La mémoire est une fonction du cerveau très compliquée. Pourquoi un souvenir stocké pendant des années ressurgit un jour à la simple vue d’un document, d’un objet ou d’une image ? C’est ce qui m’est arrivé il y a peu de temps. La découverte, au service des archives municipales de Lens de la photo d’une ancienne salle d’opération de l’hôpital Schaffner a fait revenir à la surface l’histoire totalement véridique ci-dessous.
Les années cinquante touchent à leur fin. Dans un coron de la cité de la fosse 14, un petit garçon a mal au ventre depuis plusieurs jours. Sa maman décide de faire quérir le médecin des mines.
Le docteur Montagne arrive, son éternelle cigarette vissée au bec. La maman explique : ″Mal au ventre, vomissements, température…″.
Le docteur fait allonger le garçon sur la table de la salle à manger et l’ausculte. Son verdict : ″Appendicite, opération, hospitalisation.″ Il s’assoit, allume une nouvelle cigarette et rempli les papiers.
Quelques jours plus tard, le petit garçon est couché dans une chambre à deux lits de l’hôpital cher au Docteur Schaffner. Il n’a pas peur, il est plutôt impressionné par toutes ces personnes en blouse blanche qui s’occupent de lui. Dans le lit voisin, un autre garçon, un ‘vieux’ de treize ou quatorze ans qu’il connait de vue. Il doit être aussi de la ‘fosse 14’.
Le lendemain, deux hommes en blancs viennent chercher le petit garçon, le couche sur un chariot, le sangle, le conduisent à travers les couloirs de l’hôpital, prennent les ascenseurs.
Le petit garçon est installé dans une grande salle bizarre où on l’allonge sur une table. Une énorme lampe est allumée au dessus de lui et l’éblouit. Une dame lui parle gentiment, lui fait une piqure dans le bras. Au revoir… il dort.
La suite, c’est sa maman qui lui a raconté beaucoup plus tard. Le jour de l’opération, dès l’heure du début des visites autorisées, elle arrive dans la chambre. Le lit du garçon est défait, les couvertures jetées de travers. Où est-il ? Elle interroge son voisin de lit. ″Ils l’ont repris, son cœur s’est arrêté de battre !″. La maman a les jambes coupées, elle s’effondre sur le lit !
On vient vite la rassurer, le garçon va bien. Il a eu un problème au moment de se réveiller et est en salle de réanimation. Peu de temps après, il est de retour dans sa chambre et se demande pourquoi tant d’agitation et de larmes autour de lui. On ne saura jamais ce qui s’est passé. On apprendra plus tard qu’au moment de lui ouvrir le ventre, un cas urgent est arrivé et que son opération a été retardée de quelques heures. Est la cause du malaise ?
Aujourd’hui, le petit garçon est devenu vieux mais quand il passe devant l’entrée de l’hôpital de Lens, sur la route de La B
Lorsque j’ai appris le résultat du tirage au sort des seizièmes de finale de la coupe de France de football, de nombreux souvenirs me sont revenus. Le RC Lens affrontera dans quelques jours l’équipe de Bastia. Loin de vouloir relancer d’anciennes rancœurs ou des envies d’affrontements, je ne peux laisser passer l’occasion de relater cette page d’histoire, de notre histoire à nous, les lensois.
Je me retrouve tout à coup quarante-deux ans en arrière, le dimanche 14 mai 1972.
Quelques années auparavant, notre RC Lens a bien failli mourir. Les HBNPC, ‘les mines’ comme nous disions, vivaient leurs derniers moments et avaient décidé de grandes coupes dans leurs finances. Le Racing était sacrifié comme l’avaient été la quasi-totalité des chevalets de nos cités.
Et pas de Mamadov en ces temps là ! C’est le Maire de Lens d’alors, André Delelis, qui prend les choses en main. Lens ne pouvait se passer de la seule attraction qui, toutes les deux semaines, attirait des milliers de mineurs ‘aux matches’.
Le club continuerait d’exister, d’abord en vivotant dans le championnat de France des équipes d’amateurs. Au début des années soixante-dix, une réforme de l’organisation des compétitions permet au RCL de disputer le championnat national, la seconde division de l’époque qui regroupait en deux groupes des équipes professionnelles et les meilleurs clubs amateurs.
C’est dans ce championnat qu’évoluent les Sang et Or lors de la saison 1971-1972. Plutôt pas mal, d’ailleurs : ils terminent la saison à la troisième place.
La Coupe de France s’ajoute au plaisir des supporters. Les équipes de Quevilly, Châteauroux, Mantes-la-Ville et du Red-Star de Saint Ouen subissent la loi des joueurs lensois.
Ils sont plutôt talentueux, ‘nos’ joueurs et possèdent surtout l’esprit d’équipe et la volonté de s’en sortir des hommes du pays minier.
Point de recrues issues d’autres continents à cette époque. Nos renforts étrangers viennent d’un pays connu et ami : la Pologne. C’est souvent de là-bas que sont arrivés ceux qui, au fond, grattaient les parois noires et poussiéreuses des galeries avec les mineurs français. Ils sont venus et se sont installés, faisant du Bassin Minier leur seconde patrie.
Dans l’effectif du club de 1972, les Lannoy, Lhote, Macquart, Hédé ou Elie côtoient plusieurs joueurs d’origine polonaise, de ‘la deuxième génération’ comme on dirait aujourd’hui : Kalek, Cieselski, Marzalec, Janizewski, Wolniak, Zuraszek. Leur entraîneur aussi était venu de là-bas pour extraire l’or noir avant d’avoir la chance d’être repéré d’abord comme un excellent gardien de but puis comme un très bon meneur d’hommes : Arnold Sowinski.
Pour élever le niveau de l’équipe, les dirigeants ont fait venir deux joueurs du pays de la mer Baltique. Nos immigrés d’alors se nomment Eugenius Faber et Richard Gregorczyk, deux hommes qui symboliseront le renouveau du Racing.
Leur talent et leur courage exemplaire font de ces deux joueurs des pièces indispensables de l’effectif. Ils sont donc présents lors du match ‘aller’ de cette demi-finale de la Coupe de France au stade Furiani de Bastia le 10 mai.
L’ambiance est électrique. Les jeunes joueurs lensois sont impressionnés, l’arbitre peut-être aussi.
Peu de lensois verront ce match : il n’y a pas de retransmission télévisée à l’époque. C’est l’oreille collée au transistor que les lensois apprennent par Jean Crinon, le fougueux et explosif reporter de Radio Lille que les bastiais remportent le match pas trois buts à zéro.
Mais les lensois apprennent aussi que l’ambiance en dehors du terrain a été terrible. Un climat ‘anti-Lensois’, issu d’un climat ‘anti-continent’ régnait partout en ville. On racontera que des voitures immatriculées ‘62’ ont été jetées dans le port de Bastia. Humiliés, battus et vexés, tous les lensois le sont alors.
En réponse, pour le match ‘retour’, ils vont se mobiliser. Henri Trannin, dirigeant emblématique du club, lance un appel au peuple. Ce n’est pas le RCL qui a été humilié en Corse, c’est tout le Bassin Minier. Il faut que les ‘gueules noires’ se regroupent et prouvent au pays entier qu’ils ne sont pas morts.
La veille du match, une indiscrétion permet de savoir que la délégation corse passerait la nuit à l’Hôtel de Flandre, près de la Gare. La nouvelle fait tâche d’huile. Les lensois se relaient sous les fenêtres, utilisent tous les moyens pour faire du bruit : klaxons, trompettes, pétards, tonneaux roulés sur les pavés…. A tel point que les responsables du club corse décident de faire transférer leur délégation à Arras afin de pouvoir dormir un peu.
Le dimanche 14 mai, les lensois mangent tôt bien que le match ne soit programmé qu’à dix-sept heures. Il faut être de bonne heure au stade pour avoir une place car il n’y a pas encore de réservations. On sait aussi que l’on va rester plusieurs heures debout : les places assises, ‘c’est pour les riches’ !
De notre maison des corons de la fosse 14, nous partons à pied. Près de quarante-cinq minutes de marche ne nous font pas peur. De toute manière, on n’aurait pas trouvé de place pour se garer, même pour ma petite 4L.
Nous descendons par la Route de La Bassée en groupe. Mes sœurs, des copains, celui qui allait devenir mon beau-frère, celle qui allait devenir mon épouse et mon père qui, a soixante-dix ans, n’aurait surtout pas voulu rater cet événement de portée ‘lensoise’. Ce fut son dernier match à au stade Bollaert.
En passant devant la gare Sainte Elisabeth et le carreau de la fosse 1 fermée et remblayée l’année précédente, on sent que la tension monte. Ce ne sera pas un match ordinaire ! Tout Lens est là. Nous serons plus de 22000 dans les gradins, serrés comme des sardines.
A l’entrée, on achète le journal du club, ‘Sang et Or’ que l’on conservera en souvenir.
Nous avons trouvé des places ‘en secondes’, la tribune couverte de tôles face à la tribune officielle. C’est là que se regroupaient déjà les groupes de supporters.
La foule est partout : sur les toits des tribunes, sur les poteaux d’éclairages, dans les arbres mais aussi sur la pelouse même tout proche des lignes délimitant l’aire de jeu. Aujourd’hui, il est certain que l’arbitre du match, Monsieur Debroas, n’aurait pas donné le coup d’envoi de la rencontre pour des raisons de sécurité.
Lorsque les équipes pénètrent sur la pelouse, c’est une bronca énorme : le stade Bollaert en tremble sur ses bases. Chaque action lensoise est vivement encouragée. Chaque action corse est huée et sifflée.
Le gardien de but corse d’origine yougoslave se nomme Pantélic. Une grande banderole est installée derrière le but : ‘Pantélic, pends tes loques’. L’homme passera la rencontre à sauter pour éviter les nombreux pétards lancés dans ses jambes par les spectateurs sous les yeux quasi indifférents de quelques rares policiers. Sur une autre banderole était écrit : ‘Allo Napoléon, ici Waterloo’’.
Dans les tribunes, un petit groupe d’hommes est repéré comme étant des supporters corses. Quelques lensois avaient prévu : des litres d’eau se déversent sur eux avant qu’ils ne soient aspergés de sacs de farine !
Mais tous ces événements ne sont en aucun cas méchants, il n’y aura aucun blessé, aucune bagarre. Cette ‘revanche’ n’est finalement qu’une grande fête comme seuls les chtis savent en faire.
Le déroulement du match ne restera pas le principal des souvenirs. Lens marqua deux fois en première mi-temps par Faber et Zuraszek. Après chaque but, la pelouse est envahie par ces milliers d’inconditionnels.
La deuxième mi-temps ne permet pas aux joueurs du RCL de marquer le troisième but tant espéré. La partie se termine avec une élimination mais avec le sentiment que les gens du Pays Noir ont, devant toute la France, largement lavé l’affront de Furiani.
C’est fini ! Les spectateurs quittent le stade lentement, serrés les uns contre les autres le long de la rue menant au pont Césarine comme lors d’une procession funèbre. Parmi les nombreux commentaires, on entend souvent : ‘On a
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.