A Lens comme dans tout le bassin minier du Nord-Pas de Calais, les mineurs « du matin » sont descendus.
Tout semble calme si ce n’est qu’un incendie s’est déclaré le mardi 6 dans une veine de la Compagnie des Mines de Courrières à la fosse 3 de Méricourt, le feu a pris aux bois et s’est étendu. Malgré la construction de barrages, le feu n’est toujours pas éteint ce matin. Juste avant la descente des mineurs, un délégué syndical, Rick Simon (ici au centre avec d’autres sauveteurs) prévient la direction mais celle-ci a tout de même ordonné la descente des hommes.
10 mars 1906, 6h34
Une violente détonation ainsi qu’un grand remous se ressent partout dans la région. Un « coup de poussière » d’une rare violence ravage en quelques secondes 110 kilomètres de galeries communes aux trois fosses situées sur les territoires de Billy-Montigny , Méricourt et Sallaumines .
Bien vite, la réalité apparaît, brutale : « coup de grisou » : 1800 ouvriers au total sont descendus le matin dans ces trois fosses transformées en brasiers. Près de 1100 ne remonteront jamais vivants.
Quelques mineurs arrivent à remonter d’eux-même. Aussitôt, sur les lieux de la catastrophe, les premiers secours sont lancés et le premiers corps sont remontés.
11 mars 1906, Courrières
Les responsables du sauvetage désignés par la Compagnie et venus de Paris, Gustave Léon, ingénieur en chef du service des mines, et Frédéric Delafond, ingénieur général adoptent des mesures aberrantes. Considérant que toutes les recherches à partir des puits 2 et 4 montraient qu’il ne restait aucun survivant dans les quartiers du 3, il décide ce dernier et de le transformer en puits de sortie d’air.
12 mars 1906, Paris
A l’Assemblée nationale, Basly dépose une proposition tendant à ouvrir au ministère de l’Intérieur un crédit de 500 000 F. A l’unanimité des 534 votants, la proposition est adoptée.
De retour de Paris, Basly se rend sur les lieux.
Un groupe de sauveteurs arrive du bassin minier de la Ruhr. Ils sont parfaitement entraînés et munis des appareils respiratoires les plus modernes, tout à fait inconnus dans le Pas-de-Calais.
Mardi 13 mars, Méricourt
Les obsèques officielles et solennelles des 404 victimes ont lieu à Méricourt. Les corps remontés sont enterrés sous une véritable tempête de neige en présence de 15 000 personnes.
La colère explose. La Compagnie de Courrières est accusée de négligences. L’ingénieur en chef Bar est pourchassé. Le directeur de la compagnie Lavaurs est accueilli par des huées et des « assassins ! » et doit rapidement partir ; la foule scande « Vive la révolution ! Vive la grève ! ».
Lamendin, maire de Liévin et délégué du vieux syndficat, prononce un discours violent : « Il faut que les responsabilités de cette effroyable catastrophe soient nettement établies … Dès maintenant, on peut dire que la Compagnie minière, guidée je ne sais par quel appât malsain, a commis la plus grande faute, le plus grand crime. » La foule applaudit. Lamendin répond : « N’applaudissez pas sur la tombe de nos chers morts ». Des drapeaux rouges sont posés sur les tombes. La Grève générale est lancée.
13 mars 1906, 12h30, Lens :
Les délégués mineurs des bassins du Pas-de-Calais, du Nord et d’Anzin sont réunis à la mairie de Lens. Basly est retenu à Paris par Clémenceau qui l’avise qu’il va être nommé ministre de l’Intérieur. En son absence, les délégués examinent la situation : la grève s’est étendue aux concessions de Lens, Liévin, Carvin.
Dans les articles suivants, je vais essayer de relater les grandes grèves de 1906 qui ont fait suite à la catastrophe de la Compagnie de Courrières.
Nul n’est l’objet de relater dans les détails cette catastrophe, d’autres nombreux sites l’ont déjà fait très bien. Je vais simplement vous faire part du résultat de mes recherches tant sur le net que dans les livres et revues qui ont parlé de cette grève, en essayant d’être le plus objectif possible car certaines de mes sources avaient des opinions très différentes sur cette grève en centrant le sujet sur Lens où les évènements ont été nombreux et importants.
Si vous constatez dans ces articles certaines erreurs ou imprécisions, ou si vous voulez ajouter quelque avis ou éclaircissement, n’hésitez pas à envoyer un commentaire, c’est gratuit et toujours instructif.
La une du petit Journal du 6 mai 1906.
Le contexte :
En 1906, la France est dans la tourmente, Armand Fallières est Président de la République depuis à peine 2 mois.
L’opinion française est occupée par les débats sur l’Affaire Dreyfus et la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Le 7 mars, c’est la chute du cabinet Rouvier, provoquée par la mort d’un manifestant lors d’émeutes consécutives aux inventaires des biens du clergé. Le 10 mars, jour de la catastrophe, il n’y a donc pas de gouvernement en place. Dans ce qu’on a appelé la Belle Epoque, il y avait surtout la misère, le chômage, la dureté de la condition paysanne et ouvrière. De nombreuses grèves se sont déclarées dans les mines du bassin depuis 1900 mais toutes ont été réprimées par les Compagnies et n’ont guère amélioré les conditions de travail des mineurs ni de vie dans les corons.
Les protagonistes : Emile Basly :
Ancien mineur de fond, en 1882, il crée le Syndicat des Mineurs d’Anzin dont il en est le secrétaire.
Arrivé à Lens le 7 juillet 1890 où il est élu Député-Maire, il dirige avec autorité la commune et le syndicat. Ami de Jean Jaurès, il devient Président de La chambre syndicale des ouvriers mineurs et similaires, dit « le vieux syndicat », de tendance réformiste.
Benoit Broutchoux Leader de la Fédération syndicale des ouvriers mineurs et similaires du Pas de Calais ou « jeune syndicat » de tendance anarchiste créé en 1902 proche de la GCT. Il a moins d’influence à Lens. Après de nombreux démêlés avec la justice, Broutchoux est arrivé à sous fausse identité afin d’être engagé comme ouvrier mineur.
Elie Reumaux :
Directeur Général, et Président du Conseil d’Administration de la Société des Mines de Lens,
Pour cette grève, il est le représentant des conseils d’administration des compagnies des Mines du bassin du Nord-Pas de Calais
Georges Clémenceau :
Médecin, c’est pourtant en tant que journaliste que Georges Clemenceau s’illustre d’abord, publiant le fameux ‘J’ accuse’ de Zola dans son quotidien ‘L’ Aurore’. En mars 1906, après la victoire du Parti radical aux élections législatives, il est nommé ministre de l’Intérieur. A 65 ans, c’est sa première participation à un gouvernement.
Ses prises de position en matière de politique sociale et sa forte personnalité lui valurent de nombreux ennemis, autant à droite qu’à gauche.