Mémoires de Mineurs
On le trouve « charbonnier de stil », « carbonnier », « ouvrier au charbon » dans les registres du XVIIIe siècle. Il s’appellera finalement « mineur », dénomination qui recouvre les multiples métiers du seul homme qui travaille sous terre.
Le mineur de fonds
Pour obtenir le plus grand rendement possible, les mineurs utilisent des méthodes simples. Ils n'attaquent pas directement la roche massive mais commencent à creuser une saignée qui facilitera l’abattage. Les travaux souterrains sont toujours exécutés avec méthode, à l'aide d'outils simples. Dans la galerie de mine, ‘la Taille’ doit être préparée pour extraire du minerai. A la base du chantier, on creuse une tranchée de 50cm à 1m50 de profondeur, à l'aide de pioches ou de barres à mine permettant le "sous-chèvement" (souchèvement) aussi appelé le "havage". Lorsque la roche s'y prête, on utilise la partie de la couche la plus tendre pour réaliser ce souchèvement et/ou on fixe de petits étais pour soutenir la masse de charbon se trouvant au dessus, de manière à ce qu'elle ne s'affaisse pas. On découpe ensuite deux tranchées verticales pour délimiter un périmètre, ces saignées sont appelées les "coupements". Notez au passage la très forte similitude avec le vocabulaire désignant l'exploitation de carrières de pierre où l'on procède exactement de la même manière par "souchevage" (ou sous-chèvement) et par "défermage" (au lieu de "coupement").
L'organisation et le percement des galeries de mines répondent à des critères très précis. Les dimensions doivent être suffisantes pour circuler et transporter les matériaux, mais cette taille est limitée par des nécessités économiques : plus les galeries sont volumineuses, plus elles coûtent cher. Contrairement aux percements modernes de tunnels (routes, chemins de fer…) de très vastes dimensions, les galeries anciennes utilisées aux 17, 18, 19 et début du 20ème siècle sont tout juste suffisantes pour extraire le minerai. Cette énorme différence de taille est également justifiée par les dimensions des tunneliers actuels et aux exigences de normes de sécurités imposées.
La dimension des galeries dépendra de leur « importance » : les voies principales sont les mieux dotées avec des hauteurs de l'ordre 2m à 2m50 pour manœuvrer les chargements.
Leurs largeurs atteignent jusqu'à 2m50 avec une double voies de rails pour la circulation simultanée des wagonnets pleins et vides. La hauteur se réduit progressivement dans les galeries transversales uniquement calibrées pour y tenir debout : 1m80, pour s'achever dans des galeries d'extraction à une voie d'1m30 de large. Enfin, les filons sont exploités a minima, dans la veine de charbon où les mineurs travaillent dans des boyaux juste assez réduits pour se faufiler et utiliser leurs outils. Dans certains cas, les lampes de mines devaient même être inclinées, leur taille dépassant la hauteur de la galerie... Ces lampes ne dépassaient pas 30 cm.
La sainte patronne des mineurs est Sainte Barbe.
On appelait « galibot » un jeune mineur
Le « porion » le chef de fond.
La « Gueule noire » une locution donnée aux mineurs...Les « herscheuses » les femmes qui travaillent au fond de la mine et poussent des berlines de charbon à bras.
Environ 150 individus pratiquaient ce métier (Willay, Renoncourt, Canipel ...)
Toute la difficulté de l'exploitation d'une mine provient des dispositions très variées des filons souterrains. Certains sont horizontaux, mais comme on l'a vu, la formation géologique peut avoir été bouleversée et présenter un "gîte incliné" vers le haut, vers le bas, sur des hauteurs très variables (50cm à 10 mètres), s'interrompre d'un seul coup, coupé par une faille, et reprendre à plusieurs dizaines de mètres de là, vers le fond ou vers la surface.
Les mineurs doivent faire face à tous ces cas de figure, et extraire dans n'importe quelle condition le minerai : debout, couchés, parfois sur plusieurs hauteurs en même temps. Ces conditions extrêmement difficiles s'ajoutent à la chaleur naturelle du sous sol (plus on descend, plus il fait chaud), à la ventilation plus ou moins bien répartie, à l'effort lui même, à la promiscuité due au grand nombre d'ouvriers... sans compter les accidents dus aux outils, au manque de lumière ou à la faiblesse des lampes, aux poussières de charbon, aux inondations, aux poches de gaz asphyxiant, et enfin, au grisou. Les mineurs courent ainsi de très grands risques auxquels il faut ajouter des conditions de vie tout aussi insupportables : des journées de travail très longues, des maladies consécutives à ces conditions pénibles, une alimentation très pauvre, et l’insuffisance de repos (pas de week-end, ni de congés payés… il faudra attendre 1936). Pour achever cette liste, ces conditions s'appliquent sans distinction aux hommes, aux femmes, aux enfants, et aux malades qui doivent chaque jour retourner à la mine s'ils veulent se nourrir.
Aussi curieux que cela puisse paraître, cette vie misérable et absolument inconcevable pour n'importe lequel d'entre nous est "enviable" à cette époque. La mine offre un emploi régulier, un logement, de quoi se nourrir toute l'année. Dans certains pays proches, des immigrants traversent les frontières dans l'espoir de partager ce sort. Certains ouvriers agricoles abandonnent leurs exploitations dépendant du climat, des sécheresses ou des inondations pour cette "stabilité" relative qui ne connaît pas l'hiver, pour éviter simplement la famine et la misère.
La condition ouvrière
Cette époque marque l'apogée du Nord, devenu en quelques années l'une des plus grandes puissances économiques du pays et appelé à le rester pendant plus d'un siècle. Elle est aussi une période sombre pour les ouvriers. Le célèbre Germinal d'Émile Zola fit connaître le sort des innombrables miniers qui laissèrent leur santé sous terre pour un salaire de misère, mais la situation des ouvriers du textile n'était pas plus facileb 17.
Le Nord Pas-de-Calais fut alors un des hauts lieux des luttes de la classe ouvrière. Dès 1833, eut lieu aux mines d'Anzin une des premières révoltes à caractère social, alors que grève comme « coalition » étaient encore interdits par la loi le Chapelier issue de la Révolution. C'est par exemple à Fourmies, dans l'Avesnois, qu'a eu lieu une fusillade entre forces de l'ordre et manifestants le 1er mai 1891, valant à la ville le surnom de Fourmies la rouge et donnant naissance à la fête du 1er mai.
Le 10 mars 1906, la Catastrophe de Courrières (explosion de 110 kilomètres de galeries dans le bassin minier) entraina la mort de plus de 1 000 mineurs. Une aide européenne fut mise en place, et l'évènement provoqua un long conflit social qui aboutit à l'adoption par la gauche, nouvellement au pouvoir, du repos dominical. Si la catastrophe entraina une prise de conscience des risques et des améliorations techniques (lampes de sûreté, systèmes coupe-feu, postes de sécurité...), les mineurs virent également arriver le marteau-piqueur en 1910, qui augmentait le rendement mais aussi la quantité de poussière (risques d'explosions et de maladies accrus)...
Silicose, le mal enfoui du mineur. Cette maladie pulmonaire, liée aux conditions de travail
C'est une histoire de morts, de vivants et de morts vivants, tous mineurs en Lorraine, à Freyming-Merlebach, en plein bassin houiller, un des derniers sites de production encore en activité en France. Gueules noires, cernes de suie autour des yeux. Au-delà du cliché, le métier est dangereux. La Faucheuse traîne au-dessus des têtes. Comme si cela ne suffisait pas, il y a aussi la silicose, maladie pulmonaire qui fait encore 900 décès par an en France. Une maladie qu'on a tardé à reconnaître.
Aussi, la silicose est une des séquelles du métier suivie par la tuberculose.
Poème de RIMBAUT
Avec le manque d'air
Affreuse silicose
Poumons remplis d'poussière
La mine en est la cause
… …
Le souffle est déchirant
Et les cotes font mal
Les pas sont hésitants
Il nous faut du moral
… …
C'est le riche oxygène
Qui manque à l'organisme
Occasionne cette gêne
Et sape notre optimisme
… …
Il lui faut extirper
La poussière qui l'encrasse
Comme il a arraché
Le charbon de sa masse
… …
Lentement on perd l'espérance
On redescent au fond
Pour une délivrance...
Pauvres "mineurs de charbon"
… …
S'il n'est pas mort au fond
Des coups, des accidents
Il sait que le charbon
Avec sa silicose ... attend
… …
Et le mythe devient d’autant plus grand que les dernières mines du pays sont maintenant fermées.
Victor Hugo, l'un des plus grands poètes français, écrit dans «Les années funestes» :
" Nous étions tous mineurs, mon père, ma mère, moi. L'ouvrage était dur, le chef n'était pas bon. Comme on manquait de pain, on mâchait du charbon...Nous avons demandé, ne croyant pas déplaire, un peu moins de travail, un peu plus de salaire. Et l'on nous a donné quoi ? Des coups de fusil ! "
D’où venait toute cette main-d’œuvre ?
Au XVIIIe siècle, à une époque où la mine n’en est qu’à ses balbutiements, il s’agissait essentiellement d’une population rurale qui venait chercher dans ce nouveau métier un complément de revenu, puis finalement un nouveau métier, plus rémunérateur que la terre. Rapidement, il a fallu trouver plus d’ouvriers. Dans le Nord, Valenciennes et Anzin ne sont pas très éloignés de la frontière, et c’est naturellement les immigrés belges qui ont renforcé les effectifs. Ils représentaient 75% des mineurs d’Anzin au milieu du XVIIIe siècle. À partir de 1850, les sociétés minières connaissent une période de croissance exponentielle qui se prolongera jusqu’à la Première Guerre mondiale.
Rapidement, la population rurale comprend que le métier de mineur est plus lucratif que celui de paysan. Et les sociétés minières font tout pour attirer cette main-d’œuvre nécessaire à leur expansion. Ainsi qu’on le verra plus loin, les sociétés multiplient les avantages pour attirer et retenir ses ouvriers. La guerre et ses milliers de morts obligeront ces mêmes sociétés à trouver d’autres ressources. Ce sera une nouvelle période d’immigration massive, essentiellement polonaise. La Deuxième Guerre mondiale sera moins meurtrière, mais les destructions massives obligeront l’État, devenu responsable des mines, à recourir à l’emploi des étrangers pour relancer la machine. Il s’agira alors surtout d’une population marocaine.
Les risques de la mine
Y a-t-il un métier qui évoque davantage la pénibilité et la mort toujours possible que celui de mineur ? Sans doute pas. Les gueules noires ont leurs légendes, leurs héros, leurs misères...
Le plus important coup de grisou qui ait eu lieu en France est survenu en 1906 dans la mine de Courrières, pourtant prix international de sécurité à l'époque, qui fit 1099 victimes.
Outre son bleu de travail, le métier de mineur requiert un équipement particulier :
le pic, le casque, les bottines, le masque, des gants. Ces accessoires ont évolué techniquement année après année. De plus, l'exploitation d'une mine évoluant, d'autres accessoires, qui reposent sur leurs antiques prédéceseurs sont alors apparus : le marteau-pic pneumatique, le casque à lampe électrique, ...
La Musette
Il existait toutes sortes de musettes : en simple toile ou en cuir pour ceux qui en avait les moyens. Bien souvent, les mineurs récupéraient des morceaux de bandes en caoutchouc des convoyeurs pour fabriquer leur musette. Dans cette musette, la femme du mineur y placait des sandwichs et une gourde en aluminium appelée "boutelot".
Le Boutelot (ou gourde)
La gourde était généralement remplie de "jus de chaussettes", c'est à dire du café bien délavé. Il n'y avait jamais d'alcool dans le boutelot, car il était formellement interdit d'en avoir au fond.
Son café bien chaud dans le boutelot, le mineur le rangeait dans sa musette quand il descendait au fond de la mine.
Le Briquet
C'est ce qu'on appelait le fameux "casse croute" que les mineurs emportait par 600 mètres de fond pour se ressourcer durant la pause vers 10h00.
L'origine du mot "briquet" remonte dans les années 1800 (Zola utilisait déjà ce terme dans son livre germinal en 1864). Il provient d'un surnom de boulanger évoquant l'ancien français (briquet = petit pain en forme de brique).
Au fond de la mine, les mineurs n'ayant que 20 minutes pour manger, le briquet que leurs épouses leur préparait, était constitué d'un bout de pain et souvent de fromage blanc ou de beurre.
La Lanterne
Pour s'éclairer, les premiers mineurs utilisaient une simple bougie mais elle était peu pratique. Très rapidement, une lampe spécifique a été créée "la rave" dans le centre de la France ou "l’astiquette" pour le Nord. Les combustibles utilisés étaient d’abord de l’huile, puis du pétrole vers 1850.
Mais très vite, on adopta l’acétylène qui a un fort pourvoir éclairant. Les lampes restaient toujours à flamme nue.
Au fur et à mesure des catastrophes minières dues à des explosions de poches de grisou, notamment en 1906 dans la Compagnie de Courrières, la protection de la flamme est devenue une nécessité. Ces lampes avec une flamme protégée sont appeléeslampes de sûreté. Leur invention revient à Humphry Davy et George Stephenson. La flamme est enfermée au milieu d’un grillage métallique. Ainsi, la flamme ne traverse pas le grillage absorbant la chaleur de la flamme. Les lampes s’améliorèrent avec double grillage, verre protecteur, système anti-dévissage…
Les lampes dites de "sûreté" vont être conçues pour tenter d'éviter de causer des explosions dans une atmosphère grisouteuse, et même d'essayer de les "prévenir". On va s'apercevoir en effet qu'à l'instant où la lampe entre en contact avec le gaz, la flamme réagit. et ne provoque pas systématiquement une explosion - Pour que l'embrasement se produise, la proportion de grisou et d'oxygène doit être d'une précision absolue.
Si le gaz est présent en faible quantité, la flamme reste d’une taille très réduite : on peut même mesurer le danger en abaissant la mèche, et en élevant doucement la lampe vers le haut de la galerie, là où se concentre le grisou. - A l'inverse, quand la concentration de gaz est importante, il n'y a plus suffisamment d'air pour permettre à l'explosion de se produire ; il ne sera pas inoffensif pour autant, puisque cette proportion constitue un risque d'asphyxie.
Ces lampes de mines servent donc aussi à mesurer la teneur en gaz Sur certaines d'entre-elles, on aménagera des marquages et des graduations (à l'intention des ingénieurs et des géomètres) pour permettre de mesurer précisément la présence du grisou. La lampe devient alors un grisoumètre. Lorsque les lampes fonctionnant au Benzine (lampes à essence) vont faire leur apparition (autour de 1890), on s'apercevra que la mesure se fera de manière encore plus précise et on concevra des grisoumètres à part entière, uniquement destinés à la mesure du gaz.
Le casque à lampe
La raison d'être de ce moyen de protection n'est pas malheureusement d'amortir les chocs de lourds projectiles...
Avec les casques de cuir bouilli, il s'agit avant tout de protéger le cuir chevelu du mineur contre les éraflures et autres petits dégâts provoqués par les chutes de charbon.
Le casque est devenu aussi un support naturel pour la lampe.
Dans les années cinquante, les casques en résine époxy ou en plastique ont remplacé les anciennes barrettes. Ces casques épais offraient une meilleure protection et étaient équipés pour recevoir la lampe électrique “au chapeau”.
Outils de mineur
L'inventaire des outils de mine est beaucoup plus varié par les formes et les noms, que par le nombre des outils eux-même. L'outillage de mineur est simple et rudimentaire.
Les outils de grande taille sont tout simplement les pelles, les pioches et les pics (qu'on appelle aussi lances ou barres à mines). On utilise aussi des outils plus petits comme les coins (en bois, puis en fer, puis mécaniques : les coins éclateurs), la hache (pour le boisage comme pour le taillage de la roche), les pointeroles (petits burins) qu'on enfonce avec des masses ou des massettes. Des outils plus spécifiques comme « la rivelaine », servent au havage des saignées. Les "pinces" définissent les outils utilisés comme leviers ressemblant aux "pieds de biche".
D'une manière générale, les outils rudimentaires des mineurs sont robustes et très bien entretenus. La solidité des manches est déterminante, si on considère qu'une simple pioche sert à creuser, sonder, et peut être utilisée comme levier pour séparer des roches fissurées ou détourées par des saignées.
L'industrialisation va tardivement, mais efficacement libérer les mineurs de ces travaux de forçats, ou tout du moins soulager progressivement leur peine grâce à l'invention d'outils mécaniques, puis pneumatiques pour automatiser les extractions demandant le plus d'efforts.
On utilisera de la même manière des haveuses mécaniques qui permettront de tailler de larges saignées et de pré-découper en quelque sorte des blocs de minerai pour un meilleur rendement. Les outils manuels resteront utilisés pour les travaux plus délicats.
LA MINE, Un monde souterrain
Description d'une mine type du milieu du XXe siècle
Qu'est-ce qu'un charbonnage ?
Extrait de "Bienvenue aux Charbonnages de Ressaix", sans date, pp 12-13.
Éditeur responsable : A. FOGUENNE, Ressaix,
Mise en page et illustration : F. BEGHEIN, Amay
- L'exploitation du charbon est souterraine. Elle requiert deux puits : l'un d'entrée d'air et d'extraction, l'autre de retour d'air et d'extraction. On installe sur ces puits le châssis à molettes sur lesquelles s'enroulent deux gros câbles en acier. À ces câbles, sont suspendues des cages qui permettent la descente et la remontée du personnel, du matériel et des produits.
- Au fond, on perce de grandes galeries dont certaines recoupent les couches de charbon. * Ce charbon est abattu par des ouvriers qualifiés appelés ouvriers à veine ; le chantier où ils travaillent porte le nom de taille.
- Le charbon abattu doit encore être évacué. Il est amené dans des wagonnets par différents engins : courroies, couloirs oscillants ou autres transporteurs. Ces wagonnets sont groupés en rames et tirés par une locomotive ou des câbles et dirigés vers la cage pour la remonte.
- Pour la bonne marche d'un charbonnage, divers travaux sont nécessaires : l'abattage, le creusement des galeries, la mise en place et l'entretien des installations, les travaux de sondage, de captage du grisou, ceux de maçonnerie et d'électricité. Ces divers métiers exigent de nombreuses qualifications.
La société des charbonnages d'Hensies-Pommeroeul exploitait les concessions de "Hensies-Pommeroeul" et "Nord de Quiévrain" sur une superficie totale de 1895 hectares, juste à la limite de la frontière franco-belge dans le nord du Borinage.
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