Le 6 novembre 1929, la Société des Mines de Lens devient propriétaire de la totalité d’un terrain de treize hectares soixante dix-huit limité par la voie ferrée de Lens à Dunkerque, les carreaux des fosses 1 et 9 et la route de Béthune.
L’idée de Félix Bollaert, le président du conseil d’administration de la compagnie est de faire de cet espace un lieu d’activités de plein air pour les familles des mineurs. La politique de la compagnie est d’encadrer au mieux les loisirs de ses ouvriers afin que leur attention ne soit pas toujours occupée par des idées revendicatives.
Au début des années trente, la lutte que se livrent la compagnie et le syndicat des mineurs est intense. Ce dernier est depuis le début du siècle à la tête de la ville. Emile Basly puis Alfred Maës, deux anciens mineurs, leaders du puissant syndicat occupent le fauteuil de maire et sont députés de la circonscription.
Pour marquer sa puissance, la Société des Mines de Lens, propriétaire de la grande majorité des terrains autour du centre-ville, s’est établie aux portes de la cité. Sa reconstruction après les dégâts occasionnés par la Première Guerre Mondiale est maintenant terminée. Les Grands Bureaux, sièges de la direction et des services administratifs, fonctionnent dès 1929. La compagnie possède son propre réseau ferroviaire, ses propres quais de manutention le long du canal, ses propres usines électriques, sa propre gare. Pour les familles de mineurs, elle dispose de logements bien sur mais aussi d’écoles, de centres ménagers, de coopératives, de salle des fêtes, de stades et même d’églises.
Afin d’asseoir définitivement son indépendance vis-à-vis de la ville et
de ses élus socialistes, il ne lui manque qu’un grand complexe sportif.
En outre, ses dirigeants ne sont pas insensibles à la notoriété
naissante de l’excellent club régional qu’est le Racing Club Lensois.
Depuis 1924, la compagnie a créé son club, la Section d’Education Physique de la Compagnie des Mines de Lens dont le siège social se trouve aux Grands Bureaux. Mais cette association, dont le secrétaire est l’ingénieur Dubouchet, n’a pas la notoriété du RCL. Elle deviendra omnisport quelques années plus tard en s’associant avec ‘Gwiada’ sous le nom de l‘AS Lens … et la section ‘football’ devra quitter le stade des Mines pour celui de la cité de la fosse14.
Car ce qu’on appelle aujourd’hui le stade Bollaert-Delelis n’a pas été édifié pour le RCL. En 1930, lorsque débute la construction du stade, le plus important club de football de la ville évolue en division d’honneur régionale. C’est un bon club amateur qui fut créé au début du siècle par des commerçants lensois afin d’offrir des structures à leurs lycéens ou étudiants de fils. Ses deux derniers présidents, René Moglia et Georges Renoult sont bonnetier et importateur de café à Lens.
Les rencontres se déroulent au stade de l’Est, à l’extrémité de l’Avenue Raoul Briquet dont la rénovation vient de se terminer. Il le partage avec le club municipal de l’USOL (Union Sportive et Ouvrière de Lens). Un autre stade sera construit par la ville à partir de 1933 sur l’Avenue de Liévin (qui deviendra Avenue Alfred Maës). Il disposera d’un vélodrome et sera mis à la disposition des ‘sociétés bénéficiant de l’aide de la municipalité’ et des enfants des écoles communales.
Cette municipalité aide le Racing Club Lensois. Une subvention annuelle lui est allouée et il bénéficie de la gratuité de l’utilisation du stade Raoul Briquet pour les rencontres de l’équipe fanion mais aussi pour les entraînements et les matches d’équipes de jeunes. En 1931, alors que le stade des Mines est en construction, le RCL fête ses vingt-cinq ans à la mairie de Lens où joueurs et dirigeants sont reçus par Alfred Maës et tous les élus. Un banquet de cent cinquante personnes parmi lesquelles on ne voit aucun des dirigeants de la société minière est offert dans la salle de l’Alambra. Il n’est pas envisageable à cette époque que ce club devienne un jour professionnel sous la houlette de la compagnie.
En ce début des années trente, Félix Bollaert et Ernest Cuvelette, Agent Général de la Société des Mines de Lens, adoptent les plans proposés par l’Ingénieur de la compagnie, Auguste Hanicotte. La construction du stade peut commencer. La compagnie ressent les effets de la crise de 1929 : la vente du charbon s’est considérablement ralentie. Mais la Société des Mines de Lens reste une des plus riches entreprises de France. Ce qui est produit ne sert qu’à constituer des stocks pour les jours meilleurs et de nombreux mineurs sont mis au chômage. Plusieurs grèves son déclenchées dans le bassin minier.
Félix Bollaert prend alors la décision de faire construire le stade par ses ouvriers de la fosse 5 dont l’activité est totalement arrêtée. Ils sont ainsi cent quatre-vingt à rejoindre tous les jours le site de construction.
En 1933, cet immense complexe sportif est terminé. Il comporte un terrain principal engazonné entourée d’une piste d’athlétisme en terre battue et de deux zones de lancer et de saut. En allant vers la pépinière (site du jardin public actuel), on trouve un terrain de football et deux terrains de basket. Du côté de la cité minière du 9, une perche pour la pratique du tir à l’arc a été installée sur un terrain aménagé. Le tout est situé dans un site boisé où peut se pratiquer le cross-country. L’accès au stade s’effectue par une rue percée en direction de l’Avenue de Liévin du coté du centre-ville et par un pont étroit qui surplombe les voies ferrées des mines reliant les différentes fosses du côté de la cité du 9 bis.
D’un côté du terrain principal, une tribune de six cents places assises a été édifiée. Tout autour de la pelouse, des gradins peuvent recevoir près de sept mille spectateurs dont deux cents d’entre eux sont abrités de la pluie grâce à deux petites tribunes du côté de la fosse 1.
Le terrain principal est appelé à recevoir les concours de gymnastique
et d’athlétisme ainsi que les représentations de préparations
militaires. Ainsi, les spectateurs peuvent apprécier les démonstrations
de mouvements d’ensemble, les pyramides humaines, les défilés militaires
….
Le stade des Mines quelques années après son inauguration: la tribune
d’honneur a été agrandie. En bas, la perche de tir à l’arc et les aires
d’athlétisme encadrées par les lignes de chemin de fer (à droite celle
des mines; à gauche, le ligne Lens-Dunkerque des Chemins de Fer du
Nord). Derrière le stade principal, on aperçoit le terrain
d’entraînement et les terrains de basket. A gauche, les installations de
la fosse 1.
La Compagnie de Lens met aussi ses installations à la disposition des Sociétés Gymniques des cités minières comme l’Association Saint Edouard (cité 12), la Société Sante Barbe (cité 4) ou le cercle Saint Pierre (cité 11). Les écoles des cités viennent aussi y pratiquer le sport. Y sont organisés des camps de vacances pour les enfants des mineurs. Ce stade est, après les Grands Bureaux, l’un des symboles de la puissance de la compagnie.
Le 18 juin 1933 est le jour de l’inauguration du nouveau Stade des Mines de Lens.
L’annonce de la manifestation est parue dans la presse locale comme le Journal de Lens : ″Nos concitoyens auront l’avantage de visiter et d’admirer le magnifique et grandiose parc des sports, édifié par la Société des Mines de Lens au cœur même de la ville″.
Tout ne monde ne partage pas cette enthousiasme. La Tribune des Mineurs, le journal du syndicat, reproche en ces temps de crise financière ″des dépenses folles et inutiles pour ces vastes terrains de sport qui servent à l’occasion à faire des victimes en les laissant sur le pavé″. Félix Bollaert n’est pas du même avis : ″Notre jeunesse si nombreuse n’était pas à l’aise dans ses mouvements. Le stade qu’on inaugure aujourd’hui lui permettra de les perfectionner. ″
Dès le matin du 18 juin, des messes spéciales sont dites à l’église Saint Leger, à la chapelle Sainte Elisabeth et à l’église Saint Barbe de la cité de la fosse 4. A 11 heures, un concours musical au carrefour de des Grands Bureaux et dans la rue Bollaert.
Le midi, dans la des salles des fêtes des Grands bureaux est offert un banquet par la compagnie. C’est à 13 h 30 que les portes sont ouvertes au nombreux public. Beaucoup de spectateurs arrivent par la gare Sainte Elisabeth, la Société des Miens de Lens a mis en place de nombreux trains supplémentaires.
De nombreuses associations sportives dépendant des compagnies minières de la région sont invitées. Elles viennent de Barlin, Grenay, Billy-Montigny, Bruay, Meurchin, Loos-en-Gohelle, Liévin, Mazingarbe, etc. Des clubs ‘amis’ sont également présents comme le RC Arras ou le club de boxe de Calais. La qualité du spectacle est assurée avec la participation des champions du Bataillon de Joinville. On remarque aussi une forte délégation d’associations polonaises c’est pourquoi retentirent dans le stade, les hymnes nationaux français et polonais.
Après un défilé de cinq mille gymnastes autour du stade, peuvent commencer les démonstrations sportives accompagnées par l’harmonie des Mines de Lens et par la fanfare Saint-Amé : Courses de plat et de haies, le grimper à la corde, le saut en hauteur, à la perche, lancer du disque, du javelot et du marteau, le saut du cheval. De nombreux prix d’une valeur totale de 40000 francs sont offerts aux meilleurs. Les garçons et les filles des écoles des Mines de Lens font une démonstration de mouvements d’ensemble.
A 21h30 débute la seconde partie de la journée avec une fête de nuit. Des spectacles de danses et de ballets sont présentés sur trois podiums installés sur le terrain principal.
Mais aucun match de football n’est organisé lors de cette fête.
Pourtant, on ne peut imaginer que Félix Bollaert n’a pas une idée derrière la tête. Depuis deux ans, les clubs sont ‘autorisés à rémunérer leurs joueurs’. Certaines grandes entreprises, comme Peugeot à Sochaux, se sont lancées dans l’aventure du football professionnel. Au Racing Club Lensois, Jules Van den Weghe, fils du premier président du club, a remplacé Renoult.
En 1933, le nouveau président a inscrit le RCL comme prétendant au professionnalisme mais comme il s’y est pris trop tard, le club n’a pu être engagé dans le championnat national. Cela ne convient pas à tous, le journal socialiste ‘le Populaire’ écrit le 3 mars 1934 : ″La saison prochaine, le RC Lens, l’US Boulogne, le FC Dieppe et le Stade Malherbe de Caen accèderont au professionnalisme. Encore quatre qui n’ont rien compris″.
Le 10 mars 1934, une réunion est organisée entre les représentants de la Société des Mines et les dirigeants du club. La compagnie est prête à subventionner le club, à offrir à l’équipe première ses installations du Stade des Mines et à proposer à tous les joueurs professionnels un emploi dans la société. Les commerçants lensois acceptent à la condition de continuer à être partenaires. Jules Van den Weghe cède sa place de Président à Louis Brossard, un ingénieur de la Compagnie des Mines, le siège social du club est transféré dans les Grands Bureaux.
Le dimanche 26 août 1934, le Racing Club de Lens reçoit au Stade des Mines le Racing Club de Calais pour la première journée du championnat professionnel de deuxième division. Les deux équipes se quittent sur un match nul de deux buts partout. Les dessinateurs humoristiques d’alors peuvent se laisser aller à leur inspiration.
Le mariage entre le stade des Mines et le Racing est définitivement scellé. Le stade et le club vont devenir des éléments incontournables dans la besace de la compagnie qui n’hésite pas à démontrer que le RCL est maintenant ‘son’ club.
Les footballeurs de Lens et de Sochaux sont invités à visiter les galeries de la fosse 2
Mariage entre la société minière et le RCL donc mais le divorce entre le club et la ville est consommé. Alfred Maës, qui refusera toujours d’assister à un match de ‘l’équipe de la compagnie’ pour ne pas être accusé de connivence avec ses dirigeants, envoie un courrier au club dans lequel il lui demande de libérer le stade de l’Est de ses équipes de jeunes afin de donner la place à l’USOL, le club municipal. Plus aucune subvention, plus aucune aide ne sera apportée par la ville au RCL jusqu’au début des années cinquante et l’arrivée du Docteur Ernest Schaffner à la tête de la municipalité. Cela n’empêche pas que toutes les deux semaines, le dimanche après-midi, des milliers de gueules noires se passionnent pour leur équipe.
En 1934, après une victoire au stade des Mines contre l’équipe de Metz, un journaliste parisien écrit : ″Quel enthousiasme parmi cette rude population qui sait peiner toute la semaine mais veut aussi laisser libre court à son trop plein de vie le dimanche quand l’équipe chérie, l’équipe au maillot sang et or joue chez elle et marque de précieux points. On est comme ça dans le pays minier où le football et le cinéma ont tout détrôné. La foule quitta le stade pour rejoindre la cité minière, grouillante de vie, pleine d’une joie qui ne demandait qu’à s’éclater″.
Le 26 décembre 1936 à Paris, Félix Bollaert décède à l’âge de quatre-vingt un ans. En son honneur, la compagnie minière de Lens décide donner son nom au stade des Mines.
C’est alors que les termes ‘Stade Bollaert’ et ‘Sang et Or’ deviennent inséparables.
Lens-Bastia en Coupe de France, c’était en 1972
Lorsque j’ai appris le résultat du tirage au sort des seizièmes de finale de la coupe de France de football, de nombreux souvenirs me sont revenus. Le RC Lens affrontera dans quelques jours l’équipe de Bastia. Loin de vouloir relancer d’anciennes rancœurs ou des envies d’affrontements, je ne peux laisser passer l’occasion de relater cette page d’histoire, de notre histoire à nous, les lensois.
Je me retrouve tout à coup quarante-deux ans en arrière, le dimanche 14 mai 1972.
Quelques années auparavant, notre RC Lens a bien failli mourir. Les HBNPC, ‘les mines’ comme nous disions, vivaient leurs derniers moments et avaient décidé de grandes coupes dans leurs finances. Le Racing était sacrifié comme l’avaient été la quasi-totalité des chevalets de nos cités.
Et pas de Mamadov en ces temps là ! C’est le Maire de Lens d’alors, André Delelis, qui prend les choses en main. Lens ne pouvait se passer de la seule attraction qui, toutes les deux semaines, attirait des milliers de mineurs ‘aux matches’.
Le club continuerait d’exister, d’abord en vivotant dans le championnat de France des équipes d’amateurs. Au début des années soixante-dix, une réforme de l’organisation des compétitions permet au RCL de disputer le championnat national, la seconde division de l’époque qui regroupait en deux groupes des équipes professionnelles et les meilleurs clubs amateurs.
C’est dans ce championnat qu’évoluent les Sang et Or lors de la saison 1971-1972. Plutôt pas mal, d’ailleurs : ils terminent la saison à la troisième place.
La Coupe de France s’ajoute au plaisir des supporters. Les équipes de Quevilly, Châteauroux, Mantes-la-Ville et du Red-Star de Saint Ouen subissent la loi des joueurs lensois.
Ils sont plutôt talentueux, ‘nos’ joueurs et possèdent surtout l’esprit d’équipe et la volonté de s’en sortir des hommes du pays minier.
Point de recrues issues d’autres continents à cette époque. Nos renforts étrangers viennent d’un pays connu et ami : la Pologne. C’est souvent de là-bas que sont arrivés ceux qui, au fond, grattaient les parois noires et poussiéreuses des galeries avec les mineurs français. Ils sont venus et se sont installés, faisant du Bassin Minier leur seconde patrie.
Dans l’effectif du club de 1972, les Lannoy, Lhote, Macquart, Hédé ou Elie côtoient plusieurs joueurs d’origine polonaise, de ‘la deuxième génération’ comme on dirait aujourd’hui : Kalek, Cieselski, Marzalec, Janizewski, Wolniak, Zuraszek. Leur entraîneur aussi était venu de là-bas pour extraire l’or noir avant d’avoir la chance d’être repéré d’abord comme un excellent gardien de but puis comme un très bon meneur d’hommes : Arnold Sowinski.
Pour élever le niveau de l’équipe, les dirigeants ont fait venir deux joueurs du pays de la mer Baltique. Nos immigrés d’alors se nomment Eugenius Faber et Richard Gregorczyk, deux hommes qui symboliseront le renouveau du Racing.
Leur talent et leur courage exemplaire font de ces deux joueurs des pièces indispensables de l’effectif. Ils sont donc présents lors du match ‘aller’ de cette demi-finale de la Coupe de France au stade Furiani de Bastia le 10 mai.
L’ambiance est électrique. Les jeunes joueurs lensois sont impressionnés, l’arbitre peut-être aussi.
Peu de lensois verront ce match : il n’y a pas de retransmission télévisée à l’époque. C’est l’oreille collée au transistor que les lensois apprennent par Jean Crinon, le fougueux et explosif reporter de Radio Lille que les bastiais remportent le match pas trois buts à zéro.
Mais les lensois apprennent aussi que l’ambiance en dehors du terrain a été terrible. Un climat ‘anti-Lensois’, issu d’un climat ‘anti-continent’ régnait partout en ville. On racontera que des voitures immatriculées ‘62’ ont été jetées dans le port de Bastia. Humiliés, battus et vexés, tous les lensois le sont alors.
En réponse, pour le match ‘retour’, ils vont se mobiliser. Henri Trannin, dirigeant emblématique du club, lance un appel au peuple. Ce n’est pas le RCL qui a été humilié en Corse, c’est tout le Bassin Minier. Il faut que les ‘gueules noires’ se regroupent et prouvent au pays entier qu’ils ne sont pas morts.
La veille du match, une indiscrétion permet de savoir que la délégation corse passerait la nuit à l’Hôtel de Flandre, près de la Gare. La nouvelle fait tâche d’huile. Les lensois se relaient sous les fenêtres, utilisent tous les moyens pour faire du bruit : klaxons, trompettes, pétards, tonneaux roulés sur les pavés…. A tel point que les responsables du club corse décident de faire transférer leur délégation à Arras afin de pouvoir dormir un peu.
Le dimanche 14 mai, les lensois mangent tôt bien que le match ne soit programmé qu’à dix-sept heures. Il faut être de bonne heure au stade pour avoir une place car il n’y a pas encore de réservations. On sait aussi que l’on va rester plusieurs heures debout : les places assises, ‘c’est pour les riches’ !
De notre maison des corons de la fosse 14, nous partons à pied. Près de quarante-cinq minutes de marche ne nous font pas peur. De toute manière, on n’aurait pas trouvé de place pour se garer, même pour ma petite 4L.
Nous descendons par la Route de La Bassée en groupe. Mes sœurs, des copains, celui qui allait devenir mon beau-frère, celle qui allait devenir mon épouse et mon père qui, a soixante-dix ans, n’aurait surtout pas voulu rater cet événement de portée ‘lensoise’. Ce fut son dernier match à au stade Bollaert.
En passant devant la gare Sainte Elisabeth et le carreau de la fosse 1 fermée et remblayée l’année précédente, on sent que la tension monte. Ce ne sera pas un match ordinaire ! Tout Lens est là. Nous serons plus de 22000 dans les gradins, serrés comme des sardines.
A l’entrée, on achète le journal du club, ‘Sang et Or’ que l’on conservera en souvenir.
Nous avons trouvé des places ‘en secondes’, la tribune couverte de tôles face à la tribune officielle. C’est là que se regroupaient déjà les groupes de supporters.
La foule est partout : sur les toits des tribunes, sur les poteaux d’éclairages, dans les arbres mais aussi sur la pelouse même tout proche des lignes délimitant l’aire de jeu. Aujourd’hui, il est certain que l’arbitre du match, Monsieur Debroas, n’aurait pas donné le coup d’envoi de la rencontre pour des raisons de sécurité.
Lorsque les équipes pénètrent sur la pelouse, c’est une bronca énorme : le stade Bollaert en tremble sur ses bases. Chaque action lensoise est vivement encouragée. Chaque action corse est huée et sifflée.
Le gardien de but corse d’origine yougoslave se nomme Pantélic. Une grande banderole est installée derrière le but : ‘Pantélic, pends tes loques’. L’homme passera la rencontre à sauter pour éviter les nombreux pétards lancés dans ses jambes par les spectateurs sous les yeux quasi indifférents de quelques rares policiers. Sur une autre banderole était écrit : ‘Allo Napoléon, ici Waterloo’’.
Dans les tribunes, un petit groupe d’hommes est repéré comme étant des supporters corses. Quelques lensois avaient prévu : des litres d’eau se déversent sur eux avant qu’ils ne soient aspergés de sacs de farine !
Mais tous ces événements ne sont en aucun cas méchants, il n’y aura aucun blessé, aucune bagarre. Cette ‘revanche’ n’est finalement qu’une grande fête comme seuls les chtis savent en faire.
Le déroulement du match ne restera pas le principal des souvenirs. Lens marqua deux fois en première mi-temps par Faber et Zuraszek. Après chaque but, la pelouse est envahie par ces milliers d’inconditionnels.
La deuxième mi-temps ne permet pas aux joueurs du RCL de marquer le troisième but tant espéré. La partie se termine avec une élimination mais avec le sentiment que les gens du Pays Noir ont, devant toute la France, largement lavé l’affront de Furiani.
C’est fini ! Les spectateurs quittent le stade lentement, serrés les uns contre les autres le long de la rue menant au pont Césarine comme lors d’une procession funèbre. Parmi les nombreux commentaires, on entend souvent : ‘On a sauvé NOTRE honneur !’. Notre groupe remonte la Route de La Bassée, un peu déçu par cette élimination mais, déjà à l’époque, ‘’fiers d’être lensois’’.
Les deux tours de France de Maurice Garin
A l’occasion du départ du centième Tour de France, revenons quelques années en arrière sur les deux premières épreuves et rendre hommage à leur vainqueur, le lensois Maurice Garin (même s’il fut déclassé par la suite du second) dont l’histoire de la vie et de la carrière
Il est dommage
qu’aujourd’hui à Lens, aucune manifestation ne célèbre cet homme qui fut
durant et après sa carrière un »sacré personnage ». Des idées avaient
été avancées mais n’ont pas été retenues. Alors, retournons quelques
instants sur les routes des Tours de France de Maurice Garin.
Le Tour 1903 :
Le départ est donné devant l’auberge du Réveil-Matin à Montgeron (Essonne) à 5h 15 le 1er juillet 1903. Les soixante concurrents prennent la route de Lyon pour une étape de 467 kilomètres.
Dès le départ, Maurice Garin, parti avec le dossard numéro 1, imprime un train d’enfer. Seul le jeune Pagie arrive à le suivre. Vers 9 h 00, ils franchissent ensemble la ligne d’arrivée. Un correspondant du journal ‘L’Auto’, présent au départ de la course, se rend ensuite par le train à Lyon pour assister à l’arrivée des coureurs. Lorsqu’il rejoint le contrôle d’arrivée, les premiers ont déjà quitter les lieux depuis un momemnt pour rejoindre leur campement.
Son plus dangereux adversaire, Aucouturier, victime de douleurs à l’estomac, abandonne. Comme le veut le règlement, il pourra participer aux autres étapes mais ne plus concourir pour la victoire finale à Paris.
Le jeune Pagie est élogieux pour Garin : « C’est grâce à Garin que je finis second. C’est un chic type. Il m’a même donné à manger dans les moments difficiles ».
Garin est le premier leader du premier Tour de France. Mais pas de maillot jaune pour lui : celui ci ne sera instauré que beaucoup plus tard. Le lensois est reconnaissable dans le peloton à sa veste blanche et son brassard.
La seconde étape démarre de Lyon quatre jours plus tard à … 2h30 du matin. Aucouturier fait partie maintenant des ‘partiels’ (coureurs engagés pour une ou plusieurs étapes mais qui ne concourent pas pour le classement général). Pour la victoire finale, il se met au service d’Emile Georget. Les deux coéquipiers arrivent ensemble à Marseille où Aucouturier, surnommé Le Terrible à cause de son mauvais caractère, l’emporte. Maurice Garin, victime de deux crevaisons et d’une chute, termine à 31 minutes en compagnie de Pothier.
Son jeune compagnon d’échappée de la veille, Pagie, arrive avec plus de trois heures de retard.
Henri Desgranges, l’organisateur de l’épreuve, n’est pas satisfait. Il fulmine contre les ententes illicites entre les ‘qualifiés’ (ceux qui luttent pour la victoire finale) et les ‘partiels’ . Il modifie le règlement : le peloton est scindé en deux groupes les ‘partiels’ partiront une heure après les autres.
Garin perd dans cette histoire un appui de taille en la personne de son plus jeune frère Ambroise qui ne s’était engagé que pour deux étapes dans le seul but d’aider son aîné.
Le 8 juillet, départ pour la troisième étape. Aussitôt, Garin emmène le groupe des ‘qualifiés’. Peu avant Nîmes, il se trompe de route et perd un quart d’heure sur d’autres coureurs. A Béziers, il est revenu dans le groupe de tête tandis que l’un de ses grands rivaux, Georget, malade, est à la dérive.
A 17h00, à l’arrivée à Toulouse, c’est un certain Brange qui bat Garin au sprint. Aucouturier arrivant avec 28 minutes de retard seulement est déclaré vainqueur de l’étape pour avoir donc repris 32 minutes aux hommes du premier groupe.
A Bordeaux, c’est un Suisse, Charles Laeser qui l’emporte.
L’arrivée à Bordeaux du Suisse Laeser
Maurice Garin remportera les deux dernières étapes à Nantes et Paris. Cependant, dans l’étape Bordeaux-Nantes, un incident entre coureurs est à déplorer. Quatre hommes sont en tête : Garin, Pothier, Pasquier et Augereau. Ce dernier est le seul à ne pas faire partie de l’équipe ‘La Française’. Avant Montaigu, Angereau crève et change de machine. Ceci n’est pas du goût de Pothier qui le pousse et le fait tomber. Garin s’arrête et piétine le vélocipède d’Angereau, le rendant inutilisable. Mais le coureur est têtu, emprunte une autre machine et rejoint les leaders. Garin le menace de nouveau et victime d’une nouvelle crevaison, le malheureux Angereau préfère rester à distance des échappés et ne terminer que quatrième à Nantes.
Augerau (en sombre) suit les 3 coureurs de ‘La Française’
L’arrivée de Garin à Nantes
Alors que lors des étapes précédentes, les coureurs avaient le droit de se faire aider par des entraîneurs à vélocipède ou à motocyclette, la dernière étape est, elle, disputée sans entraîneurs. L’arrivée officielle se situe à Ville-d’Avray à quelques kilomètres de Paris. Les 20 rescapés qui composent le peloton restent groupés pendant toute l’étape. L’ainé des Garin l’emporte au sprint devant Augerau et Samson.
Garin, tout sourire après sa victoire à Paris
Il devient le premier vainqueur du premier tour de France et entre ainsi dans la légende. Ayant parcouru les 2397 kilomètres en 94 heures et 33 minutes, il devance son dauphin, Pothier de 2 heures, 49 minutes et 45 seconde, ce qui constitue toujours le record du plus gros écart enregistré dans le Tour de France. Les primes attribuées au vainqueur de l’épreuve lui rapporte 6 125 francs de l’époque.
Maurice Garin, sa tunique blanche et son mégot avec son entraîneur Delattre
Le 25 juillet, Maurice Garin est de retour à Lens. A sa descente du train à 18h00 près de 6000 personnes l’attendent sur la place de la gare. Lorsqu’il apparait auréolé de son écharpe tricolore, il est acclamé par une foule en liesse. Des délégations de toutes les sociétés sportives de Lens le couvrent de fleurs. Il prend place dans une voiture automobile accompagné de son manager Delattre pour rejoindre l’hôtel de ville. Précédé par la Fanfare Municipale, escorté de 500 cyclistes, le cortège traverse les rues de la ville jusqu’à la mairie où Emile Basly, le Député-Maire, l’accueille avec un bouquet de fleurs, rend hommage son énergie et offre le verre de l’amitié. Puis le cortège se reforme pour arpenter les principales rues de Lens sous les ovations jusqu’à sa destination devant le commerce de Maurice Garin, rue de Lille.
Le Tour 1904 :
Après le succès de la première édition, Henri Desgranges organise un an plus tard le second Tour de France du 2 au 24 juillet.
Le départ de Montgeron. Garin reconnaissable à sa tunique blanche.
Le
parcours est le même que l’année précédente. Afin de ne pas retrouver
les tricheries dues aux coureurs ‘partiels’, le règlement est modifié :
les cyclistes qui abandonnent ne peuvent prendre le départ dans une
autre étape. Et cette fois, la course est suivie par trois voitures du
journal ‘L’Auto’ qui effectuent des contrôles volants.
98 coureurs, dont 72 français, se présentent au départ à Montgeron. Garin part favori mais aura fort à faire avec Aucouturier qui s’est promis de prendre sa revanche sur le sort.
Déjà, des rumeurs crient à la tricherie. Il est dit que César Garin et Pothier, membres de l’équipe La Française, ne s’alignent que pour aider l’aîné des Garin à gagner le Tour, ce qui est formellement interdit par le règlement. Certaines rumeurs accusent aussi Maurice Garin et son frère César de se faire ‘remplacer’ par leur cadet Ambroise (qui ne s’est pas engagé cette année là) sur certaines portions d’étape.
Dès la première étape, Coup de théâtre : une chute provoquée par des cyclistes amateurs met au sol une dizaine de coureurs dont … Aucouturier ! Garin, qui s’est vite aperçu que ‘le Terrible’ n’était plus dans le peloton accélère l’allure aidé par son frère César. Au contrôle de Gien, Aucouturier passe avec 90 minutes de retard.
Aidé par Pothier (qui était pourtant dans la chute avec Aucouturier et qui est revenu sur la tête si rapidement que certains se posent des questions), Garin accélère encore et l’emporte à Lyon avec 2 h 30 d’avance sur son rival Aucouturier.
Cette première étape a été marquée par le premier incident sérieux. Alors que Garin et Pothier roulent ensemble, ils sont rejoint par une voiture dans laquelle se trouve quatre hommes masqués. Pendant six kilomètres, ils tentent de renverser les deux champions. Devant finalement abandonner, ils s’éloignent en menaçant : ‘On aura ta peau, Garin !’.
Desgranges prend les premières sanctions à Lyon. Un coureur nommé Chevalier, distancé lors de l’étape et accusé d’être monté dans une voiture pour rejoindre la tête de la course est exclu du Tour. Pothier, convaincu de la même tricherie, n’est lui que sanctionné d’une amende de 500 francs. Ces sanctions différentes auront une grande importance par la suite.
Lors de la deuxième étape, un incident grave se produit. Arrivé vers Saint Etienne, le coureur local Fauré s’échappe et prend quelques longueurs au peloton. Sitôt son passage, une centaine d’individus munis de pierres et de gourdins fait barrage au autres coureurs. Les frères Garin et d’autres coureurs sont violemment frappés et blessés. Un coureur italien nommé Giovanni Gerbi a un doigt sectionné. Le groupe d’assaillants ne se disperse que lorsque les suiveurs tirent des coups de pistolet.
Giovanni GERBI
Le peloton des favoris, composé de neuf coureurs, reste groupé pour rejoindre Marseille où Aucouturier remporte le sprint.
Après enquête et déclarations de commissaires, Desgranges décide d’exclure du Tour le dénommé Payan d’Alès. Aussitôt, les organisateurs reçoivent des menaces qui sont confirmées lorsque l’étape suivante approche de Nîmes. Des clous jonchent le sol et les crevaisons sont nombreuses. Dans la ville, une troupe d’émeutier fait barrage à la course. Les coureurs sont une nouvelle fois insultés, frappés, menacés de mort. Ils s’en sortent grâce aux soldats qui font fuir les assaillants et aux revolvers sortis des poches des accompagnateurs.
Mais la course reprend. A Toulouse Aucouturier bat sur la ligne Cornet, son compagnon d’échappée. Garin et Pothier arrivent ensuite avec 8 mn 43 de retard.
Henri CORNET
Les détracteurs du Tour de France accusent plus ou moins Desgranges d’être à l’origine de ces événements. Les sanctions différentes infligées aux participants pour des motifs similaires amènent ces questions : la société de cycles ‘La Française’ étant à la fois engagée et sponsor de la course, ses coureurs ne sont ils pas avantagés par la direction de la course ? Le fait que ce soit Desgranges et non l’Union Vélocipédique de France qui juge et sanctionne n’avantage t-il pas les coureurs de ‘La Française’ ?
Au départ de Toulouse pour Bordeaux, Maurice Garin dit : « Si je ne suis pas assassiné avant Paris, je gagne ce tour ». Au vélodrome de Bordeaux, quatre hommes arrivent ensemble : les frères Garin, leur coéquipier Pothier et Beaugendre, seul coureur qui n’est pas équipé par ‘La Française’. Lors du sprint dont Maurice Garin se désintéresse, son frère effectue une embardée qui rejette Beaugendre contre les balustrades permettant ainsi la victoire de Pothier. La réclamation de Beaugendre est repoussée par la direction.
L’arrivée de Maurice Garin à Bordeaux
Quelques incidents, heureusement moins graves, se produisent encore lors des deux dernières étapes. Par exemple, un homme est arrêté à quelques kilomètres au nord de Bordeaux : il était en train de placer sur la route des planches munies de clous.
C’est dans ce climat d’extrême tension que Hippolyte Aucouturier reporte les deux dernières étapes et que Maurice Garin son deuxième tour de France. De nouveau, on entend dire que les deux hommes se sont concertés : à chaque fois, le peloton des favoris arrive groupé. Ceci arrange les deux hommes : Aucouturier pour faire valoir sa pointe de vitesse lors des sprints et Garin évite des échappées qui pourraient menacer sa place de leader.
C’est sous l’orage que Garin et les autres arrivent ensemble au Parc des Princes sous les acclamations de la foule venue nombreuse saluer les héros. Le lensois remporte son deuxième Tour de France en ayant couvert les 2388 kilomètres en 93 heures et 6 minutes à la moyenne de 25,649 km/h.
Pothier est second à 3 minutes 28, César Garin troisième, Aucouturier quatrième et Cornet cinquième.
Mais l’histoire du Tour de France 1904 n’est pas terminée. Trois commissaires de course envoient un rapport à l’Union Vélocipédique de France. Ils ont constaté des irrégularités qui n’ont pas ou peu été sanctionnées par la direction d’Henri Desgranges.
Une enquête est réalisée. Déjà en septembre, des coureurs ont été disqualifiés de la course Bordeaux-Paris : Léon Georget, Petit-Breton, César Garin, Rodolphe Muller arrivés dans cet ordre sont mis hors course pour avoir été entraînés par motos ou poussés.
Début décembre, Maurice Garin ne se doute pas de ce qu’il allait lui arriver lorsqu’il fait le pari d’entrer à bicyclette dans la cage au lions de la ménagerie du cirque installé sur la Place de la République de Lens.
Le 2 décembre, l’UVF annonce son verdict : les frères Garin, Pothier et Aucouturier et d’autres concurrents sont disqualifiés. Des suspensions sont aussi prononcées : Pothier et deux autres coureurs sont radiés à vie, Maurice Garin écope de deux ans.
C’est donc Cornet qui est déclaré vainqueur.
Les motifs des sanctions sont un peu flous. Ils font référence à des articles de règlement mais sans citer vraiment de faits. par exemple : ‘Untel est déclassé pour avoir effectué une partie du parcours en voiture’, mais sans préciser la date et le lieu …
Certains pensent qu’il s’agit là d’une sorte de revanche de l’UVF envers La Française ou Henri Desgranges. Ce dernier envisage sérieusement d’abandonner définitivement l’idée d’organiser à nouveau un Tour de France. Mais il se ravisera et le Tour 1905 eut lieu ainsi que ses nombreux suivants.
Entre temps, Maurice Garin déclare à la presse : »Je ne courrai plus. Je rentre à Lens m’occuper de mon commerce de cycles« . Il n’admettra jamais la sanction et sur la photo qu’il dédicacera à l’occasion du cinquantenaire du Tour en 1953, il fera imprimer :
Les piscines lensoises et leurs clubs de natation
Lens n’a eu sa première piscine municipale qu’en 1934.
Avant la première guerre mondiale, la natation ne devait se pratiquer que « dans la nature ». Au début du siècle, la construction d’une piscine à Lens n’était pas du tout d’actualité pour Emile Basly et les deux clubs de natation locaux «les Pingouins Lensois» et «l’Union Sportive Ouvrière Lensoise» (le club municipal) utilisent l’eau du canal pour s’adonner à leur sport favori.
La section Natation de l’USOL au début du siècle
La Municipalité les aident par des subventions ou l’aménagement des rives et la construction de pontons.
Le ponton des ‘Pingouins Lensois »
Après la Première Guerre Mondiale, le canal est en piteux état ; les clubs doivent attendre 1920 pour reprendre leurs activités. Alors que la reconstruction de la ville arrive à son terme, le Conseil Municipal dirigé à cette époque par Alfred Maës décide, en 1934, d’implanter une piscine municipale le long du canal, à proximité du Pont de Douai.
Dans le bulletin municipal ‘L’œuvre de la Municipalité Socialiste de 1929 à 1935′, qui indique que «l’utilité de la natation et son enseignement n’échappèrent pas à la Municipalité qui songea, dès que la reconstruction de la ville fut presque achevée, à la construction d’une piscine», elle y est très précisément décrite :
« Des conditions topographiques particulièrement avantageuses pour l’alimentation et la vidange des bassins ont déterminé le choix du terrain, situé à proximité de la rue de Douai, dans un cadre agréable et ensoleillé.
Trois bassins ont été établis et séparés les uns des autres par des barrières
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Le premier a une profondeur moyenne de 0,50 m, il permet aux tout petits de s’ébattre sans danger (aux dimensions réglementaires de 33m33 x 12m50)
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Le deuxième, dont la hauteur moyenne de l’eau est de 0,95 m permet aux apprentis d’exécuter, en toute sécurité, leurs premières brasses
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Le troisième a une profondeur de 2,40 m. Il est exclusivement réservé aux nageurs.
Ces bassins couvrent une surface de 1100 mètres carrés et contiennent ensemble 150 m3 d’eau.
Ils sont encadrés par deux larges allées ; par deux groupes de gradins pouvant recevoir 800 personnes assises (ces gradins sont orientés de façon à ce que les spectateurs ne soient pas incommodés par la réverbération de l’eau) et par des bâtiments qui entourent et surplombent le tout. Ces bâtiments comportent : 130 cabines, dont 30 à deux places ; 4 vestiaires collectifs permettant de recevoir ensemble 300 enfants ou membres de sociétés ; 2 salles de réunions et deux vastes solariums établis sur les terrasses des cabines.
Notons encore qu’un plongeoir avec plate-forme à trois, cinq et dix mètres permet aux amateurs de plongeons de se livrer à leur sport favori ; que deux salles de douches sont situées à proximité des bassins ; enfin que l’eau des bassins est renouvelée à raison de 1000 m3 par jour et que cette eau, dont la température minimum est de 20° pendant la bonne saison est filtrée et désinfectée suivant les prescriptions de l’Institut Pasteur, avant son arrivée dans les bassins ».
Et l’article du bulletin de se terminer par : «Il reste à mettre au point un enseignement obligatoire et gratuit pour les enfants des écoles : c’est un devoir auquel ne faillira pas la Municipalité».
Les deux clubs de natation y trouvent là des conditions idéales pour les entraînements de leurs sportifs mais on peut aussi y venir en famille : natation pour les uns, promenades sous le soleil lensois pour les autres.
Très bien entretenue par les services municipaux, la piscine subit de gros travaux en 1939 avec l’installation d’un appareil de filtration ultra moderne dans les sous-sols: cinq filtres très puissants sont placés pour améliorer la qualité de l’eau. Monsieur Pantigny, le Directeur des travaux prouve, lors d’une réunion du Conseil Municipal, la qualité de l’eau et décrivant le système de filtration et en faisant ainsi comparer l’eau du canal et celle arrivée dans la piscine.
En 1939, une jeune lensoise de l’U.S.O.L. âgée de quatorze ans, Solange Crespel est sélectionnée pour les Championnats de natation qui se déroulent à Paris. Elle se classe deuxième dans sa catégorie derrière une nageuse belge, ce qui lui valut l’honneur d’être désignée championne de France en F. S. G. T. Elle fut honorée par la Municipalité, ainsi que son entraîneur Eugène Hurtevent, lors du Grand Prix Cycliste de la ville de Lens qui se déroula au Stade vélodrome de L’Ouest (futur Stade Garin), route de Liévin.
Mais la Seconde Guerre mondiale eut raison de la piscine. A cette époque, on ne parlait pas de ‘frappes chirurgicales’ et la piscine, proche des voies ferrées et du Pont de Douai, se trouva sous le feu des bombardements de 1944. Pratiquement totalement anéantie, il ne subsistera de cette piscine que la maison du directeur.
Il faut attendre plusieurs années avant de voir un nouveau projet naitre pour la reconstruction d’une piscine à Lens : les équipements sportifs n’entrant pas dans les budgets de reconstruction des dommages de guerre.
Après la Libération, les clubs nautiques sont en sommeil. En 1947, Auguste Lecœur, maire communiste de Lens, ne peut que venir en aide au seul club en activité qui utilise de nouveau le canal comme lieu d’entraînement ; l’USOL, le club municipal omnisports, est soutenu par la Municipalité qui met à sa disposition des vestiaires et le dote de matériel (pontons, bouées, perches …).
En 1953, Ernest Schaffner qui a succédé à Lecœur, regrette dans un bulletin municipal que les budgets ne permettent pas la reconstruction d’équipement sportifs. Il signale cependant que ‘grâce à la remise en eau du canal, l’Union Sportive Ouvrière Lensoise et le ‘Pingouins-Club Nautique’ vont pouvoir reprendre leurs activités en natation’. Ces clubs sont soutenus par des subventions et des aides financières pour l’organisation de leurs manifestations.
Mais, ajoute le Maire de Lens, la Municipalité «sait l’intérêt que présente, pour elles, la reconstruction de la piscine». Il ajoute : «La municipalité n’a pas négligé cette importante question : elle entend réaliser, dans un avenir prochain, la reconstruction de la piscine de plein air à laquelle elle a l’intention d’adjoindre une petite piscine fermée et un établissement de bains douches ».
Un dossier est déposé au Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme le 4 juillet 1952 et un devis établi : le coût de la reconstruction est estimé à 36 229 000 francs.
Ce projet ne verra jamais le jour, l’Etat se refuse à le financer dans le cadre de la reconstruction d’après-guerre. Le Maire de Lens se tourne alors vers une autre solution : il envisage la création d’un grand complexe sportif à l’extrémité est de l’Avenue Raoul Briquet, là où se trouve le Stade de l’Est créé sous la magistrature d’Alfred Maës. Un terrain de douze hectares y est libre. Outre ce complexe sportif, on y aurait aussi construit un lycée technique et une piscine couverte chauffée avec un bassin de cinquante mètres.
Les HBNPC émettent un avis défavorable, il y des risques d’affaissement minier dans ce secteur. Elles proposent à la ville un terrain au nord du côté de la route de la Bassée, face à l’hôpital et libre de toutes constructions. C’est sur ce terrain que va être finalement construite la piscine.
La Municipalité d’Ernest Schaffner n’hésite pas à souligner que sa construction est essentiellement due à une forte volonté des élus locaux, car la participation de l’Etat y est pour le moins, modeste.
Le coût total des travaux est finalement de 620 millions d’anciens francs qui furent pris en charge en grande partie par la ville car la part de l’Etat n’augmenta pas pour autant. Située rue Robert Schuman, la ‘plus belle piscine de France’ (selon les dires du Président de la Fédération Française de natation de l’époque, M. André Soret) dispose de trois bassins : une pataugeoire, un moyen bassin et un bassin olympique de 50 mètres avec 8 couloirs et d’une profondeur de 4 m ainsi que 3 plongeoir.
Plus tard, s’élèveront dans ce secteur la Grande Résidence, le lycée Auguste-Béhal et le collège Jean-Zay.
En juillet 1964, les travaux commencent sous les ordres de l’architecte M. Hardy. Le 15 mai 1966 est le jour de l’inauguration par Ernest Schaffner (dont ce sera la dernière grande sortie avant son décès quelques moins plus tard) en présence du Préfet Tomasi et du recteur Debeyre.
Après une semaine pendant laquelle, les lensois et les habitants des communes voisines peuvent visiter gratuitement les installations ultra-moderne de leur nouvelle piscine, l’ouverture officielle aux baigneurs a lieu le samedi 21 mai à 14h30.
C’est à l’époque la seule piscine olympique du bassin minier : elle donne l’occasion aux jeunes de la région de pratiquer la natation ou de simplement s’amuser ou se délasser. « Je me souviens y être allé souvent lors de mon adolescence. Pendant les vacances scolaires, la piscine était toujours comble. Les jours de chaleur, les grandes baies vitrées étaient ouvertes pour permettre à chacun de profiter des rayons du soleil entre deux plongeons ».
L’arrivée de la piscine engendre aussitôt la création du Stade Nautique Lensois sous l’impulsion de Jean Claude BOIS, adjoint au Maire. Le club est issu de la fusion des Pingouins Lensois et de la section natation de l’USOL. Le premier Président en est notre ami Christian DAUBRESSE (il le restera jusqu’en 1971) qui a comme vice-présidents les hommes qui étaient à la tête des anciens clubs. Monsieur Michel VANDAMME en est le directeur technique et les deux premiers maitres nageurs sont MM. Tiberghien et Jodar.
Unique dans le bassin minier à l’époque, le club comporte une section natation sportive, une section water polo et une de natation synchronisée. A la fin des années 60, un nageur lensois fait briller les couleurs du Stade Nautique Lensois. Il s’agit de Roger-Philippe MENU qui fut plusieurs fois champion de France en brasse sur 100 et 200 m de 1969 à 1972 et recordman de France. En 1970, il participe aux championnats d’Europe à Barcelone au cours desquels il remporte deux médailles d’argent (4 x 100 m 4 nages et 100 m brasse).
Christian Daubresse raconte : « Michel Vandamme, l’entraîneur du STADE NAUTIQUE LENSOIS, a réussi à former un excellent nageur : Roger-Philippe Menu qui a battu à Lens le record de France du 100 m Brasse. Le jour du record de France (Note: c’était le 13 juin 1969) est le seul jour où je me suis sauvé de la piscine !!! Je connaissais les loustics, mes amis, et la tradition: record battu, on jette le Président du club, tout habillé ,dans la piscine: ils ne m’ont pas eu !!!! ».
Aujourd’hui, le SNL compte près de 400 licenciés dont près de 150 classés au niveau national. Il se classe premier des interclubs régionaux et figure parmi les cent meilleurs français. Cependant, il devra trouver un hébergement provisoire prochainement.
En effet, selon la Municipalité, la piscine de Lens reste un équipement de qualité mais nécessite une intervention lourde dont le projet d’extension et de rénovation prend tournure. Elle sera donc fermée pendant deux ans à partir de fin 2013. Ce projet a été élaboré dans le cadre de l’ANRU (agence nationale pour la rénovation urbaine) et est inclus dans celui de la modernisation de la Grande résidence.
Et il faut aussi rectifier ‘une petite erreur d’origine’ : le bassin olympique de 50 mètres ne fait pas … 50 mètres.
En effet, on s’est aperçu qu’avait été oubliée dans la calcul … l’épaisseur du carrelage !!! A l’heure où les records se comptent au millième de seconde, c’est important. Les lignes d’eau, les gradins ou encore les vestiaires seront réaménagés.
Un bassin de balnéothérapie remplacera l’actuel bassin moyen, la piscine conservera sa dominante sportive qui sera complétée de sauna, hammam et espace forme pour la détente. Deux bénéfices à la balnéothérapie : la récupération des sportifs de haut niveau (donc pas ceux du RCL actuel !!!) et de la rééducation pour les personnes accidentées, handicapées et opérées du cœur.
Selon la Municipalité, sans disparaître tout à fait, la partie ludique devrait être réduite et gamins qui voudront s’amuser et patauger devront aller à Liévin, celle de Lens sera tournée essentiellement vers le sportif.
Maurice GARIN, un champion qui porta haut les couleurs lensoises
Lorsque j’envisage d’écrire un article sur la carrière cycliste du lensois d’adoption Maurice Garin, je me dis: ‘Quelques lignes, quelques photos et ce sera vite fait!’. Mais au fur et à mesure que mes recherches avancent, je m’aperçois que Garin, ce n’est pas seulement le premier vainqueur du Tour de France. Cet homme a eu une vie sportive et extra-sportive passionnante et pleine d’évènements parfois croustillants.
Alors, voici, à l’heure où le 99e vainqueur de la Grande Boucle 2012 va être connu et où, en même temps, le vélodrome qui porte son nom à Lens est appelé à disparaître, comment a vécu Maurice GARIN.
Maurice Garin est né le 3 mars 1871 à Arvier, commune située à 800 mètres d’altitude dans le Val d’Aoste en Italie. Quatrième d’une famille de neuf enfants et fils d’un laboureur et d’une servante d’hôtel, il eut une enfance misérable.
En 1885, la famille Garin décide de quitter ce monde de misère pour aller ‘chercher fortune’ ailleurs. Selon certaines sources, Maurice aurait été recruté alors par un ramoneur français, sa petite taille lui permettant de monter à l’intérieur des conduits de cheminée. Il exerce ce ‘métier’ d’abord en Savoie. Cette profession et sa taille (1.61 m pour 60 kg) lui vaudront plus tard sur les routes de France le surnom de « Petit Ramoneur ». On ne sait comment il atterrit ensuite à Reims en 1886 puis en Belgique. En 1889 à 18 ans, après la mort de son père, il recueille sa mère et ses frères et sœurs et s’installe à Maubeuge.
Effectuant toujours ses déplacements sur son vélocipède, il se prend de passion pour le sport cycliste. En 1892, un dirigeant du club de Maubeuge le remarque alors et l’invite à s’engager dans une course de 200 km, Maubeuge-Hirson et retour. Garin termine 5ème sur un vieux vélo qu’il a trouvé d’occasion. Cela l’encourage à pratiquer ce sport avec plus d’intensité : il achète une machine neuve pour 850 francs et se lance alors dans la compétition.
On crut longtemps que c’est à cette époque que Maurice Garin devient français. Mais en 2004, un journaliste du journal italien ‘La Gazzeta dello Sport’ affirme avoir retrouvé l’acte de naturalisation de Garin qui date de 1901. Cette information s’est ensuite révélée exacte. Les victoires de Garin de la fin du 19è siècle sont donc à mettre au crédit de l’Italie.
En 1893, il remporte sa première ‘grande course’ avec Dinant-Namur-Dinant en Belgique. Il enchaine avec les 800 kms de Paris au vélodrome des Arts Libéraux. Il s’installe alors à Roubaix où il prend une licence au club vélocipédique de la ville et devient professionnel dans l’équipe de la marque de cycles ‘La Française – Diamant’ à qui il restera fidèle toute sa carrière.
Aussi à l’aise sur piste que sur route, sa carrière cycliste s’envole avec de nouveaux succès en 1894 : le Grand prix d’Avesnes-sur-Helpe, Paris-Saint Malo et, sur piste, les 12 heures de Paris et les 24 heures de Liège. Il est sélectionné pour le match France-Belgique des 500 km à Bruxelles où il contribue largement à la victoire tricolore en étant le seul coureur à ne pas mettre pied à terre pendant toute la course.
L’année 1895 commence dès janvier avec une course de préparation de100 km au vélodrome de l’Est de Paris où il termine 3ème. Il devient le 4 février le nouveau recordman du Monde des 500 km derrière ‘entraîneur humain’ en 15 h 02′ 30 ».
Il enchaine par deux victoires aux 24 heures de Paris sur le vélodrome des Arts Libéraux puis au vélodrome d’Hiver où il réalise 701 km en 24 heures malgré la pluie et une température hivernale. Un journaliste de l’époque conclue son article ainsi: ‘Il est venu beaucoup de monde … pour faire une chaleureuse ovation aux vainqueurs, Garin a même été porté en triomphe’. Il est maintenant reconnu comme un grand champion.
Puis retour sur la route avec de nouvelles victoires dans Lille-Boulogne, Lille-Calais et Guingamp-Morlaix-Guingamp.
En 1896, après avoir remporté de nouvelles épreuves comme Liège-Thuin, Tourcoing-Béthune, Paris-Le Mans ou Douai-Doullens-Douai, il se présente au départ du premier Paris-Roubaix qui se déroule ‘derrière machines multiples ou bicyclette‘ (terme du règlement de l’époque). Encore en tête à Seclin, il se fait reprendre et termine 3ème derrière Fischer et Meyer.
Il se console sur les 252 km du ‘Paris-Mons’ qu’il gagne en 10h 23′ devant Frédérick.
La première grande victoire qui le fera admettre définitivement parmi les ‘Forçats de la Route’ sera la seconde édition de Paris-Roubaix en 1997.
58 coureurs (dont 32 professionnels) se présentent au départ à 6h15 de la Porte Maillot à Paris sous une pluie battante. A Doullens, il compte 25 minutes de retard sur un duo composé de Cordang et Frederick. Connaissant parfaitement le secteur et très à l’aise sur les pavés, il rejoint les deux hommes et se présente avec le seul Cordang sur la piste du Vélodrome de Roubaix où 6 tours de piste sont à accomplir. Son adversaire chute à quelques centaines de mètres de l’arrivée et c’est en roue libre, sous les ovations des spectateurs, que le ‘régional’ Garin remporte l’épreuve en 5h 13′ 5 ».
Cette année là, il gagne deux autres courses nationales : Paris-Royan et Paris-Cabourg.
En 1898, il est Président d’Honneur du club ‘La Pédale Roubaisienne’. Devenu plus routier que pistard, il se concentre sur de grands objectifs en se préparant dans des courses locales qu’il remporte aisément comme Valenciennes-Nouvion ou Douai-Doullens-Douai.
Un article de presse de 1898 relate que lors de l’épreuve des 48 heures de Roubaix, Garin a remporté le ‘record gastronomique’ à défaut de la course. Le journaliste écrit : ‘Il a boulotté en 24 heures 21 côtelettes, plusieurs kilos de riz, quelques omelettes, le tout additionné d’eau de Vichy et de bols de thé’.
Ce ‘régime’ pas très diététique ne l’empêche pas de triompher de nouveau dans Paris-Roubaix en 3h 58′ 16 » et avec 29 minutes d’avance sur le second, Stéphane.
Lors de l’arrivée de Garin au vélodrome de Roubaix; la toiture de la buvette s’est effondrée sous le poids d’une centaine de personnes qui s’y était installée pour voir l’arrivée. Il y eu une douzaine de blessés dont certains grièvement.
Quelques semaines plus tard, il s’attaque pour la première fois à cet énorme morceau qu’est le ‘Bordeaux-Paris’ où il termine second derrière Rivierre. Son bon appétit est de nouveau mentionné dans cette dépêche de l’époque: ‘Garin, minuit treize, est tombé peu avant Angoulème. S’arrête, mange des œufs puis repart’.
1899 voit de nouvelles victoires pour Maurice Garin : Tourcoing-Béthune et les 24 heures de Paris où il accomplie au Parc des Princes 684 kms. Il finit second du Bol d’Or au vélodrome Buffalo de Paris.
1900, l’année du nouveau siècle, il ne gagne pas de grandes courses mais obtient tout de même quelques places d’honneur :2e de Bordeaux-Paris (qu’il termine à moins d’une minute du vainqueur J.Fischer) et du Bol d’Or et 3e de Paris-Roubaix.
Il abandonne peu à peu la piste (qu’il ne rejoint que pour des besoins ‘alimentaires’) pour mieux se consacrer aux épreuves sur route. Devenu donc français, il fait un triomphe dans le Paris-Brest-Paris de 1901. 25 coureurs professionnels et 114 ‘touristes-routiers’ prennent le départ le 16 août à 4h 53. Garin arrive au Parc des princes le 18 peu après 9 heures alors que tout le monde ne l’attend qu’à partir de midi.
Il racontera lui-même à un journaliste que lors de cette course, il faillit abandonner entre Saint-Brieuc et Guingamp lors qu’il se trouva face à un troupeau de vaches encadré par deux voitures ‘sans lanterne’. Emporté par son élan, il se retrouva au milieu des bovins qui, effrayés, faillirent le renverser et le piétiner.
Il chute de nouveau à quelques encablures de l’arrivée et entre sur le vélodrome du Parc des Princes avec un cuissard déchiré et une belle plaie au genou gauche.
Maurice Garin gagne en 52h11′, battant Gaston Rivierre de 1h55. Hippolyte Aucouturier, le Suisse Michel Frédérick et l’Américain Charly Miller terminent dans cet ordre. Une fois passé la ligne, il reçoit le bouquet du vainqueur des mains de l’une de ses sœurs.
C’est après cette course que Maurice Garin annonce qu’il quitte Roubaix pour s’installer à Lens où il va se remarier.
Il a prévu que les gains ramassés lors de ce Paris-Brest-Paris (20 000
francs) vont lui permettre d’ouvrir un commerce de cycles dans la cité
artésienne.
Mais bien que sous contrat avec ‘La Française’, il a fait appel à un autre sponsor qui lui assure assistance nourriture et soigneurs pour moins cher. ‘La Française’ menace de lui intenter un procès et demande 25 000 en dommages et intérêts. Finalement, un accord est trouvé à l’amiable et Garin reste sous contrat avec son équipe initiale et la représentera dans son magasin de Lens.
C’est aussi à partir de cette épreuve que des suspicions apparaissent le concernant. Il faut dire qu’à l’époque, de nombreuses ‘tricheries’ entachent la réputation des courses cyclistes. Il est de notoriété publique que certains coureurs usent de divers stratagèmes pour améliorer leurs performances. Point d’EPO ou de transfusions sanguines à l’époque, les tricheries sont plus ‘rudimentaires’. Les coureurs ne sont pas suivis pendant tout le trajet; seuls certains points de contrôle attestent de leur passage. Dans les grandes courses, ces contrôles sont si éloignés les uns des autres que des coureurs font parfois une partie du chemin en voiture ou même en train en faisant faire le trajet en vélo par un cycliste leur ressemblant physiquement. Les ‘remorquages’ par voitures ou engins motorisés sont aussi très courants.
C’est donc le second de ce Paris-Brest-Paris, Rivierre, qui va porter réclamation contre Garin. Prenant pour témoin un commissaire de course, il accuse le nordiste de s’être accroché longuement à une voiture et d’avoir fait rouler son jeune frère César à sa place pendant un long trajet.
Jugeant la déclaration du commissaire peu précise et sans preuve, la Commission Arbitrale ne modifiera pas l’ordre d’arrivée de cette course.
En 1902, il quitte donc sa femme et ses 5 enfants pour s’installer à Lens et se remarie. Son frère César, né en 1879, le rejoint quelques années avant de partir à Wattrelot. César est aussi coureur cycliste (il remportera quelques places d’honneur sur Paris-Roubaix notamment) et ‘monte d’ordinaire le tandem à pétrole qui ‘tire’ son frère ainé’ selon la presse de l’époque.
Cette année là, le Petit Ramoneur remporte Bordeaux-Paris en 19 heures 41′ 20 » à une moyenne de 30km/h et avec plus d’une heure d’avance sur le second, Lesna. Il peut même se permettre de s’arréter à plusieurs reprises pour se restaurer.
C’est donc tout naturellement qu’il s’engage pour le premier Tour de France, course cycliste créée par le journal ‘L’Auto’ dont le directeur-rédacteur en chef de l’époque, Henri Desgrange en devient organisateur. En préparation, quelques jours avant, le néo-lensois a disputé une course aux points au vélodrome d’Aix-les-Bains.
Sur le Tour. il porte le brassard numéro 1. Le 1er juillet 1903 le départ de la course est donné à Montgeron, devant le café-restaurant ‘le Réveil Matin’.
Les coureurs prennent la destination de Lyon à 15h16. Garin, capable de rouler deux cents kilomètres sans boire ni manger, écœure ses rivaux dès la première étape en effectuant un Paris-Lyon de 467 kilomètres en 17 heures et 45 minutes.
Il remporte les deux dernières étapes entre Bordeaux et Nantes le 13 juillet, puis entre Nantes et Paris le 18 juillet et s’adjuge le Tour après avoir parcouru 2 428 km, à la vitesse moyenne de 25.679 km par h. Son avance est de 2 heures 49 sur le deuxième Pothier, ce qui reste à ce jour le record du Tour. Sur les 60 partants, seuls vingt-et-un coureurs sont à l’arrivée; le dernier classé a pour nom Millocheau et termine à … 64 heures et 57′ de Garin.
L’épreuve s’achève au Parc des Princes où les coureurs terminent ce que l’on appelle pas encore ‘La Grande Boucle’ par un tour d’honneur et une remise des prix (les gains du lensois s’élèvent à 6 075 francs). 20 000 spectateurs sont présents pour acclamer Maurice GARIN et ses suivants.
Maurice GARIN avec son soigneur et l’un de ses fils
Le 25 juillet, de retour à Lens, où il tient depuis plusieurs années un magasin de cycles (située dans l’actuelle rue René-Lanoy), il est accueilli à sa descente de train par plusieurs milliers de personnes qui défilent avec lui dans la ville. Il est reçu à l’hôtel de ville par le maire, Émile Basly.
Aucun autre résultat marquant n’enrichit son palmarès cette année là. Sa meilleure place sera 4è de la course Toulouse-Bordeaux.
En 1904, Garin effectue un début de saison plus que discret. Bien qu’inscrit, il ne prend pas le départ de Paris-Roubaix. A 33 ans, se concentre t-il sur le Tour de France ?
Bien préparé, le héros lensois, est encore le plus fort du peloton dans ce Tour : une étape et le classement général. La rivalité est aussi plus intense, Lucien Pothier, son second et coéquipier à ‘La Française’ n’est qu’à 3 mn 28 sec, le troisième est ‘le petit frère’ César à 1 h 51′.
Ce Tour a été l’objet de nombreux incidents dus à la passion naissante
pour cette épreuve et au chauvinisme de certains. A Lyon, les coureurs
sont attaqués à jets de pierre et gourdins par les ‘supporters’ du
champion local André Faure. A Nîmes, le régional F. Payan ayant été
disqualifié, la foule inonde la route de milliers de clous ! (Ça ne vous
rappelle pas certains faits récents ?). Des bruits courent selon
lesquels les dirigeants de ‘La Française’ n’ont pas apporté uniquement
une aide matérielle à leurs coureurs (les frères Garin et Pothier) …..
Le 2 décembre après de multiples réclamations, comme ses trois suivants au classement, Garin est disqualifié par l’Union Vélocipédique de France pour tricherie. C’est donc, Cornet, initialement 5e à près de 3 heures de Garin qui figurera au Palmarès du Tour de France.
Plusieurs coureurs sont suspendus à vie dont Pothier. Garin écope de deux ans. Cela sonnera la fin de sa carrière malgré une tentative de retour lors d’un Paris-Brest-Paris en 1911 à l’âge de 40 ans (il terminera 10e).
En 1905, il quitte Lens pour ouvrir un commerce de cycles à Chalons-Sur-Marne mais fait rapidement faillite et revient dans la capitale du Pays Minier où il ouvre au 21 Rue de Lille (rue Lanoy aujourd’hui) un magasin de ‘vélocipèdes et de machines à coudre’. Quelques années plus tard, il est propriétaire d’un garage au 116 Route de Lille qu’il nomme ‘L’Economique’.
Victime des bombardements, le garage sera détruit pendant de la Seconde Guerre Mondiale mais l’ex-petit ramoneur le fera reconstruire au même endroit et le tiendra jusqu’à sa mort.
Le dimanche 16 août 1908, l’ex-champion est l’organisateur d’une course Douai-Lens-Douai appelée le Grand Prix Garin. Il offre au 1er amateur de la course montant une bicyclette ‘Maurice Garin’.une prime de 30 francs.
En 1911, les organisateurs de Paris-Roubaix ne l’oublient pas. Le 3 avril, la célèbre course passe par Lens où un point de contrôle est installé au Café des Sports, rue de Lille, un établissement qui appartient également à Maurice Garin. La presse annonce que ce point de contrôle sera ouvert de midi à …. minuit et demi !
Lors de la première guerre mondiale, il est mobilisé mais cela ne l’empêche pas, bien qu’à cours d’entraînement, de courir quelques épreuves de vétérans comme ‘Le Critérium des Ancètres’ en 1917 sur 50 km autour de Saint Germain en Laye.
Toujours passionné de cyclisme, il donne le départ du Paris-Brest et retour en 1921 et en 1923, on le retrouve dans la banlieue parisienne pour une course de 100 km appelée :’Les Critérium des Vieilles Gloires’ organisé par le journal ‘l’Echo des Sports’.
En 1936, il est aussi au départ de la course Paris-Lens qui sera remportée par Roger Schoon et dont l’arrivée se trouve sur la piste du vélodrome de l’Avenue de Liévin construit quelques années plus tôt sur décision de la Municipalité d’Alfred Maës.
L’ ex-petit ramoneur crée après la Seconde Guerre une équipe à son nom qui porte les couleurs rouge et blanche. Le Néerlandais Piet Van Est appartient à cette équipe lorsqu’il remporte les Bordeaux-Paris de 1950 et 1952.
En 1953, il est l’invité du Cinquantenaire du Tour de France. Il est à Montgeron pour une reconstitution du départ de 1903. Puis à l’arrivée à Paris où, près un tour d’honneur au Parc des Princes et une série de photos avec le vainqueur de l’année Louison Bobet, Garin signe des autographes où il écrit : ‘Maurice Garin, vainqueur des Tours de France 1903 et 1904′, démontrant ainsi qu’il n’a jamais accepté son déclassement lors de la seconde édition.
La fin de vie de Maurice Garin ne semble pas avoir été facile pour lui et ses proches. Est ce suite au décès de son frère en 1951 puis de sa dernière épouse Désirée en 1952 que, selon certaines sources, il serait ‘devenu fou’ et errerait certaines nuits dans les rues de Lens ‘à la recherche du commissaire de course’ ?
Il meurt à Lens le 19 février 1957 à l’âge de 86 ans. Il est inhumé dans le tombeau familial au cimetière est.
Le 31 janvier 1964, lors d’une réunion de Conseil Municipal, la proposition du Député-Maire Ernest Schaffner de donner au stade-vélodrome de l’Avenue Alfred Maës le nom de Maurice Garin est adoptée.
Lors du centenaire du Tour de France, en 2003, l’épreuve passe par Arvier, son village natal où un monument en son honneur est érigé et La Poste française émet un timbre de collection le représentant.
Beaucoup d’honneurs pour celui qui n’a jamais accepté avoir été sali un certain 2 décembre 1904!
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