des deux syndicats font partie du quotidien.
La grève est un nouvel échec. Quelques semaines plus tard, les mineurs retournent dans les galeries sans rien n’avoir obtenu du patronat.
Basly et Lamendin sont de nouveau désignés comme responsables de ce nouvel échec. Beaucoup de mineurs quittent le vieux syndicat pour rejoindre les amis de Broutchoux.
La grande grève de 1906 engendrée par la catastrophe des mines de Courrières marque de nouveau l’opposition entre ‘Baslycots’ et ‘Broutchoutistes’. Si les premiers dialoguent avec Elie Reumaux, le représentant des directeurs des compagnies minières, les seconds prônent la révolte et n’hésitent pas à avoir recours à la violence : attaques contre les possessions des compagnies, saccage des propriétés des dirigeants comme celle d’Elie Reumaux à Lens, bagarres avec les forces de l’ordre qui conduit au décès d’u lieutenant Lautour, insultes et sévices contre les non-grévistes, leurs familles et leurs habitations et agression des élus du vieux syndicat.
Georges Clemenceau envoie 30 000 militaires dans le bassin Minier pour ramener l’ordre. Broutchoux et certains de ses amis sont emprisonnés à Béthune. Les directeurs des compagnies exigent de ne négocier qu’avec les représentants du vieux syndicat.
Après 55 jours de grève, le travail reprend. Les syndicats ont obtenus quelques avancées sur les salaires et sur les conditions de travail et de sécurité dans les mines.
Tout au long de cette grève, le jeune syndicat n’a cessé de demander l’union des deux organisations, ce qu’ont toujours refusé les partisans de Basly. Lors du congrès d’Amiens de la CGT en octobre 1906, une motion « condamne l’attitude du Réveil du Nord (aux mains du député-mineur Emile Basly, ennemi déclaré de la CGT) ».
Finalement, c’est en 1908 que la fédération des mineurs rallie la CGT, pour devenir la ‘Fédération Nationale des Travailleurs du Sous-sol’. Cependant, bien que de nombreux dirigeants et militants quittent le vieux syndicat pour rejoindre la CGT, Basly refuse la réunification décidée au niveau national ; le syndicat du Pas de Calais vit alors isolé pendant plus de deux ans. Il faut attendre 1911 la réunification. Le nouveau siège se trouve alors à la Maison Syndicale de Lens dont la construction vient juste de se terminer.
Le vieux syndicat à vécu mais d’autres luttes attendent Emile Basly, Arthur Lamendin et leurs amis.
Le 17 mai 1945, les Houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais sont créées suite à la nationalisation des compagnies minières.
Aussitôt, le groupe de Lens décide d’ouvrir un centre professionnel pour former les galibots de 14 à 18 ans. Cette formation, appelée ‘de premier degré’ est un passage obligé à l’aube d’une carrière de mineurs de fond.
D’autres cours sont donnés : le second degré pour les élèves-mineurs de 18 à 21 ans et le troisième degré pour les élèves-porions et les ouvriers de 21 à 25 ans.
C’est sur un terrain longeant la route de Béthune qu’est installé ce centre, près de la fosse 12 bis.
Un centre de formation doit obligatoirement être équipé d’une ‘mine-image’ qui est la reconstitution grandeur nature d’une véritable galerie de mine dans laquelle le stagiaire trouve les conditions et le matériel qu’il rencontrera au fond lorsqu’il sera en poste.
Où faire cette mine-image ? Un abri aménagé pour protéger la population lors des bombardements de Lens lors de la seconde guerre est proche du centre. Il est utilisé et aménagé pour servir de galerie de formation.
L’entrée de l’abri en 1945
Les galibots peuvent donc exécuter les gestes du métier de mineur dans les conditions réelles ; seul l’abattage n’est pas enseigné car cette partie du travail du mineur est interdite aux ouvriers de moins de 18 ans.
Les appareils électriques leur sont décrits mais ils n’auront pas non-plus l’autorisation de les manipuler au fond.
A l’origine, la mine-image est un long ‘tuyau’ étroit de 250 mètres taillé dans la craie. On y accède par trois plans inclinés qui avaient servis d’accès à l’abri.
La sortie qui donnait sur la route de Béthune sert à l’aération, une autre donnant sur le Chemin Perdu était réservé à la descente du matériel.
Le centre ouvre ses portes le 14 mai 1946 mais ce n’est qu’en 1947 que la mine-image est utilisée. On y trouve deux tailles de 60 mètres, plusieurs centaines de mètres de voie ferrée, 12 salles d’apprentissage bétonnées réservées à la formation au boisage, au cadrage, etc …
Quelques exemples de formation dans la mine-image :
La conduite de treuil
Un convoyeur blindé
Le relevage d’une berline déraillée
La mine-image ne cesse de s’améliorer grâce au travail des mineurs eux-mêmes : un beurtiat (puits intérieur dans la mine) est creusé. Les installations électriques sont complétées, on installe un poste de transformation.
On descend aussi dans la mine-image des appareils modernes tels que des chargeuses, des bandes transporteuses, des compresseurs de quartier, des haveuses …
On y trouve même une lampisterie où le galibot doit se munir de sa lampe avant d’utiliser la cage pour descendre dans la galerie.
La formation aux premiers secours est également dispensée avec l’utilisation des extincteurs.
C’est Madame Auriol, épouse du Président de la République d’alors, qui vient inaugurer le centre d’apprentissage et la mine-image en 1952.
Une tradition voulait que pendant longtemps les élèves des écoles primaires de Lens effectuent une visite du centre et une descente dans la mine-image, sans doute pour tenter de susciter parmi eux des vocations de mineur.
Le centre et la mine-image fonctionneront plus de 35 ans avant d’être fermés définitivement le 31 août 1985. Le site a alors servi à construire l’IUT.
Avant la première guerre mondiale la ville de Lens possédait au centre ville deux écoles d’enseignement supérieur : Condorcet pour les garçons et Campan pour les filles. Elles encadraient l’Institut Michelet sur le boulevard des Écoles.
Pendant la première guerre mondiale, les locaux des écoles n’échappèrent pas au désastre et furent transformés en ruines.
Aussitôt la ville libérée, la reconstruction des bâtiments scolaires fut l’une des priorités de la municipalité d’Emile Basly. Dès 1922, la nouvelle école Condorcet ouvrait ses portes, étalant son imposante façade sur le boulevard. L’école Campan donnait alors sur la rue Romuald Pruvost.
La ville consacra 1,6 millions de francs de l’époque à la reconstruction de ces deux établissements.
Condorcet abritait, en plus de ses classes d’enseignement supérieur, l’École Enseignement Primaire Supérieur Professionnel (EPS). Quelques années plus tard des ateliers et des classes d’EPS furent construits à part. L’école Condorcet est alors agrandie pour recevoir 600 élèves en 1932.
En 1945, les écoles Condorcet et Campan deviennent les Collèges Condorcet et Campan.
Dès la Libération, Auguste Lecœur, élu maire communiste de Lens, écrit : ‘’Le collège Condorcet est nettement insuffisant compte tenu de la population et du rayonnement de notre ville. Nous entendons poursuivre activement la réalisation du projet de construction du collège dont les études ont déjà été entreprises’’.
En 1948, le Docteur Ernest Schaffner succède à Lecœur dans le fauteuil de premier magistrat. Il reprend ce projet.
En 1953, le bulletin municipal annonce : ‘’La municipalité d’Ernest Schaffner, jugeant les locaux du collège Condorcet trop exigus pour absorber les enfants de la population de Lens et des environs décide de construire un nouveau collège’’.
Les travaux commencent en mai 1955 sur des terrains d’une surface totale de près de 2,7 hectares achetés par la ville dans le secteur du Marais, à l’extrémité de l’Avenue Raoul Briquet. Un plan d’ensemble du secteur est présenté à la population.
En septembre 1955, le nouveau collège Condorcet accueille ses premiers élèves. Seul le bâtiment A est ouvert, les autres seront fonctionnels pour la rentrée suivante.
A terme, il comportera six bâtiments renfermant des classes, un secrétariat, une cantine, un cabinet médical, des logements et un gymnase attenant à un terrain de sport en plein air.
L’entrée principale des élèves se situe au rond point de l’avenue Raoul Briquet face à la caserne des pompiers. Une autre est ouverte vers le parking de la rue Delots où les élèves rejoignent les bus de ramassage.
Le bâtiment A, du côté de l’avenue Raoul Briquet comporte sur ses 82 mètres 12 classes réparties sur trois étages. Il est entièrement occupé dès la rentrée de 1955.
Perpendiculaire au premier, le bâtiment B (rue Etienne Dolet) est long de 48 mètres et comprend l’entrée des services: administration (bureau du Principal, de l’économe, secrétariat), la salle du Conseil et la bibliothèque. A l’étage, on trouve des logements pour les enseignants. Devant ce bâtiment est aménagé un parking.
Le bâtiment C est parallèle au premier, ses 95 mètres abritent les classes spécialisées (physique, chimie) et l’enseignement ménager. Il est ouvert en septembre 1956. Ces trois constructions encadrent une cour de 4500 m2.
Le bâtiment D se situe au centre du complexe, il ne fait que 57 mètres et abrite 16 classes destinées à l’enseignement du second cycle et donne d’un côté sur une seconde cour de 1500 m2.
De l’autre coté se trouve le bâtiment E renfermant une cantine prévue pour 1000 repas journaliers et un cabinet médical. Dans son sous-sol se trouvent la chaufferie et … un garage à vélos de 50 m2.
Le bâtiment H, rue du 14 juillet abrite les logements du personnel de l’établissement.
A ses côtés se trouve le gymnase de 800 m2 comprenant tous le nécessaire pour les sports d’intérieur (agrès de gymnastique, terrains de basket, hand-ball, volley et tennis) ainsi que des vestiaires individuels et collectifs avec douches.
Entre le gymnase et le bâtiment D se trouve un terrain de sport de plein air en terre battue (il sera bitumé quelques années plus tard) avec piste d’athlétisme.
Afin que les jeunes gens du bassin minier poursuivent leurs études dans un cadre agréable, la municipalité agrémente le collège : pelouses, arbres, fleurs ….
Sans oublier le jet d’eau sur le rond point face à l’entrée où les élèves aiment se détendre en attendant la reprise des cours.
Une fois terminé, ce collège accueille pour la rentrée scolaire 1956, près de 2000 élèves.
Dès lors, Ernest Schaffner demande avec insistance au gouvernement de nationaliser Condorcet afin d’en faire un lycée. Cette requête aboutit et, lors d’un voyage dans le Nord-Pas de Calais en 1959, le Général De Gaulle inaugure à Lens le tout nouveau Lycée Condorcet.
Une anecdote est restée dans beaucoup de mémoire des jeunes lensois de l’époque. Désirant saluer les élèves présents dans la cour du lycée, le Général De Gaulle a voulu se pencher par une fenêtre qu’il croyait ouverte (ce qui prouve que le ménage avait été fait avec grande aaplication). Il heurta la vitre et une légère entaille au front nécessita quelques soins et un pansement.
Quelques célébrités sont passées par le Lycée Condorcet. Parmi elles, on peut citer : Daniel Percheron, Président de la Région Nord-Pas de Calais, Jean Claude Mailly, Secrétaire Général du syndicat FO, Philippe Lefait, journaliste à France Télévision, Michel Grailler, pianiste de jazz, Jacques Secrétin, champion d’Europe de tennis de table et les footballeurs du RCL dans le cadre de la formation ‘Sport-Etudes’ : Jean Guy Wallemme ou Philippe Vercruysse.
Depuis début août la guerre est déclarée, la ville et les puits de la Société des Mines tournent au ralenti depuis le départ des nombreux mineurs mobilisés. Les allemands sont aux portes de Lens. Certes, nous en avons déjà vu depuis le début de la guerre : d’abord ce jeune officier arrogant venus avec quelques complices début septembre pour menacer et voler les lensois et les lensoises. Puis ces mouvements de troupes, ces officiers envahissant l’ambulance installée dans l’école Condorcet pour y faire prisonniers les soldats français blessés.
Nous avons vu passer aussi dans notre ville ces malheureux réfugiés fuyant Douai et ses environs. Ils prennent la direction de Saint Pol sur Ternoise où ils pensent être en sécurité. Ces jours derniers, ils sont de plus en plus nombreux. Ils font une halte devant la mairie où Emile Basly, notre maire, leur donne un peu de nourriture avant qu’ils ne reprennent la route.
Depuis hier, d’autres groupes qui veulent fuir l’ennemi viennent de communes voisines : Sallaumines, Méricourt, Harnes ou Loison. Les évènements qu’ils nous relatent incitent aussi beaucoup de lensois à prendre le chemin de l’exode. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que 16 000 en ville contre 35 000 il y a encore un mois.
Les troupes allemandes qui ont traversé Lens nous ont laissé une mauvaise impression et nous font craindre le pire en cas d’invasion. Il y a quelques jours, nous avons repris espoir en voyant arriver un régiment de goumiers nord-africains. Mais ils sont repartis avant-hier en nous promettant toutefois de revenir bientôt.
Nous avons peur. La ville est isolée : aucun train ne circule, la navigation est interdite sur le canal, la poste ne fonctionne plus. Comme il n’y a plus de journaux il nous est impossible d’obtenir des nouvelles des combats dans la région.
Aurons-nous encore du pain pour longtemps ? Nous avons appris que les frères Deligne, les derniers meuniers de Lens, se sont enfuis hier emportant des pièces de leur moulin à gaz afin de l’empêcher de fonctionner.
Hier dans la journée, un escadron de dragons est arrivé et s’est dirigé vers Loison en prenant position à la sortie de Lens sur la route de Lille et dans le quartier du Marais. Cette nuit, une compagnie de chasseurs à pied cyclistes est entrée en ville. Les soldats ont se sont postés entre le pont de Douai et la gare, le long du canal. Ils veulent, nous a-t-on dit, reprendre le cimetière où se trouve des troupes allemandes.
Ce matin peu avant la messe de 6 heures, nous avons entendu les premiers tirs d’artillerie du côté du pont de Douai et vers Loison. Les allemands avançaient vers le canal. Quelques groupes tentaient de le traverser en barque mais étaient encore repoussés par nos soldats qui utilisaient les wagons des mines comme abri. La fosse 5 vers Avion était déjà occupée par l’ennemi.
A 6 heures, les cloches de l’église Saint-Leger ont sonné pour annoncer la messe. Peu de lensois s’y sont rendus. Le chanoine Occre a d’ailleurs aussitôt renvoyé ses fidèles et leurs a conseillé de rester chez eux. Les seuls qui osèrent sortir ne le firent que pour fuir vers Saint Pol sur Ternoise. Pourtant, on raconte que quelques lensois intrépides seraient montés au sommet du clocher de l’église St Léger pour assister aux combats.
Cette bataille faisait rage le long du canal. Nous avons appris que Madame Julia Olivier, qui habite le chemin du Halage a été la première lensoise à périr sous les tirs allemands.
Dans la matinée, les soldats de l’escadron de dragons se replièrent dans la cité du Vieux Condé, près de la fosse 2. L’ordre leur a été donné de se regrouper avec les chasseurs sur la place de la République. Les premiers soldats allemands ont alors réussi à traverser le canal.
Vers 11h00, les troupes françaises reçurent l’ordre de se replier vers Liévin et les collines de Lorette. L’un des dragons, Henri Fernand, originaire de Blois n’en eut pas le temps, il a été abattu sur la place de la Gare. Il est le premier soldat français mort à Lens. A midi, toutes les troupes françaises avaient abandonné la ville nous laissant à la merci des envahisseurs.
Pourtant les allemands continuèrent à pilonner la place de la République faisant une deuxième victime civile, Monsieur Brutsaert. A la fin de la journée, on comptera 6 victimes civiles lensoises. Les habitants se sont terré dans les caves. On a vu des maisons en flamme dans le quartier de l’Abattoir.
Dans l’après midi, on constata une légère accalmie. Il n’y avait plus aucun soldat français en ville. Des troupes allemandes se sont positionnées au pont de Douai, dans le quartier du Marais et sur la route d’Avion. Elles attendaient l’ordre d’entrer en ville. De nombreux lensois profitèrent de ce répits pour entasser ce qu’ils pouvaient sur des chariots de fortune qu’ils attelèrent rapidement pour fuir la ville.
Monsieur Thellier de Poncheville est allé à Sallaumines où il tient une brasserie. Il a aussitôt été intercepté par un colonel ennemi qui l’a promptement renvoyé à Lens afin de remettre à Emile Basly l’ordre de se présenter rapidement au quartier militaire allemand.
Le maire est arrivé à Sallaumines à 4 heures. Il a immédiatement été fait prisonnier; l’officier allemand le rendant responsable du fait que des civils lensois auraient tiré sur des soldats de l’armée germanique et seraient montés dans le clocher de l’église.
Il a ordonné à Basly de parapher deux messages pour la population que Thellier de Poncheville a apportés à Lens et fait afficher à la mairie. Le premier concerne l’interdiction faite à la population de pénétrer dans l’église, le second menace les lensois des pires répressions en cas de manifestations.
C’est après avoir obtenu l’assurance qu’aucun soldat français ne restait dans la ville que, vers cinq heures du soir, le commandant des forces allemandes donna l’ordre à ses troupes d’entrer dans Lens.
Toute la soirée, les lensois assistèrent au défilé de militaires ennemis. Par groupe, les soldats du Reich se rendirent dans les écoles et autres bâtiments publics ou privés afin d’y installer leur bivouac. Les officiers choisirent les plus belles maisons de Lens comme logement, exigeant de l’habitant gite et repas bien arrosé. D’autres se sont rendus à l’hôtel des Voyageurs et ont exigé de se faire servir un copieux repas.
Pendant ce temps, du côté de la cité de la fosse 11, le médecin-chef de l’hôpital des mines évacuait vers Arras dans un train de marchandises quarante-huit militaires français gravement blessés afin de les soutirer à l’ennemi.
Vers neuf heures, dans la nuit, on a pu distinguer un convoi de civils encadrés de militaires venant de Sallaumines, longer le canal et prendre la route d’Arras. Parmi ces civils se trouvait Emile Basly.
On ne sait aujourd’hui combien de temps durera cette occupation : des jours, des semaines, des mois ? Mais on imagine qu’elle sera pénible et difficile à vivre pour les lensois. Ce que nous ont rapporté les réfugiés des communes voisines nous font craindre le pire. Ils définissaient les soldats allemands d’ivrognes rustres, arrogants, tyranniques, voleurs et même violeurs …
Aujourd’hui, si on demandait à un jeune lensois à quoi correspond le nom de René Lanoy. la réponse serait certainement : ‘’C’est une rue qui va de la place Jean Jaurès à celle du Cantin’’. Cependant, pour les plus anciens, elle est et sera toujours appelée ‘rue de Lille’.
Pourtant, elle est dénommée officiellement ‘Rue René Lanoy’ depuis le 14 septembre 1947 suite à une délibération du Conseil Municipal dirigé par le maire communiste de Lens Auguste Lecœur assisté de son adjoint Roger Pennequin tous deux eux-mêmes anciens Résistants.
A l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la libération de Lens le 2 septembre 1944, il est important de rappeler quel grand Résistant fut René Lannoy.
Né le 11 septembre 1910 à Bruille-lez-Marchiennes, petit village au nord d’Aniche, René Lanoy est professeur de sciences-naturelles à l’école normale de Douai à la déclaration de la guerre. Communiste de toujours, il entre dans la Résistance dès 1940.
En mai 1941, il créée le comité clandestin de libération du Pas-de-Calais et devient responsable du réseau Front national dans le Douaisis et le Cambresis. Ce Front National, qui n’a rien à voir avec le parti politique qui aujourd’hui porte le même nom, est créé par le parti communiste et regroupe au sein de la Résistance les patriotes français quelques soient leurs opinions.
En août 1943, René Lanoy devient responsable de la direction départementale du Pas-de-Calais, fonction qu’il exercera jusqu’à la libération sous le pseudonyme de «Gilbert». Il assure la diffusion du journal clandestin Le patriote du Pas-de-Calais. Il est décédé accidentellement alors qu’il se rendait à un congrès du Front National du Pas-de-Calais qui se tenait à Arras.
Son épouse Suzanne née Blin que René avait épousée en novembre 1940 était professeur d’histoire au collège des filles à Douai. Egalement engagée dans la Résistance en 1940, elle était chargée de la rédaction des publications clandestines. En octobre 1942, elle est arrêtée par la police française, mais est relâchée.
Le 2 mars 1944, elle est de nouveau arrêtée par la gestapo qui perquisitionne à son domicile et retrouve des documents en lien avec la résistance.
Torturée pendant plusieurs jours au siège de la Gestapo à Douai, elle meurt le soir du 6 mars 1944, sans avoir livré de noms de résistant du Front National. Elle avait 31 ans et un enfant de 16 mois.
S’il est un homme qui a bien marqué son époque et laissé de nombreux souvenirs dans les mémoires des lensois, c’est bien Taraderuse (ou Taraderuze).
Pourtant Taraderuse n’est pas un homme, ou si peu. Taraderuse est un géant, LE géant de Lens ; et même si sa vie a été éphémère, il est encore aujourd’hui un personnage reconnu et aimé des anciens lensois.
Après la seconde guerre mondiale, la ville de Lens a besoin de se reconstruire à nouveau et le budget municipal est alloué en priorité à effacer les cicatrices laissées par les bombardements; aucun financement ne peut être consacré à l’organisation de festivités. En 1956, Lens a repris pratiquement son aspect d’avant-guerre. La municipalité d’Ernest Schaffner peut maintenant penser à offrir à la population de quoi s’amuser et faire la fête.
Ainsi, le Conseil Municipal décide que les ‘fêtes de la Renaissance de Lens ‘ auront lieu du 3 au 17 juin et que le grand défilé des associations sera programmé le dimanche 10 juin.
Toutes les sociétés sportives, musicales et culturelles sont invitées à défiler dans les rues de la ville. Pour cela, elles préparent costumes, chars fleuris, déguisements ….
Le rassemblement des géants du Nord à Lille quelques semaines auparavant donne l’idée aux membres d’un comité du centre-ville de créer …. un géant lensois. Que pouvait représenter ce géant dans la capitale du pays minier ? Et bien, un mineur, bien sur.
Et ainsi naît Taraderuse. Vêtu de sa longue veste de toile bleue retenue par une ceinture de cuir, coiffé de sa barrette dissimulant à peine son béguin, il porte sur l’épaule son pic et tient de la main droite sa lampe de mineur.
Taraderuse tire son nom d’une phrase du langage picard, dont le patois est quasiment similaire à celui du Pas de Calais. Dans le ‘Glossaire de mots picards, termes et expressions encore en usage’, on peut lire : « Ruses (avoir des ruses) : avoir des difficultés ». On peut donc traduire le nom de notre géant » Taraderuse » ainsi : « Tu auras du fil à retordre ». D’après la légende qui rapporte son histoire, c’est ce que répondait Sophie Bouboute, la mère de Taraderuse lorsque celui-ci lui faisait part de son intention de chercher une épouse.
Une autre version, rapportée dans un article de La Voix du Nord par Amand Mahieu en 1972, évoque un roman qui serait paru après la seconde guerre mondiale. Dans ce texte aujourd’hui introuvable, il aurait été question de la naissance d’un enfant de mineur à qui le père disait, en patois bien sur « Je n’ n’ai eu des ruses. Min père, y n’a eu. Ti aussi, té n’n’auras… ». Et c’est ainsi que l’enfant fut appelé Taraderuse.
Pour les anciens lensois, ceux qui ont connu les défilés des géants, c’est uniquement la première version qui est restée dans les mémoires.
Quand à celle qui soutient que ‘T’aras des ruses’ peut être traduit par « Tu auras des ruses » (‘ruses’ prenant ici le sens de ‘astuces’ ou ‘feintes’), elle est très peu vraisemblable.
Ce même article qualifie notre géant ainsi : ‘Très haut et très puissant seigneur Taraderuze, premier du nom et tenant du titre de protecteur des mineurs’. Notre bonhomme avait-il vraiment le rôle de protecteur des mineurs ? Rien n’est moins sur si on s’en réfère aux autres ouvrages consacrés aux géants du Nord-Pas de Calais.
Les géants ont en effet toujours eu vocation de faire rire, d’amuser les populations. Lors de fêtes populaires du moyen-âge, ceux représentants les seigneurs étaient la cible de quolibets, de crachats et même de coups de pieds ou de poing de la part du peuple. Les géants sont loin d’avoir des facultés divines et sont même très mal fut par l’église catholique. Ils n’ont d’ailleurs jamais été autorisés à participer à des processions religieuses.
Notre ami Taraderuse n’aurait-il pas lui-même fini en enfer ? C’est dans ces lieux que le dessinateur de La Voix du Nord Saint-Yves le représentait en 1972.
Ce dessin était-il prédestiné ? Selon certaines sources, remisé dans un hangar communal il aurait péri dans l’incendie de ce local dans les années 70.
Mais revenons à ses origines. C’est le dimanche 10 juin 1956 que Taraderuse est baptisé. Dans la matinée, il arrive, précédé de l’harmonie municipale et de la fanfare des sapeurs-pompiers, sur la place Jean Jaurès. Il y rejoint Rosalie Tata et Binbin, le géant de Valenciennes. Vont-ils lui servir de marraine et de parrain ? L’histoire ne le dit pas. Devant le Docteur Ernest Schaffner, Député-maire de Lens et de nombreuses personnalités locales, notre géant est fait citoyen d’honneur de la ville et membre d’honneur du Supporter-Club Lensois. Il passera l’après midi à arpenter les rues de Lens afin de se présenter à tous les habitants. Nul doute que le soir, ses porteurs devaient être épuisés même s’ils se relayaient car à cette époque, les géants étaient portés. Ce n’est que plus tard qu’ils furent équipés de roulettes.
Taraderuse n’était pas le seul géant de Lens. Il y eu d’abord Sophie Bouboute. C’était donc la mère de Taraderuse. Il n’est pas facile de trouver trace de cette brave Sophie. On dit même que, finalement, le personnage de Sophie serait resté à l’état de projet et n’aurait jamais vu le jour.
L’amie de Taraderuse, sa tante selon certains, sa ‘fiancée’ selon d’autres, c’était bien sur Rosalie Tata. Elle fut créée par une association de commerçants du quartier de la place Jean Jaurès en 1956 également. La légende veut que Rosalie Tata venait de Bully-les-Mines à Lens avant la première guerre mondiale pour y vendre des gâteaux et des ‘miettes’. Ce commerce lui servait à nourrir sa famille.
Rosalie Tata, coiffée de son chignon, son fichu sur les épaules, portait au bras un sac de toile contenant une botte de poireaux et d’où dépassait la tête d’une oie.
En 1956 également naquit un autre géant, Vulcain. Créé par les ‘Câbleries-Laminoirs-Tréfileries Lensoises’ dont l’usine se trouvait rue de Londres, Vulcain changea vite de nom pour devenir ‘Ch’Guss Trefil’.
Ainsi depuis 1956, les trois géants de Lens sont de tous les défilés. En dehors des périodes de festivité, ils montent la garde devant la porte de la mairie de Lens qui porte encore les traces de la dernière guerre.
Les géants sont à la mode. D’autres associations ou entreprises envisagent d’en construire : le comité de la rue de Paris, le groupement des cafetiers de Lens et même le groupe Lens-Liévin des HBNPC. Une association de la rue de Lille annonce même la naissance d’un géant à l’effigie de Maurice Garin, le premier vainqueur du Tour de France cyclisme qui tient un garage près de la place du Cantin. Mais aucun de ces projets ne vit le jour.
Taraderuse, Rosalie Tata et Ch’Guss Trefil ne furent invités aux fêtes de Lens que pendant une dizaine d’année seulement mais ils étaient si populaires qu’on a l’impression de les avoir toujours connus.
C’est lorsqu’André Delelis succéda à Ernest Schaffner comme premier magistrat de la ville en 1966 que les géants disparurent des fêtes de Lens dont l’organisation fut modifiée. Le but était que les lensois ne soient plus simplement spectateurs mais participants. Les fêtes ont alors lieu sur la place de la République puis plus tard, sur le parking du stade Bollaert.
Certaines sources évoquent que des divergences entre les commerçants du centre-ville, propriétaires des géants et le nouveau maire seraient à l’origine de la disparition des géants des fêtes municipales. Ceux-ci restent enfermés dans un garage municipal dans le quartier du Marais jusqu’à la fin de leur vie.
Ainsi se termine tristement l’histoire de Taraderuse, Rosalie Tata et Ch’Gus Trefil.
En juin 2014, la municipalité organise dans les rues de Lens une grande fête avec représentations de théâtre, de numéros de cirque avec clowns, danses… En hommage à notre géant, cette fête porte le nom de « Taraderuze, le festival des arts de rue ».
Au début de ce siècle, un autre géant est né à Lens. Créé par le club de supporters du RCL ‘le douze lensois’, ‘Ch’meneu‘ a été baptisé le 25 avril 2002. Il tire son nom du ‘meneu de quévaux’ qui tirait les chevaux attelés aux trains de berlines. Depuis, ‘ch’meneu’ est celui qui entraîne les gens à faire la fête.
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