Depuis octobre 1914, les troupes allemandes se sont installées à Lens. Elles n’en repartiront, vaincues, qu’en 1918.
Lens n’était alors plus qu’un amas de ruines, les Prussiens avaient tout détruit avant de partir. Mais beaucoup de dégâts avaient aussi été occasionnés par les artilleries alliées (surtout anglaises et canadiennes).
Dès 1916, les occupants prirent des photos des premières conséquences de ces bombardements, certainement dans le but d’en faire de la propagande. Voici quelques photos allemandes de Lens en 1916.
Regardez bien ce petit garçon en culottes courtes qui fait sa communion privée dans les corons de Lens.
Qui pouvait imaginer à l’époque que 55 ans plus tard, c’est à l’autre bout de l’Atlantique qu’un de ses petits fils deviendrait une star ? Là-bas, le sport national n’est pas le football (ou le soccer comme ils l’appellent), c’est le hockey sur glace. Leur équipe favorite n’est pas le RC Lens (que personne ne connait d’ailleurs à part quelques français expatriés) mais les Canadiens de Montréal qui, tous les week-end, font vibrer des milliers de québécois au Centre Bell.
Lui ne joue pas encore aux ‘Canadiens’ mais ça viendra un jour tant il est doué. Déjà, il porte fièrement son nom dans le dos de son chandail (maillot en français).
C’est chez le «Mistral de Laval» (une ville de la banlieue de Montréal) qu’il évolue où il est dans la catégorie des «Novices B». Et pas mal du tout d’ailleurs ! Son objectif lors de chaque match : «le jeu blanc», c’est à dire pour un gardien ne pas encaisser le moindre but de toute la partie. Et il y arrive, le bougre ! Il lui est même déjà arrivé de remporter la «rondelle du match» (la rondelle est appelée palet en France), c’est à dire être désigné le meilleur joueur de la rencontre et repartir fièrement à la maison avec le précieux trophée. Nul doute qu’à ce moment ses parents et ses sœurs doivent être fiers de lui. Son papy aussi !!!!
Mais lui comme il aime ‘niaiser’ (taquiner, narguer’ chez nous), ça le fait rire, le filou !
Qui fut Sainte Barbe ?
Au 3ème siècle vivait à Nicomédie en Asie Mineure (Izmit en Turquie aujourdhui), Sainte Barbe, vierge et martyre. Son père, un riche païen du nom de Dioscore avant de partir en voyage, l’enferma dans une tour pour l’isoler de ses soupirants. A son retour, il apprit que sa fille s’était convertie au Christianisme durant son absence. Furieux, le père voulu l’immoler et mit le feu à la tour. Barbe réussit à s’enfuir dans la montagne. Un berger découvrit la cachette et la dénonça à son père qui la traîna alors devant le gouverneur romain de la province. Celui ci la condamna à d’affreux supplices pendant lesquels la jeune demoiselle continuait à prier le Christ. Le gouverneur ordonna alors au père de trancher lui-même la tête de sa fille. Dioscore obéit mais fut aussitôt châtié par le Ciel : la foudre le tua sur place. Une autre version ajoute que le corps de Barbe s’éleva vers le ciel dans une boule de feu.
Sainte Barbe fut donc choisie comme patronne des mineurs pour qu’ils soient préservés des incendies et des coups de grisou. Sa statue se trouvait au fond de chaque puits, près de la cage de remonte. Elle est fêtée le 4 décembre.
Les cartes postales de la Sainte Barbe
Heureuse période pour ce qui étaient à l’époque les PTT. Avec Sainte Catherine, Saint Nicolas et Sainte Barbe, les facteurs du bassin minier ne chômaient pas à cette période de l’année. La Sainte Barbe était l’occasion pour les mineurs de recevoir de jolies cartes postales de leur famille ou de leur … dulcinée.
La quinzaine de Sainte Barbe dans les mines
C’était la période qui allait du 16 au 30 novembre. Les mineurs étaient autorisés à effectuer des journées de travail plus longues qu’habituellement pour toucher un peu plus d’argent lors de la quinzaine suivante.
Bien qu’étant plus longtemps au fond pendant cette période, ils avaient l’idée qu’il se passait moins d’accidents malgré le surcroit de travail. « C’était l’effet Sainte Barbe » disaient ils.
Pendant ce temps, les femmes croyantes faisaient bruler une chandelle au fond de la cave à l’intention de la Sainte qu’elles priaient pour protéger leur mari ou leur fils travaillant à la mine.
La quinzaine (les mineurs étaient payés le 1er et le 15 de chaque mois) de Sainte Barbe, plus importante donc qu’habituellement grâce au travail supplémentaire, était versée le 3 décembre. Ce jour là, la journée de travail était exceptionnellement moins longue pour que chacun puisse bénéficier de son après-midi.
Certains descendaient avec leur bistouille (mélange de café et de gnole) pour la boire entre copains à l’heure du briquet (pause casse-croute). D’autres avec des gâteaux, des brioches, des fruits …. Ce jour là, le briquet était exceptionnel et partagé entre tous.
En fin de service, tout le monde remontait, y compris Sainte Barbe elle-même. Seuls les ‘indispensables’ gardes de chevaux, responsable d’extraction, de ventilation, etc … demeuraient à la fosse. Certains, qui avaient déjà bien abusé au fond, étaient déjà dans un état avancé.
Sur le carreau se tenait le payeur, tous les mineurs passaient devant lui et recevaient leur quinzaine.
La légende ou l’histoire raconte que lors de certaines payes de Sainte Barbe, c’était la femme qui allait voir le payeur avant la fin du service de son mari afin que celui ci soit obligé, faute de moyens financiers, de rentrer directement à la maison : « Comme cha, i va pas cor dépinser s’quinzaine au bistrot », disaient elles.
Les fêtes de Sainte Barbe
Commençaient alors les vraies fêtes de Sainte Barbe. Les estaminets et cafés du coin se trouvaient rapidement envahis de mineurs, l’alcool coulait à flot et les chants commençaient.
Pour les plus sages, c’était le retour à la maison : l’épouse et les enfants souhaitaient alors une bonne fête au papa mineur et lui offrait parfois quelques présents (cigares, pipes, tabac ou fleurs le plus souvent).
Ce soir là, il y avait exceptionnellement du vin lors du souper pris en famille.
Après le repas, quelques mineurs se rendaient au café du coin où ils retrouvaient certains collègues qui n’étaient pas encore rentrés chez eux. On buvait et chantait aux cris de «Vif’ Sainte Barbe !».
Pour les employés (agents de maîtrise, porions, comptables, ingénieurs …), certaines compagnies offraient un banquet le soir du 3 décembre.
Aux Mines de Lens, les employés et ouvriers ayant plus de 30 ans de service recevaient une action de la Compagnie en cadeau et les 100 plus anciens ouvriers une prime de 100 francs, tradition créée par Félix Bollaert, ancien Président du Conseil d’Administration de la Compagnie.
Le Jour de la Sainte Barbe
Le 4 décembre, la journée commençait par la grand-messe de Sainte Barbe. Tous les mineurs croyants et leur famille, endimanchés, se rendaient à l’église. Celle ci était pleine car même les non-pratiquants étaient présents, manifestant ainsi leur remerciement à leur Sainte patronne.
Une procession était organisée, les plus anciens mineurs avaient le privilège de poster la statue de la Sainte jusqu’à l’autel.
La messe durait au moins 2 heures. Elle était payée par les Compagnies. Le plus souvent, une harmonie des Mines jouaient les airs religieux chantés par une chorale paroissiale. Le sermon était bien sur consacré uniquement à Sainte Barbe et à la reconnaissance du travail laborieux mais courageux des mineurs.
Après la messe, les cafés du quartier étaient de nouveau assaillis : les hommes s’y retrouvaient de nouveau pour boire un verre, fumer un cigare ou une pipe tout en chantant des airs du coin jusque 2 heures de l’après midi.
Quelques uns, souvent des non croyants qui n’étaient donc pas obligés d’assister à la messe, étaient là depuis la veille. Les chants étaient de plus en plus forts et les danses de plus en plus vacillantes. On entendait ‘du bout d’el rue ‘ :
« Et bin non, Sainte Barbe, alle est pas morte,
Et bin non, Sainte Barbe, alle est pas morte,
Car alle vit, car alle vit
Car alle vir incor’ »
Puis c’était pour les autres le retour à la maison où la ménagère avait préparé le repas de Sainte Barbe, arrosé par le reste de la bouteille de vin de la veille. Parfois, on se regroupait autour de la table entre voisins et amis.
A Lens, sur la Place de la République, le fête de la Sainte Barbe durait trois semaines début décembre. C’était avant tout une fête foraine. Après le repas, on s’y rendait en famille et, après avoir tourné sur les manèges, les enfants ne revenaient jamais sans la ‘queuche’ de pain d’épice ou le sucre d’orge.
Le soir, un bal était organisé dans les cités. C’était souvent pour les jeunes filles des corons qui avaient fêté Saint Catherine quelques jours auparavant, l’occasion de faire leur ‘bal des débutantes’.
En 1957, les chanteurs polonais vont fêter Sainte Barbe à Paris
Cette année là, pour fêter Sainte Barbe une chorale polonaise accompagnée par l’harmonie des Mines de Liévin est allée donner une représentation à Paris salle Gaveau après être passée sur les ondes de la Radio Française. Cet extrait du ‘Relais Spécial’ de 1990 illustre l’événement.
Avec la fin de l’exploitation du charbon, la Sainte Barbe a été de moins en moins fêtée. Cependant aujourd’hui, des associations veulent renouer avec les traditions pour que nos descendants n’oublient pas ce qu’était la Fête de Sainte Barbe chez les mineurs.
Source principale : Revue du Folklore Francais : la Sainte Barbe dans les régions minières de Marius Taleur
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.