09/1948:Liévin, Grisou. 7 tués
HOMMAGE AUX VICTIMES DU 7 DE LIEVIN
LE 10 SEPTEMBRE, VERS 10
HEURES, DANS LA VEINE LEONARD DU 7 DE LIEVIN, UNE EXPLOSION PROVOQUAIT
LA MORT DE DEUX JEUNES PORIONS. SIX AUTRES MINEURS ETAIENT GRIEVEMENT
BRULES. CINQ D’ENTRE EUX DEVAIENT SUCCOMBER DES SUITES DE LEURS
BRULURES.
NOUS PUBLIONS CI-DESSOUS LE DISCOURS PRONONCE AUX OBSEQUES
DU PORION DESAILLY PAR M. LALLIGIER, DIRECTEUR DES TRAVAUX DU FOND DU
GROUPE. CET HOMMAGE, QUI MAGNIFIE LE COURAGE ET LA CONSCIENCE
PROFESSIONNELLE DES TRAVAILLEURS DE LA MINE, S’ADRESSE A TOUTES LES
VICTIMES DE CETTE PENIBLE CATASTROPHE.
C’est avec une profonde et douloureuse émotion que je viens ici, au
nom de la Direction du groupe de Liévin,adresser un suprême hommage à
Augustin Desailly, si tragiquement disparu. Alors que l’on pouvait
espérer que la mort cesserait de frapper, au moment même où nous
adressions notre adieu à ses camarades, Augustin Desailly succombait au
mal et une cinquième victime s’ajoutait au triste bilan.Noble victime,
morte à la tâche, morte à cause de son dévouement, car nul n’ignore que
c’est en vrai chef, et comme tel sachant assumer les responsabilités,
qu’il s’est efforcé de lutter contre le terrible danger qui venait de
s’allumer dans son quartier. Efforts vains, certes, puisqu’ils l’ont
retardé dans une retraite qui l’aurait sauvé, mais non inutiles, car de
tels efforts au moment où le danger est imminent, menaçant pour tous,
sont un exemple dont la grande famille des mineurs peut être fière.
Augustin
Desailly, en ce tragique vendredi, est à sa tâche. Encourageant les
uns. conseillant les autres, il esl tout à son métier de mineur qu’il
connaît bien, car il l’exerce depuis 28 ans. Mais un jeune ouvrier,
malheureuse victime lui aussi, vient le trouver ; le feu est à une
galerie ; il y a danger. Immédiatement Desailly se rend sur les lieux,
voit ce danger. Que va-t-il faire alors ? S’occuper de sa personne et
abandonner la partie ? Gela lui aurail sans doute sauvé la vie. ” Mais
ce n’est pas son genre. Il n’a qu’une préoccupation : sauver les
ouvriers de son quartier et ceux de la fosse des terribles ennemis qui
peuvent entrer en jeu : les explosions, les gaz asphyxiants. Il donne
l’ordre aux ouvriers de la taille d’évacuer, mais il veut combattre le
l’eu et il veut éviter la propagation du sinistre pour donner à ses
ouvriers le temps de se mettre en sécurité — et puis il y a d’autres
quartiers qui travaillent, ne savent rien et peuvent être en danger ;
pour ceux-là aussi, il faut agir au plus tôt. Il lui faut de l’eau ; il
court donner des ordres pour l’amener et puis quelques instants après
revient sur le feu ; mais celui-ci a pris une grande ampleur, il ne
reste aucun espoir d’agir immédiatement. Desailly se retire, rejoint les
ouvriers restés avec lui dans le quartier, et c’est lorsqu’il arrive au
pied de celui-ci qu’il est atteint avec six de ses camarades par
l’explosion meurtrière. Grièvement brûlé, la douleur le terrasse ; mais
lorsqu’au jour on lui prodigue les soins, c’est à ses ouvriers qu’il
pense et dont inlassablement il demande des nouvelles et c’est pour lui
une joie d’apprendre qu’une partie, dont ceux de la taille, a pu être
sauvée. Quelle magnifique leçon nous a-t-il donné là ! En ces heures
douloureuses où nous sommes étreints par une même émotion, comment ne
pas nous unir dans un sentiment de fraternité autour des pauvres restes
de cet homme de devoir et de courage. Car n’y a-t-il pas dans cette
mort, où l’intérêt des camarades de travail a passé avant l’intérêt
personnel, un bel exemple de cette fraternité qui doit animer tous ceux
de la mine. La mine est, hélas ! toujours dangereuse et meurtrière, et
c’est l’union des efforts de tous, ouvriers, agents de maîtrise,
ingénieurs, c’est la confiance réciproque qui peut faire reculer les
dangers qu’elle présente. La Direction du Groupe a perdu un de ses
meilleurs porions; ses qualités professionnelles et de commandement
étaient connues et appréciées. Les ingénieurs ont perdu un de leurs
meilleurs collaborateurs très estimé. J’exprime ici leurs plus grands
regrets et apporte leur douloureuse sympathie à la famille d’Augustin
Desailly et à la corporation des employés. Ces derniers mots
s’adressent, Madame, plus directement à vous et à vos enfants. En
rappelant les vertus de votre époux regretté, celles qui sont apparues à
l’heure du danger, son courage et sa valeur d’homme, j’espère, non pas
apaiser une douleur qui ne peut l’être, mais vous montrer que vous
n’êtes pas seule à le regretter. Autour de vous, s’élève toute la peine
de ses ouvriers, de ses compagnons et de ses chefs. Puissent toutefois
ces regrets unanimes être pour vous un réconfort dans cette épreuve. Je
vous prie d’agréer, Madame, les condoléances attristées de la Direction
du Groupe. A vous, mon cher Desailly, un dernier adieu.
LES VICTIMES :
DUFRESNES Henri.
THUMERELLE Victor.
DESAILLY Augustin.
LECOUSTRE Antoine.
NÉAUPORT André.
MORGIEL François.
DOMINICZAK Léon
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