L’abatteur-roi
Par-delร la variรฉtรฉ des dรฉsignations, abatteurs, haveurs ou piqueurs sont au cลur de l’exploitation miniรจre. ร la fin du XIXe siรจcle, ils forment 40 ร 45 % du personnel des compagnies du Pas-de-Calais, tentรฉes de voir en eux les seuls travailleurs productifs. Pour exรฉcuter ce pรฉnible travail, il faut des hommes faits, une virilitรฉ qui exclut les plus jeunes et les plus anciens. Les galibots ne peuvent guรจre espรฉrer « faire du carbon » avant vingt-deux ou vingt-cinq ans, au terme d’un cursus qui les aura conduits du jour au fond oรน ils occupent tour ร tour les fonctions d’aides aux manลuvres des voies, au roulage, au boisage, au dรฉblaiement et au herschage – cette derniรจre activitรฉ consistant ร pousser les wagonnets de minerai. L’usure, les blessures et la silicose viennent ร bout des plus rรฉsistants qui, vers quarante-cinq ans, peinent ร rรฉaliser un rendement rรฉmunรฉrateur et sont orientรฉs vers des tรขches moins extรฉnuantes. Passant en 1906 d’un minimum de 1,4 franc pour les galibots de surface ร plus de 9 francs augmentรฉs d’une prime conventionnelle de 40 % pour les meilleurs abatteurs de Courriรจres, le niveau des gains journaliers รฉpouse la courbe en cloche du cycle professionnel. L’abattage est peu touchรฉ, ร cette date, par la mรฉcanisation des activitรฉs situรฉes en amont et en aval (treuillage, ventilation, exhaure, รฉvacuation du charbon, etc.). L’expรฉrimentation, en 1901, de haveuses mรฉcaniques par la Compagnie de Lens n’est pas concluante. L’usage de marteaux-perforateurs et de marteaux-piqueurs donne davantage satisfaction, mais l’abattage mรฉcanique assure moins de 3 % de la production du Pas-de-Calais ร la veille de la Premiรจre Guerre mondiale. Par suite, l’ordre quasi militaire censรฉ rรฉgir la mine, avec sa stricte hiรฉrarchie – ingรฉnieur / maรฎtre porion / porion en charge de trente ร soixante-dix hommes – perd de sa rigueur sur le front de taille, et les abatteurs disposent d’une rรฉelle autonomie pour s’organiser. Le marchandage qui prรฉcรจde la mise aux enchรจres des tailles y contribue, mais pousse simultanรฉment les ouvriers au rendement. La pรฉnibilitรฉ du travail, le danger permanent et la recherche de la meilleure journรฉe rejaillissent sur l’ambiance au fond. La solidaritรฉ des รฉquipiers n’efface ainsi ni la prรฉรฉminence des abatteurs sur le collectif, dont ils sont les porte-parole habituels, ni la rudesse de relations aux lisiรจres de la brutalitรฉ.
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